Le ministère de l’Agriculture et des Aménagements hydrauliques, appuyé par ses partenaires, a entrepris de mettre en place une assurance agricole au Burkina Faso. Le ministre Jacob Ouédraogo situe donc ici l’intérêt de ce mécanisme pour le gouvernement et les agriculteurs du pays.
– L’Economiste du Faso: Vous avez évoqué un projet pilote en cours dans votre département en prélude à la généralisation de l’assurance agricole. De quoi s’agit-il exactement ?
Jacob Ouédraogo, ministre de l’Agriculture et des Aménagements hydrauliques: L’assurance agricole est un mécanisme de gestion des risques agricoles liés non seulement aux effets du changement climatique, mais aussi à la volatilité des prix des produits agricoles sur les marchés.
Au regard du poids des aléas climatiques sur notre agriculture, nous avons jugé nécessaire de mettre en place un mécanisme d’assurance agricole au profit des agriculteurs, en particulier les plus vulnérables, afin d’atténuer leur exposition aux chocs environnementaux et d’assurer leurs revenus.
Comment ce projet est-il mis en œuvre, et avec quels partenaires ?
Le projet est mis en œuvre sur la base du partenariat public-privé. Il mobilise, outre notre département, deux partenaires : la Société nationale d’assurances et de réassurances (SONAR-IARD) et la Mutuelle agricole marocaine d’assurances (MAMDA). Le vendredi 13 avril 2018, au terme d’un processus d’échanges et de négociations, nous avons conclu une convention-cadre pour la mise en place de l’assurance agricole au Burkina Faso.
A travers ce partenariat, notre département s’engage à mettre à la disposition des autres partenaires les informations et les données statistiques nécessaires à l’évaluation des besoins en matière d’assurance agricole. Il nous revient également de procéder à la détermination des priorités concernant les cultures, les périls à couvrir et à la mise en place d’infrastructures et d’équipements indispensables à la mise en œuvre du projet. Notre tâche consiste aussi à supporter une subvention partielle de la prime d’assurances, tout en contribuant à la naissance d’un réseau d’experts en sinistres, en matière purement agricole.
Dans cette collaboration, la MAMDA s’engage à apporter son appui technique et financier au développement de l’assurance agricole au Burkina Faso. La SONAR-IARD est chargée d’implémenter le mécanisme sur le terrain.
En outre, le projet nécessite l’intervention de l’Agence nationale de la météorologie (ANM), commise à la fourniture des données climatiques nécessaires à la définition des indices climatiques et à l’accompagnement de notre département dans l’installation des stations météorologiques.
L’assurance agricole concernera quels types de spéculations ou d’activités ?
Avant sa mise à l’échelle, l’assurance agricole sera expérimentée sur une période de trois ans ; dans trois régions représentant les différentes zones agro-climatiques du pays (Boucle du Mouhoun, Centre-Ouest et Est) et au profit de trois spéculations: le maïs, le sorgho et le riz. Le sorgho et le maïs représentent respectivement 38 et 33% de la production nationale sur les cinq dernières années. Le poids du riz demeure relativement modeste dans la production nationale, mais cette culture présente tout de même un intérêt stratégique sous l’angle économique et en matière de sécurité alimentaire et nutritionnelle. Le panier des produits couverts va s’accroître à la phase de mise à l’échelle.
Pourquoi parle-t-on de plus en plus d’assurance agricole au Burkina? Quel en est l’intérêt pour l’Etat et les producteurs ?
Depuis belle lurette, notre agriculture est fortement dépendante de la pluviométrie et de ses caprices. Les effets du changement climatique ont exacerbé la vulnérabilité de nos productions agricoles et celle de nos braves paysans. Face à cette menace quasi-permanente, le gouvernement a décidé de prendre à bras-le-corps la gestion des risques agricoles par la mise en place d’une assurance agricole de qualité. Par ce mécanisme, il s’agit d’accroître la résilience de nos producteurs qui, dorénavant, peuvent bénéficier d’une indemnité en cas de périls impactant leurs récoltes. Ce mécanisme vient renforcer les mesures visant à juguler les effets du changement climatique sur l’agriculture nationale.
Dans un secteur où les banques ne risquent pas, croyez-vous que les assureurs feront mieux?
Nous avons foi en l’assurance agricole, parce que le mécanisme lui-même comporte ses facteurs de succès à l’image de la possibilité pour les acteurs d’évaluer les risques en raison de la disponibilité des informations et des données météorologiques. De plus, le paiement préalable de la prime fait disparaître chez l’assureur toute idée de perte.
Par ailleurs, la mise en place de l’assurance agricole devrait stimuler l’intérêt des banques pour le secteur agricole, puisque les risques qui suscitaient certaines réticences en matière de financement seront désormais garantis. L’assurance agricole va accroître la solvabilité des producteurs aux yeux des banques et autres établissements financiers.
Nous amorçons cette dynamique dans un contexte où la Banque agricole du Faso est en train d’être portée sur les fonts baptismaux. En se portant principalement sur l’activité agricole, elle va faire naître un élan de concurrence qui pourrait attirer plusieurs autres banques vers le secteur. Nous nous réjouissons de cette conjugaison de facteurs favorables à l’activité agricole.
FW