Partant de son slogan de campagne «L’Amérique d’abord», Donald Trump se positionne nettement pour le protectionnisme. Il considère que les Accords de libre-échange signés par les Etats-Unis ne sont pas favorables à l’économie américaine, et sont la cause du grand déficit de la balance commerciale. Il rend la mondialisation responsable de la perte d’emplois aux Etats-Unis.
Passant à l’acte, il a retiré les Etats-Unis de l’Accord de partenariat pacifique (TPP), a stoppé les négociations Etats-Unis/Union européenne, et exigé la renégociation de l’ALENA (Accord de libre-échange des Etats-Unis avec le Canada et le Mexique). Il ne cesse de s’attaquer à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), notamment en bloquant la nomination de juges américains à l’Organe de règlement des différends (ORD).
Mesure spectaculaire
Mais, la mesure la plus spectaculaire qu’il a prise le 8 mars dernier a été l’imposition de taxes sur l’importation d’acier et d’aluminium aux Etats-Unis à hauteur de 25% pour l’acier et 10% pour l’aluminium. Ces taxes devront entrer en vigueur dans les 15 jours. Il a cependant exonéré de ces taxes le Canada et le Mexique d’une façon provisoire, en attendant l’issue des négociations en cours sur l’ALENA.
Donald Trump s’est appuyé pour prendre cette décision sur l’article 232 de la législation commerciale américaine qui repose sur des arguments liés à la Défense nationale pour limiter l’importation de produits et de biens aux Etats-Unis. Or, les importations d’acier ne représentent que 36% de la production totale des Etats-Unis, et ne constituent pas un danger pour le pays.
L’annonce de ces droits de douane a suscité une véritable fronde au sein-même du parti républicain. La communauté internationale n’a pas tardé à réagir vivement à la décision de Donald Trump. La France regrette cette décision et affirme qu’une guerre commerciale ne fera que des perdants. Les conséquences de cette décision seront évaluées avec les partenaires européens, ainsi que les réponses à y apporter. La Commissaire européenne au commerce a estimé que l’Union européenne devrait être exemptée de ces taxes, étant donné qu’elle est un allié proche des Etats-Unis. Cependant, des contre-mesures sont prévues par l’Union européenne en cas de maintien de ces taxes. La première mesure consiste à mettre en place des taxes sur une liste de produits américains pour compenser en valeur la perte pour l’industrie européenne. L’Union européenne pourrait aussi instaurer des mesures de sauvegarde pour protéger les secteurs de l’acier et de l’aluminium des flux étrangers qui ne trouveraient plus de débouchés sur le marché américain. Enfin, l’Union européenne envisage de déposer une plainte contre les Etats-Unis devant l’OMC.
On ne peut que déplorer cette décision de taxation des importations d’acier et d’aluminium aux Etats-Unis. C’est une mesure populiste et démagogique qui avantage deux secteurs de l’économie américaine au détriment des autres.
Déjà, un précédent en 2002
D’ailleurs, il existe un précédent aux Etats-Unis même, où en 2002 George Walter Bush avait imposé des taxes à l’importation de certains produits en acier de 8 à 30%. Appliquée pendant deux ans, cette taxation a augmenté les prix des produits américains. Cette taxation s’est traduite par une perte de 200.000 emplois, notamment dans l’industrie automobile. Les contre-mesures prises par l’Asie et l’Europe ont concerné le jus d’orange de Floride, et l’Union européenne avait déposé une plainte contre les Etats-Unis au niveau de l’OMC. D’autre part, au cas où les pays concernés par cette taxation prennent effectivement des contre-mesures vis-à-vis des Etats-Unis, il y a un risque d’une guerre commerciale qui ne peut être que préjudiciable à la croissance mondiale. Ceci a été vérifié historiquement, à tel point qu’après la grave crise financière mondiale 2008-2009, le G20 a toujours préconisé de ne pas recourir au protectionnisme.
La communauté internationale devrait ainsi être très vigilante vis-à-vis de la politique protectionniste de Donald Trump, et notamment son initiative de taxer les importations d’acier et d’aluminium aux Etats-Unis. Tous les exportateurs de ces deux produits devraient menacer les Etats-Unis de contre-mesures effectives afin d’amener Donald Trump à renoncer à sa position. Le véritable problème du marché de l’acier est la production excédentaire de la Chine qui représente 50% de la production mondiale et qui a entraîné la chute des prix. La Chine a déjà commencé à réduire sa production, mais il faut qu’elle accélère le rythme.
L’Economiste Edition N°: 5234 …. du 21/03/2018
En 2017, l’Union européenne a exporté sur les Etats-Unis 5,3 milliards de Dollars d’acier et 1,3 milliard de Dollars d’aluminium. La perte que subiraient ces deux secteurs du fait des taxes américaines serait de 2 à 2,5 milliards de Dollars. Les autres réactions internationales à la décision de Trump ont été également négatives. Le Brésil, deuxième fournisseur d’acier des Etats-Unis, a fait savoir qu’il «comptait protéger ses intérêts», et la Chine qu’elle apporterait «une réponse appropriée, si nécessaire». Donald Trump a cependant assuré que les Etats-Unis vont faire preuve de beaucoup de flexibilité, et que tous les pays concernés pourraient entamer des discussions avec les Etats-Unis pour négocier une éventuelle exemption.