Après avoir stagné en 2016, la croissance est de retour en Afrique de l’Ouest. Selon le rapport sur les Perspectives économiques en Afrique de l’Ouest, elle devrait atteindre 3,8% en 2018 et 3,9% en 2019. Sur les 16 pays que compte la zone, la performance est variée selon les pays ; mais les tendances sont essentiellement régionales, dans la mesure où le Nigeria contribue à près de 70 % du PIB régional.
Les autres grandes économies de la région ; la Côte d’Ivoire et le Ghana; ont contribué ensemble à environ 11 % du PIB régional total en 2017, et leur croissance prévue en 2018-2019 devrait soutenir la reprise au Nigeria. Les perspectives positives dans la région sont fondées sur un rebond des prix du pétrole et de la production de pétrole au Nigeria et au Ghana, ainsi que sur une solide performance agricole.
En termes de croissance du PIB, c’est le secteur des services qui se taille la part du lion dans l’économie de la plupart des pays ; sauf au Liberia et en Sierra Leone où l’agriculture reste dominante.
Dans tous les pays de la région, la contribution de l’industrie manufacturière au PIB est la plus faible de tous les secteurs. La part du secteur manufacturier reste la plus élevée en Côte d’Ivoire -environ 18 % du PIB en 2017. Dans la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest, le secteur manufacturier se limite aux produits primaires de transformation de l’industrie légère et à la production de biens de consommation.
Les prévisions dans les secteurs et sous-secteurs dominants de l’économie varient d’un pays à l’autre, selon le rapport qui a pris l’exemple du Burkina Faso. «Le secteur manufacturier et l’industrie seront un moteur de la croissance, compte tenu du rythme soutenu du Plan national de développement économique et social (PNDES) 2016-2020 ; tandis que l’agriculture occupera la deuxième position», annonce le rapport.
Quel est le moteur de croissance ?
Pour les experts du rapport de la BAD, c’est la consommation privée qui représente le principal moteur de la croissance du côté de la demande (PIB) en Afrique de l’Ouest. En moyenne, la consommation privée représentait 75 % du PIB en 2015, avec un minimum de 50 % au Cap-Vert et un maximum de 102 % en Sierra Leone. Une prépondérance considérée comme bénéfique, car elle garantit la résilience : «La demande intérieure d’une population nombreuse persistera en tant que catalyseur majeur de la croissance régionale», explique le rapport. Et de poursuivre que «parce que la demande est le reflet des revenus ; la région devrait s’efforcer d’améliorer le revenu par habitant. La demande doit être bien canalisée pour soutenir l’entrepreneuriat dans la région».
Actuellement, les importations dépassent les exportations, aggravant le solde du compte courant. Le préjudice économique est encore plus important quand les importations sont largement constituées de biens de consommation, car l’industrie manufacturière nationale est trop limitée pour les produire. Autre problème : la part de formation de capital dans le PIB est inférieure à celle de la consommation ; compte tenu de l’infrastructure sous-développée de la région, ce déséquilibre freinera la croissance à moyen terme. Cependant, parmi les facteurs du PIB, côté demande pour 2016-2018, c’est la formation brute de capital qui devrait croître le plus rapidement.
Opportunités et risques à l’échelle mondiale
Les perspectives pour 2018 et 2019 sont principalement basées sur les conditions extérieures, en particulier la hausse attendue des prix des matières premières. Celle-ci devrait stimuler la croissance de l’Afrique de l’Ouest à court et moyen termes, révèle le document.
De plus, les investisseurs étrangers voient de nouvelles opportunités dans la région au-delà des destinations traditionnelles telles que le Nigeria, dans des marchés en expansion rapide comme la Côte d’Ivoire. Et les coûts de fabrication croissants de la Chine, dus aux coûts de main-d’œuvre, offrent à l’Afrique de l’Ouest une chance de rivaliser dans ce secteur.
Comment l’Afrique de l’Ouest peut tirer parti de ces opportunités ?
Pour la Banque africaine de développement, la réponse est simple : «En augmentant le contenu manufacturé de ses exportations, et par un ajout de valeur». Pour la banque, la dépendance actuelle de certaines grandes économies ouest-africaines aux exportations de produits à base de matières premières les rend vulnérables aux chocs externes. Les projections de croissance dépendent aujourd’hui d’une production pétrolière stable et de prix du pétrole raisonnables -un risque continu pour la croissance ouest-africaine.
Opportunités et risques dans la région: retombées transfrontalières de la croissance
Sur le grand marché ouest-africain, les pays qui tirent parti de leurs avantages comparatifs amélioreront l’intégration, la croissance et le développement du commerce régional.
«Le commerce offre une marge d’amélioration importante en Afrique de l’Ouest. Le principal obstacle à un commerce plus intra-CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) provient des barrières non commerciales, politiques et économiques.
L’économie de l’Afrique de l’Ouest est dépendante de quelques pays seulement.
Le Nigeria représente plus de 70 % du PIB régional, et en incluant le Ghana, la Côte d’Ivoire et le Sénégal, le total s’élève à 90 %. La prospérité économique de la région dépend du développement de ces économies ; et, inversement, elle peut pâtir des chocs défavorables dans ces pays, en particulier au Nigeria.
NK
La croissance a-t-elle généré des emplois ?
Selon le rapport sur les Perspectives, la croissance en Afrique de l’Ouest est impressionnante. Elle découle en grande partie de l’augmentation de la production de produits à base de matières premières. Cette augmentation ne crée malheureusement pas d’emplois productifs et peut conduire à une «croissance sans emploi», déclare le document d’une cinquantaine de pages. En outre, un chômage aigu et la précarité continuent d’affecter les segments les plus larges et les plus vulnérables de la population -les jeunes, les femmes et les populations rurales.
La pauvreté a baissé partout ; sauf dans quelques pays comme la Guinée-Bissau et la Côte d’Ivoire. Mais cette baisse, mesurée par la norme internationale de 1,90 $ EU par jour ou par les seuils de pauvreté nationaux, a été largement plus faible que celle prévue avec l’augmentation du revenu par habitant.
L’Afrique n’a pas réussi à créer des emplois décents. Les facteurs dépendent à la fois de l’offre et de la demande. Du côté de l’offre, la forte croissance de la population due à des taux de fécondité les plus élevés au monde a entraîné une croissance exponentielle de la population active. Et les demandeurs d’emploi, en particulier les jeunes, ont rencontré de sérieux obstacles à l’emploi dans la plupart des pays en raison de leur formation limitée.
Du côté de la demande, la croissance économique en Afrique est tirée par les matières premières -agriculture, secteurs pétrolier et minier- dont l’apport au reste de l’économie est faible. La productivité de l’agriculture reste faible, et les industries minières et minérales, par nature à forte intensité capitalistique, emploient peu de main-d’œuvre locale et ne laissent derrière elles qu’une part marginale des recettes générées. La croissance d’autres activités formelles est découragée par un climat des affaires hostile, des coûts unitaires élevés et une bureaucratie lourde et souvent corrompue, conclut le rapport de la BAD.