Le 14 février 2018, le ministre des Mines et des Carrières du Burkina Faso, Oumarou Idani, a signé la lettre de résiliation du contrat qui lie l’Etat à la société Pan Africain Burkina Limited (PAB) pour l’exploitation de la mine de manganèse de Tambao.
Le gouvernement attend donc le préavis de 90 jours, c’est-à-dire le 14 mai 2018, pour reprendre officiellement sa chose. Il pourra lancer une nouvelle procédure afin de recruter un nouveau partenaire dans le cadre de la mise en valeur de ce gisement. Par cette résiliation, le gouvernement accède donc à une des recommandations de la commission d’enquête parlementaire sur la gestion des titres miniers et la responsabilité sociale des entreprises minières (octobre 2016). Cette recommandation adressée au gouvernement portait sur le retrait du permis d’exploitation du manganèse de Tambao à PAB.
Pouvait-il en être autrement, puisque PAB a déjà saisi les instances internationales parce que le Burkina aurait suspendu son permis d’exploitation en 2015 et réclamerait plus de 2.000 milliards de FCFA de dommages et intérêts à l’Etat burkinabè.
La somme que réclame PAB serait l’équivalent des prévisions de recettes générales du Burkina en 2018. Cette société peut-elle réclamer autant d’argent au Burkina Faso et détenir le permis d’exploitation de la mine de Tambao ?
En rappel, c’est le 11 août 2012 que le ministre des Mines de l’époque, Salif Lamoussa Kaboré, a signé l’accord-cadre de partenariat public-privé en vue de la réalisation des projets intégrés dans le cadre de la mise en valeur du gisement de manganèse de Tambao avec la société Pan African Burkina Limited. Cette société a reçu son permis d’exploitation en mai 2014. Le gouvernement de la transition avait suspendu les activités d’exploitation du manganèse en janvier 2015, avant de lever cette suspension en décembre 2015. Pour Pan African Burkina Limited, cette suspension a eu un préjudice sur ses activités. D’où le recours à l’arbitrage et les dommages et intérêts demandés. Le gouvernement burkinabè s’est appuyé sur l’article 33 du PPP pour signer la lettre de résiliation en février 2018. Cet article dispose : «Le présent PPP prendra fin avant terme dans les cas suivant: a) par accord écrit des parties, b) par dénonciation par l’une des partis en cas de non-respect d’une des obligations par l’autre». A partir de cette date, PAB dispose de 90 jours pour contester la décision du gouvernement. La société pourrait donc porter l’affaire devant le centre d’arbitrage, de médiation et de conciliation de Ouagadougou (CAMC-O). Si la médiation du CAMC-O échoue, l’affaire peut être tranchée définitivement selon le Règlement d’arbitrage de la Chambre internationale. On se rappelle que PAB a déjà saisi le CAMC-O pour une médiation qui a échoué en mars 2017. Depuis décembre 2017, l’affaire serait en voie de règlement devant la Chambre internationale de commerce (CCI) de Paris. La date prévue pour la tenue des audiences devant cette Chambre est fixée à mi-septembre 2018.
Elie KABORE
Salif Kaboré va-t-il échappé à la justice ?
La responsabilité de l’ancien ministre des Mines, Salif Kaboré, est engagée dans la perte d’argent par le Burkina Faso dans l’affaire Tambao. Selon la commission d’enquête parlementaire sur la gestion des titres miniers et la responsabilité sociale des entreprises minières (octobre 2016), il a été à la base d’une rupture unilatérale du contrat de la société General Nice Ressources (GNR) en 2012.
GNR, qui a porté l’affaire devant la Chambre internationale de commerce de Paris, a eu gain de cause le 3 février 2016. La sentence prononcée par cette Chambre condamne le Burkina à payer la somme de 15.125.946,35 Dollars US au titre des dommages et intérêts à GNR. Cette somme correspond au montant de l’accord (14.880.000 Dollars, en plus de 245.946 Dollars pour frais d’arbitrage) que Salif Kaboré a signé avec GNR le 4 juin 2013, sans aviser le gouvernement burkinabè.
Le Burkina Faso a été informé de la décision de la Chambre en mars 2016 et s’est engagé à payer les 15.125.946,35 Dollars US. Pour cette raison, la commission d’enquête parlementaire avait pris une résolution portant mise en accusation d’un ancien ministre en charge des Mines de 2005 au 30 octobre 2014, relativement au dossier Tambao. Cette résolution n’a pas encore connu un début d’exécution, et on se demande si Salif Kaboré échappera à la justice ?