La contribution foncière est en vigueur depuis le 1er septembre 2016. Combien de contribuables ont déjà été taxés ? Quel est le volume des recettes collectées ? Pour répondre à ces questions, L’Economiste du Faso a rencontré l’économiste Amos M. Zong-Naba, inspecteur des impôts en service à la Direction des moyennes entreprises du Centre II, à Ouagadougou. Il est par ailleurs membre expert-fiscal auprès du Groupe d’action pour la promotion du civisme fiscal (GAPCIF).
L’Economiste du Faso : Quel bilan peut-on faire de la mise en œuvre de la contribution foncière ?
Amos M. Zong-Naba (inspecteur des impôts en service à la Direction des moyennes entreprises du Centre II): La taxe est en vigueur depuis le 1er septembre 2016. A la date du 30 novembre 2017, le total des recettes générées par la taxe a été évalué à 152.673.913 de F CFA dont 24.337.777 de FCFA entre septembre et décembre 2016 et 128.336.136 de FCFA entre janvier et fin novembre 2017.
En termes de nombre de contribuables ayant payé cette taxe, 5.724 contribuables sont déjà imposés dont 1.007 en 2016 et 4.717 entre janvier et novembre 2017.
Quelle appréciation faites-vous de ces chiffres?
Ces chiffres sont en évolution. De 1.007 contribuables pour une recette de 24.337.777 de FCFA en 2016 à 4.717 contribuables pour une recette de 128.336.136 de F CFA en 2017, soit une augmentation de 400% (3.710 contribuables) en termes de nombre de contribuables et de 400% (103.998.359 de FCFA) en termes de recettes. En rappel, en 2016, l’imposition de la taxe n’a concerné que les mois de septembre à décembre.
Ces chiffres sont encourageants et prouvent que la Direction générale des impôts (DGI) a fait des efforts, mais ils restent largement en deçà des attentes et des prévisions. En effet, l’étude réalisée dans le cadre de l’élaboration de l’avant-projet de loi sur le bail d’habitation privée au Burkina Faso avait estimé haut le rendement de la contribution foncière sur les propriétés bâties et non-bâties, sur la base des propriétés bâties à usage d’habitation dans les villes de Ouagadougou et Bobo-Dioulasso.
Ces estimations ont été faites sur la base des 203.431 parcelles à usage d’habitation dégagées à Ouagadougou et les 63.684 parcelles à usage d’habitation de Bobo-Dioulasso, avec des taux de mise en valeur respectifs de 75% et 60%. Les prévisions de recettes sur les propriétés bâties à usage d’habitation uniquement sont de 1.692.670.433 FCFA. On peut reconnaitre qu’il y a des difficultés de recouvrement optimum de cette taxe, et des efforts restent à faire.
Quelles sont les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de la mesure ?
Les difficultés sont de plusieurs ordres. Au niveau administratif, l’absence d’un cadastre fiscal fait que l’assiette de cet impôt n’est pas totalement maitrisée. 10% des recettes de la taxe devraient financer la mise en place progressive de ce cadastre, mais pour le moment cela n’est pas effectif. Des campagnes de communication ont été réalisées, mais cela reste insuffisant parce que, jusque-là, des personnes ignorent l’existence de la taxe. L’implication des élus locaux dans la mobilisation de la taxe reste faible. Pourtant, 75% des recettes reviennent à la commune et 15% à la région.
Avez-vous des propositions de solutions pour améliorer l’adhésion des contribuables à cette taxe ?
Il faut accentuer la communication en mettant en avant les avantages de cette taxe pour les contribuables. Les conseils municipaux ou régionaux peuvent initier des journées d’information et de formation sur la taxe. Mettre en place le cadastre fiscal qui permettra de localiser, de cartographier et de cerner les propriétés bâties et non-bâties. Si le contribuable sait que l’administration a l’information qu’il détient une propriété, il sera plus enclin à venir déclarer la taxe qui, du reste, est déclarative. Relancer les contribuables défaillants à travers les fichiers de la taxe foncière et faire un point périodique des actions concrètes réalisées sur la base des recettes de cette taxe.
Enfin, il faut appuyer la DGI en moyens matériels et financiers. Les communes et les régions doivent également apporter leur soutien aux services de la DGI pour le recouvrement de la taxe.
Quelles sont les raisons qui ont conduit le gouvernement à instituer cette taxe sur les propriétés bâties et non-bâties ?
Le financement du Plan national de développement économique et social (PNDES) prévoit d’élargir l’assiette fiscale. L’institution d’un impôt foncier apparait comme une mesure d’élargissement visant à fournir des ressources supplémentaires. En 2016, les prévisions de recettes de la contribution foncière étaient supérieures à 1,500 milliard de FCFA par an.
En outre, les états généraux sur les lotissements tenus en octobre 2013 ont mis en évidence le potentiel en matière de foncier bâti et non-bâti, et ont fortement recommandé l’institution d’une taxe foncière sur les propriétés bâties et non-bâties.
Au plan politique, il s’agit de contribuer à l’enracinement du processus de décentralisation en cours dans notre pays en procurant aux collectivités territoriales des ressources financières supplémentaires.
Au plan social, l’institution de cette taxe vise à accroître la participation des populations aux charges de la collectivité et l’amélioration des services sociaux de base.
Au plan économique, l’accélération de la croissance urbaine qui valorise les terres urbaines et le développement d’un certain nombre d’activités économiques en milieu rural sont des opportunités à saisir pour offrir aux collectivités territoriales des revenus tirés de l’exploitation des ressources foncières.
Interview réalisée
par Elie KABORE
Comment calcule-t-on cette taxe?
La contribution foncière sur les propriétés bâties et non-bâties comprend 2 taxes: premièrement, la taxe foncière sur les propriétés bâties, qui est calculée au taux de 0,1% de la valeur des propriétés, en ce qui concerne les propriétés bâties à usage d’habitation, et de 0,2% de la valeur des propriétés, pour les propriétés à usage autre que d’habitation (commercial, industriel, etc.) ; deuxièmement, la taxe foncière sur les propriétés non-bâties, qui est calculée au taux de 0,2% la valeur vénale des terrains nus.