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Burkina Faso : Quelles avancées après la loi sur le quota en faveur des femmes aux élections ?

Par Sandrine Sawadogo pour L’Économiste du Faso

Depuis le 16 avril 2009, 30% au moins des candidats aux élections nationales et municipales doivent être des femmes. C’est en substance le résultat attendu de la loi sur le quota genre, mise en application lors des élections couplées législatives et municipales du 2 décembre 2012 au Burkina Faso. 8 ans après, l’efficacité de cette loi se fait toujours attendre.

Selon les données du Conseil national pour la promotion du genre (CONAP/Genre), entre 1997 et 2015, la tendance de progression s’est faite en dents de scie. Le nombre de femmes députés a beaucoup varié entre 1997 et 2015. Ainsi, on note que celles-ci étaient 10 en 1997, 13 en 2002, 17 en 2007 et 24 en 2012 à l’Assemblée. A partir de là, le nombre de femmes députés a chuté pour revenir à 13 en 2015.  En mars 2017, ce nombre est passé de 12 à 15.

D’où vient donc le problème ? Au niveau du ministère pour la Promotion du genre, on pointe du doigt l’interprétation de la loi. « Aucun texte n’étant venu préciser les termes de la loi, les partis politiques en ont choisi une interprétation qui, en réalité, ne renforçait pas la participation des femmes aux élections. Ainsi, au lieu de 30% de toute liste, ils ont préféré 30% de l’ensemble des candidatures du parti », explique le CONAP/Genre dans un rapport.

A cela, il faut ajouter que, sur les listes électorales, les femmes n’ont pas été placées en position d’éligibilité ; c’est-à-dire, en tête de liste. En plus, et dans certains partis politiques, les femmes sont très peu nombreuses. Et les pesanteurs socio-culturelles qui les relèguent aux tâches domestiques, et leur faible pouvoir financier, jouent contre la promotion de la femme en politique.

Même la sanction qui consiste à perdre 50% du financement public dans le cadre d’une élection, pour non-respect du quota genre, n’a pas été suffisamment dissuasive pour pousser les partis politiques à adopter cette loi.

Face aux multiples obstacles rencontrés dans la lutte pour l’amélioration de la participation des femmes à la  politique et la complexité même du sujet, dans le contexte burkinabè, « mon département, en collaboration avec le MATDS [Ministère de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité] et les OSC [Organisations de la société civile

], a entrepris en 2015 la relecture de la loi pour la rendre plus efficace », a expliqué David Beyi, secrétaire permanent du CONAP/Genre. Les modifications apportées à celle-ci portent sur l’ajout de nouveaux articles qui visent le positionnement alterné homme-femme ou femme-homme sur les listes électorales, et aussi sur l’article 3. Ainsi, au lieu de «toute liste de candidatures présentée par un parti ou regroupement de partis politiques, lors des élections législatives et municipales, doit comporter au moins 30% de candidatures au profit de l’un et de l’autre sexe», le nouveau texte dispose en son article 3 que «chaque liste de candidatures présentée à l’occasion des élections législatives ou municipales par un parti politique, un regroupement de partis politiques  ou  un regroupement d’indépendants,  dans une circonscription électorale dont le nombre d’élus est paire est alternée femme-homme ou homme -femme ».

Des mesures qui, comme le note M. Beyi, ont permis la progression du nombre de femmes députés sur l’échiquier politique. C’est ainsi qu’entre 2015 et 2017, le Burkina a enregistré 3 nouvelles femmes députés à l’Assemblée nationale. Ce chiffre est loin des performances d’un pays comme le Rwanda, qui fait office de référence en matière de parité homme/ femme en politique avec plus de 50% de femmes au parlement.

Les facteurs explicatifs

Plusieurs types de contraintes freinent la femme dans son ascension politique. Il s’agit d’abord des contraintes liées aux pratiques politiques. Au Burkina, l’article 154 de la Commission électorale stipule que “ sous peine de nullités, les listes de candidatures doivent comporter au moins un candidat de l’un ou de l’autre sexe”. Une loi qui n’est pas respectée. En 2015, sur les 127 parlementaires, 92% étaient de même sexe. Les femmes ne représentaient que 8%.

Une autre contrainte est quant à elle liée à la société, à savoir la préséance de l’homme sur la femme.

Cela n’a pourtant pas empêché certaines femmes de tenir tête et de faire front face à l’adversité. Juliette Bonkoungou, député du CDP, ancien parti majoritaire, raconte ses premiers pas dans la politique. « Je me voyais suivre les décisions qui sont votées sans jamais donner mon avis. Je me sentais obligée de suivre les décisions des autres. Alors je me suis dit qu’un jour je ferai partie de la décision. Je serai au début de cette décision et mon avis comptera ».

Une attitude qui démontre que malgré le dispositif juridique qui place la femme et l’homme sur le même pied d’égalité, les femmes doivent toujours faire preuve de plus de motivation, et de plus de volonté pour pouvoir jouer les premiers rôles.

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