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Provisions de départ à la retraite : «Les conditions de comptabilisation sont désormais réunies»

Amidou Ki est expert-comptable et associé-directeur de missions au cabinet FIDUCIAL EXPERTISE AK. Ce cabinet a été créé en janvier 1997, d’abord sous la forme d’une entreprise individuelle et, depuis 2004, il a été transformé en société à responsabilité limitée avec trois (3) associés. Le cabinet a pour objet l’audit, le commissariat aux comptes, l’expertise comptable, le conseil et la formation.

L’Economiste du Faso: Vous êtes l’auteur d’un livre sur le nouveau plan comptable qui entre en vigueur le 1er janvier 2018. Présentez-nous ce livre?
Amidou Ki, expert-comptable et associé-directeur de missions au cabinet FIDUCIAL EXPERTISE AK: Le livre est intitulé «Analyse comparée et commentée de l’acte uniforme avant et après la révision». Tout d’abord, nous tenons à situer le contexte de la rédaction de celui-ci. Nous nous sommes engagés dans cette aventure parce que nous avons constaté que la loi comptable est méconnue par bon nombre de comptables et de praticiens, d’étudiants et d’élèves. Pour nous, pratiquer la comptabilité sans connaitre ses fondements (Acte uniforme), c’est une pratique mécanique de la comptabilité. Ce livre est notre contribution à la production d’informations et de données financières fiables pour les acteurs économiques.
Le livre comporte deux (2) parties. La première présente le nouveau dispositif comptable de l’espace OHADA et la deuxième met en évidence les changements intervenus dans la réglementation comptable. Cette deuxième partie est organisée de la façon suivante : (i) la reprise juxtaposée du contenu de chaque article avant révision (à gauche) et après révision (à droite) ; (ii) nos analyses et commentaires relatifs aux modifications intervenues et (iii) notre avis sur certains points particuliers, lorsque nous le jugeons nécessaire.
Il faut dire qu’en plus du livre, nous avons édité deux (2) plans comptables du SYSCOHADA révisé.

Quels sont les principaux changements auxquels les gestionnaires et les comptables d’entreprises devront faire face ?
Avant de répondre à cette question, nous rappelons que cela fait plus de quinze (15) ans que notre référentiel comptable n’a pas évolué ; et que pendant ce temps, l’environnement économique et financier est en perpétuelle évolution. Cette réforme était indispensable, car le système comptable OHADA est devenu obsolète au regard des normes comptables et financières applicables de par le monde et en particulier par rapport aux normes d’Informations financières internationales (IFRS).
La révision de notre référentiel comptable permettra désormais donc de doter le monde des affaires d’un référentiel comptable moderne inspiré des normes d’Informations financières internationales (IFRS).
Les principaux changements auxquels les praticiens doivent faire face à partir du 1er janvier 2018 sont de deux (2) catégories.
La première catégorie est constituée des améliorations apportées à certains traitements comptables existants, comme le traitement des engagements de retraites (provisions pour départ à la retraite), les charges immobilisées, les contrats pluri-exercices, les contrats de location, les provisions pour charges à répartir sur plusieurs exercices, etc.
La deuxième catégorie est constituée de nouvelles dispositions introduites par la révision, telles que les innovations apportées en matière de traitements comptables des immobilisations (l’approche par composantes, l’inspection ou révision majeure, le coût de démantèlements, d’enlèvements et de remises en état du site), les instruments de trésorerie, les coûts d’obtention de contrats, l’affacturage inverse, les contrats de franchise, etc.

Parlez-nous des provisions pour départ à la retraite des employés. N’est-ce pas une charge supplémentaire difficile à supporter dans le contexte actuel de crise économique ?
Il faut rappeler que cette disposition n’est pas nouvelle dans notre réglementation comptable. Elle existait, mais aucune méthode de détermination du montant de l’engagement de retraite (provisions pour départ à la retraite) n’était prévue dans la norme SYSCOHADA avant sa révision. Avant de répondre à la question, il est nécessaire d’abord de comprendre la notion de provisions et les conditions de sa comptabilisation.
L’article 48 de l’Acte uniforme relatif au droit comptable et à l’information financière (AUDCIF) définit la provision comme «un passif externe ou une dette dont l’échéance ou le montant est incertain». On peut dire que la constitution d’une provision est assimilable à une «auto-assurance» pour faire face à une dépenses (une sortie de ressources), afin d’atténuer l’impact sur la situation financière de l’entité lors de la sortie effective des ressources (paiement effectif).
En comptabilité, une provision doit être comptabilisée dès lors qu’une obligation actuelle issue d’évènements passés pèse sur l’entité et qu’une sortie de ressources est nécessaire pour éteindre l’obligation; et que ce montant peut être évalué de façon fiable. Dans le cas d’espèce, l’entité a une obligation actuelle issue d’évènements passés (pour le cas du Burkina, le Code de travail prévoit le paiement d’une indemnité de départ à la retraite à l’employé admis à la retraite), la sortie de ressources pour éteindre l’obligation (seul le paiement effectif de l’indemnité au moment du départ à la retraite éteint l’obligation qui pèse sur l’entité) et ce montant peut être évalué de façon fiable (le SYSCOHDA révisé a prévu une méthode pour la détermination du montant). Toutes les conditions de comptabilisation de la provision pour départ à la retraite sont réunies; et par conséquent, toutes les entités doivent comptabiliser cet engagement pour retraite à partir de l’exercice 2018, et au mieux avec régularisation des années antérieures.

Les entités vont-elles pouvoir faire face à ces nouvelles charges ?
A la question de savoir si les entités vont pouvoir supporter cette charge supplémentaire, il faut préciser que les provisions sont des charges calculées et non-décaissables; c’est-à-dire qu’il ne s’agit pas de paiements effectifs lors de leur constitution. Mais force est de constater qu’elles diminuent le résultat (bénéfice) de l’entité. D’ailleurs, à ce jour, la constitution de la provision pour départ à la retraite n’est pas fiscalement déductible. Mais si l’entité confie la gestion de l’indemnité de départ à la retraite à un fonds de pension ou à une société d’assurances, la prime payée est déductible. On peut relever que ces dernières années, certaines entreprises ont choisi de souscrire des contrats d’assurances pour faire face à l’indemnité de départ à la retraite.

Le basculement est-il obligatoire ? Et que risque-t-on si on n’établit pas sa comptabilité conformément à ce nouveau référentiel ?
A notre avis, il est obligatoire pour toute entité implantée dans l’un des dix-sept (17) Etats-parties à l’OHADA d’appliquer le SYSCOHADA révisé à partir du 1er janvier 2018, au regard de l’article 13 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général qui dispose que les livres comptables doivent être tenus conformément aux dispositions de l’Acte uniforme relatif à l’organisation et à l’harmonisation des comptabilités des entreprises.
Les risques encourus par une entité éligible qui n’applique pas le SYSCOHADA révisé en 2018 sont de divers ordres:
D’abord, au plan comptable, toute entreprise qui applique correctement le système comptable OHADA est réputée donner, dans ses états financiers, l’image fidèle de sa situation et de ses opérations (article 10 du SYSCOHADA). Donc, la fiabilité des états financiers dépend de la conformité aux dispositions du SYSCOHADA. Et une entité éligible qui n’appliquera pas la version révisée au 1er janvier 2018 ne peut obtenir des états financiers reflétant l’image fidèle de sa situation et de ses opérations, comme défini à l’article 8 de l’AUDCIF. La conséquence directe est le rejet (refus de certification) de ses états financiers par le commissaire aux comptes. La certification des états financiers par le commissaire aux comptes est un facteur de crédibilité pour les utilisateurs desdits états financiers.
Ensuite, au plan fiscal, l’administration fiscale exige que la comptabilité soit tenue conformément à la réglementation comptable en vigueur. La loi de finance, gestion 2017, en son article 24 a adopté le Système comptable OHADA (SYSCOHADA). A notre avis donc ; et partant de ce fait, la révision du SYSCOHADA n’a pas besoin de procédures spécifiques pour être appliquée au plan national. Toute entité qui n’appliquera pas la version révisée, en 2018, serait en infraction vis-à-vis de l’administration fiscale et s’exposerait ainsi à des redressements fiscaux pour non-conformité de sa comptabilité.
Enfin, au plan de la gestion d’une manière générale, une entité a plusieurs parties prenantes dont les centres d’intérêts sont divergents. Certaines portent une attention particulière à la performance et à la crédibilité des états financiers. Par exemple, un investisseur analysera les états financiers avant de s’engager ou de poursuivre ses engagements. Si l’entité n’applique pas le SYSCOHADA révisé, ses états financiers ne seront pas certifiés par le commissaire aux comptes. Ce qui lui vaudra la méfiance de ses partenaires.

Propos recueillis par FW

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