En 2004, sous l’ordre du ministère de l’Agriculture, les premières Chambres d’agriculture ont été installées. En tant que président de la Confédération paysanne du Faso (CPF) et de l’Union nationale des producteurs de coton du Burkina (UNPCB) à l’époque, j’ai contribué au processus jusqu’à la mise en place desdites Chambres.
Ce que j’avais compris personnellement, dans ce processus, était que cette Chambre devait avoir ses représentants dans tous les villages avec, par la suite, une structuration verticale. Pour le premier mandat, nous avions voulu que la force des Chambres soit au niveau régional pour prendre en compte les spécificités de chaque région. Et c’est par la suite qu’il y a eu une instance nationale.
Dans ma compréhension, la Chambre d’agriculture, depuis le village, devait être le canal par lequel la structuration professionnelle devait aboutir. Comme les structures professionnelles qui existaient n’avaient pas atteint tous les ruraux, la règle professionnelle qui était l’organisation par filière devait être facilitée par les représentants des Chambres depuis le village. Ce qui n’empêchait pas ces structures professionnelles d’être autonomes tout en gardant de bonnes relations avec les représentants des Chambres d’agriculture. Nous sommes aujourd’hui en 2017.
Nous avons toujours des problèmes avec la structuration professionnelle des acteurs dans les filières, alors que la bonne organisation des filières reste la condition sine qua non pour le développement des filières, pour un bon accompagnement spécifique, la facilitation des approvisionnements et la commercialisation. C’est dans cette situation que la loi OHADA sur les sociétés coopératives a vu le jour. Les coopératives pour le développement ont une envergure universelle. Je soutiens cette idée, car j’ai été choisi comme ambassadeur des coopératives par le système des Nations-Unies en 2012. Les coopératives ne s’opposent pas à l’organisation des filières, mais en sont une continuité.
En cette fin 2017, le ministère de l’Agriculture vient de programmer le renouvellement des Chambres d’agriculture. J’ai même appris qu’une formation a été organisée par ledit ministère pour les agents qui accompagnent ces renouvellements. Chose qui peut être utile si nous voulons résoudre les vrais problèmes du monde rural. Les périodes ont changé ; nous avons un nouveau gouvernement avec un président démocratiquement élu après une insurrection.
Ce qui veut dire que nous ne sommes plus à une époque où le peuple doit subir : nous sommes en face d’un peuple qui réclame ses droits. Ces droits doivent être suivis par le devoir bien accompli de tous.
Or, au Burkina Faso, aucun agent technique d’accompagnement du monde rural ne peut dire les surfaces cultivées dans un village et le nombre d’acteurs selon les métiers. Je souhaite, cette fois-ci, qu’au moins les représentants des Chambres d’agriculture, depuis le village, soient formés pour recueillir ces informations qui sont le b.a.-ba pour un accompagnement technique efficace et une bonne structuration du monde rural. Pour ce faire, dans les choix des représentants de ces Chambres d’agriculture, il faut aussi avoir des hommes de volonté dont la crédibilité soit reconnue par les villageois.
Pour la suite de la structuration verticale, cette volonté et crédibilité doivent être la boussole pour le choix des représentants. Dans l’ancien système de gouvernance, après la Révolution du 4-Août au Burkina Faso, la bonne qualité du leader n’était plus importante. C’est pour cela qu’on avait souvent des opportunistes et des marionnettes qui ont travaillés au détriment de ceux pour qui ils étaient élus.
C’est pour cela que dans nos innovations qui étaient souvent de bonnes choses, on ne tardait pas à régresser.
De nos jours, le Rwanda est cité comme exemple de développement dans tous les domaines dont l’agriculture. Certains disent que les Rwandais ont tiré beaucoup de leçons de la Révolution du 4-Août du Burkina Faso.
Ce que nous apprenons également du Rwanda est que la rigueur est de mise vis-à-vis des leaders, à tous les niveaux de gouvernance. Aucune faute ne passe inaperçue ; et c’est cette rigueur dans la pratique qui donne les résultats à la hauteur des défis à relever.
Il n’y a donc pas de honte à ce que cette rigueur revienne au Burkina Faso, et que d’ici à 2020 le Burkina prenne sa place de leader dans l’innovation et dans le développement du milieu rural qui constitue plus de 80% de la population. Si le monde rural se développe, il n’y aura pas de problème à faire fonctionner les moins de 20% de la population restante. En avant donc pour cette complémentarité positive.
Ouagadougou, le 06 novembre 2017
www.francoistraore.blogspot.com
Biographie
François Traoré est un agriculteur burkinabè né en 1952. Après avoir obtenu le Certificat d’études primaires en 1969, il est devenu chef d’exploitation agricole. Il a évolué de la culture manuelle à la culture attelée en 1970, pour passer à l’agriculture motorisée en 1986.
Il allie aujourd’hui pratique de l’agriculture (céréales, cultures de rente) et de l’élevage. Il a débuté ses activités dans le monde coopératif comme militant de base en 1980 ; pour, par la suite, devenir président de l’Union des groupements de céréales et des produits agricoles de la région du Mouhoun de 1998 à 2001, président de l’Union nationale des producteurs de coton du Burkina de 1998 à 2010, président de la Confédération paysanne du Faso de 2002 à 2006 et président de l’Association des producteurs de coton africains de 2005 à 2010.
Du fait de son engagement pour le monde rural, il a reçu plusieurs distinctions honorifiques : reconnaissance du mérite exceptionnel de la fondation Famille Terre par le Québec en 2000, Ordre national du mérite français en 2002, Ordre du mérite du développement rural du Burkina Faso en 2004 et le diplôme de docteur honoris causa de la faculté universitaire des Sciences agronomiques de Gembloux de la Belgique en 2006.