«La croissance économique redémarre et nous projetons, pour 2017, un taux de croissance de 2,4% ; ce qui est presque le double de ce que le continent a réalisé en 2016, avec 1,3%». C’est ce qu’a affirmé Albert Zeufack, économiste en chef de la Banque mondiale et auteur du rapport Africa Pulse du second semestre 2017.
La présentation des résultats du document a été faite en visio-conférence à Ouagadougou, le 11 octobre dernier, jour du lancement à Washington du rapport sur le pouls de l’Afrique.
Pour l’économiste en chef, ce taux est une bonne nouvelle qui marque une reprise et même si elle est modeste, «reste en deçà du taux de croissance de la population africaine».
Pendant deux années consécutives, le taux de croissance par tête de l’Afrique a été négatif. Ce qui fait dire à Albert Zeufack qu’il «nous faut redoubler d’ardeur pour atteindre les niveaux d’avant 2014 où elle était à plus de 5%».
En disséquant le document de 100 pages, il ressort que la reprise est sous-tendue par 3 facteurs.
Le premier: l’environnement international a été assez favorable en 2017. En ce sens que la croissance mondiale ayant été plus forte que prévue, le commerce international et les investissements ont été plus importants que prévu. Ce qui a eu pour conséquence en Afrique, un regain d’investissements et des flux de capitaux financiers.
«Ce regain est important, parce que cela permet d’y voir une reprise de la confiance des investisseurs. Certains pays africains ont émis des bons qui ont été souscrits au-delà de leurs limites ; ce qui confirme le regain de confiance sur le continent», commente M. Zeufack.
Le deuxième facteur qui soutient la reprise, c’est que les prix des matières premières se sont stabilisés, certainement à un niveau inférieur à ce qu’ils étaient avant 2014. Le pétrole s’est stabilisé entre 50 et 55 Dollars, depuis décembre 2016.
Le troisième facteur est le fait que les deux plus grandes économies ; le Nigeria et l’Afrique du Sud ; viennent de sortir de la récession avec une croissance de 1,5% et de façon similaire pour l’Afrique du Sud. C’est deux économies représentent à elles seules plus de 50% du PIB de l’Afrique.
Une croissance à vitesses multiples
«Lorsque nous parlons d’une croissance de 2,4%, il faut absolument reconnaitre que la croissance est à vitesses multiples», explique l’économiste en chef.
Il y a d’une part les pays d’Afrique de l’Est qui sont moins dépendants des matières premières-surtout du pétrole-, et qui continuent de croitre assez vite. Il s’agit de l’Ethiopie, du Rwanda et de la Tanzanie qui continueront d’avoir des taux de croissance de plus de 6%.
Du côté ouest, le Sénégal et la Côte d’Ivoire qui ont une base économique un peu plus diversifiée continueront de croître aussi à un taux de plus de 6% par an. Ces pays représentent la face résiliente de l’Afrique.
Selon l’auteur du rapport, il est important de mentionner qu’un certain nombre de pays africains demeurent résilients et le taux de croissance de 2,4% masque en fait des résultats extrêmement positifs sur le plan de la croissance.
Les risques pour la croissance
«Nous projetons un taux de 3,2% en 2018 et 3,5% en 2019. Cette reprise, pour qu’elle soit maintenue, doit s’accompagner de réformes sérieuses, plus profondes aussi bien au plan fiscal que structurel», a noté le rapport.
Le document souligne les risques de la croissance.
Il s’agit de la dépendance des pays aux matières premières. En effet, les pays qui dépendent d’une seule matière première comme le pétrole continueront d’avoir une croissance volatile, et cela peut tirer ces pays vers le bas.
L’autre risque qui menace la croissance est l’instabilité politique et surtout le terrorisme qui prévaut dans les pays du Sahel. La résurgence d’attentats et les insurrections dans les pays posent un risque à la croissance future.
Le troisième facteur, c’est l’incertitude des politiques dans les plus grandes économies du continent, à savoir le Nigeria, l’Afrique du Sud et l’Angola.
Plus important, l’étude révèle que les flux de capitaux ont augmenté en Afrique, mais l’espace fiscal s’est réduit dans un environnement où la dette s’accroit de façon significative.
Le rapport montre que le taux d’endettement des pays a augmenté à une moyenne de 15% par pays entre 2014 et 2017. Même si les taux restent faibles pour certains pays, il pose problème, et certains pays aujourd’hui en Afrique ont augmenté le nombre d’années de revenus qu’il faut pour rembourser la dette de plus de deux ans.
«C’est assez préoccupant», prévient Albert Zeufack qui explique que cet espace fiscal réduit, «limite les possibilités de nos pays de mettre en place des programmes d’investissement public qui pourraient soutenir cette croissance dans le futur».
NK
Investir dans les compétences
C’est la grande recommandation de ce rapport, qui a pour sous-thème principal « l’investissement dans les compétences pour le futur ». Il est important de réaliser qu’alors que les taux de scolarisation primaire et secondaire ont augmenté en Afrique ; sur les dix dernières années, la qualité de l’éducation s’est détériorée.
«Il faut se focaliser sur la crise du secteur de l’éducation sur le continent», a précisé M. Zeufack. Ainsi, ce rapport propose des solutions qui peuvent être mises en œuvre pour résoudre ce problème.
La première approche, c’est d’accroître la qualité de la dépense publique en éducation. La deuxième réforme : que les pays puissent investir dans un équilibre entre les compétences de la jeunesse et pour toute la population, permettant l’inclusion. Ils’agit d’accentuer les investissements pour donner à la jeunesse les compétences nécessaires pour se trouver du travail ou se créer son propre emploi, mais aussi investir dans l’éducation des adultes, puisque cela impacte la qualité des compétences pour les enfants.
Le troisième message est que le meilleur moyen de s’assurer que « nos économies deviennent plus productives et plus compétitives, c’est de s’assurer que toute la population ait des compétences de base ; c’est-à-dire savoir lire, écrire et compter ; mais aussi que les systèmes éducatifs investissent dans les compétences socio-émotionnelles qui permettent aux enfants et aux adultes de s’adapter au changement du marché du travail et de pouvoir se positionner pour le futur», a conclu l’économiste en chef de la Banque mondiale.