Idrissa Nassa, le Président du conseil d’administration de Coris Holding, a bien voulu répondre à quelques questions de L’Economiste du Faso sur l’accord signé avec le ministère des Affaires étrangères et des Burkinabè de l’étranger.
Pour lui, cet accord permet à la holding de ne pas s’expatrier. Quoiqu’ayant reçu du Togo et de la Côte d’Ivoire de meilleures offres sur les avantages fiscaux et douaniers, la holding restera au Burkina. Sur ce point, on peut dire que c’est une victoire pour le Faso.
- L’Economiste du Faso: Que représente Coris Holding pour votre dispositif de développement?
Idrissa Nassa, Président du conseil d’administration de Coris Holding: Coris Holding est la faîtière qui porte les ambitions de développement de nos activités bancaires, assurancielles, boursières et monétiques à travers toute l’Afrique. C’est donc une structure à part entière, indépendante, qui n’est pas à confondre avec Coris bank international, qui jouit d’une personnalité morale différente. Cette précision est importante, parce que nous constatons que certaines personnes font souvent l’amalgame entre ces deux entités. Coris Holding oriente, coordonne et contrôle ses filiales partout où elles sont implantées sur le continent.
- Pourquoi avoir eu besoin d’un tel accord avec le gouvernement, alors que vous êtes une entreprise de droit burkinabè ?
Dans le métier de la finance, lorsque vous créez une holding financière, cette société a besoin d’un accord spécifique, au plan fiscal, pour mener à bien ses activités. La holding ne mène pas directement des activités sur le terrain; elle n’est donc pas opérationnelle. Les activités sont menées via ses filiales qui, elles, sont sous le coup du régime fiscal en vigueur. Nos filiales (banques, assurances et bourse) ne bénéficient d’aucune condition particulière du fait de cet accord.
- Concrètement, qu’est-ce que cela voudrait dire pour le citoyen lambda ?
Cela veut dire que l’accord qui vient d’être signé ne peut, en aucun cas, profiter à Coris Bank International ou à nos autres filiales. Son article 2 est très clair sur cette question et précise que les filiales ne sont pas concernées. Les holdings ont besoin de ce type d’accords pour pouvoir jouer convenablement leur rôle. Sinon, elles seraient doublement taxées.
Toutes les banques, filiales de groupes, au Burkina Faso sont chapeautées par une holding. Par exemple, les holdings des groupes BOA et Banque Atlantique sont installées en Côte d’Ivoire, sur la base d’accords de sièges. C’est le cas également pour les holdings des groupes Ecobank et Orabank installées au Togo.
Nous avions le choix de nous implanter ailleurs, et nous avons eu pour ce faire des propositions venant de la Côte d’Ivoire et du Togo. Ces Etats nous ont invités à venir installer Coris Holding chez eux, avec un accord de siège. Nous avons analysé les offres et, tout en leur restant reconnaissant pour ces invitations, nous avons estimé que cette initiative est née au Faso, et que son histoire a commencé ici; alors il n’y a pas de raison que nous allions l’installer ailleurs. Il fallait permettre aussi à notre pays d’avoir une holding financière; et ainsi d’avoir des arguments pour en attirer d’autres. C’est ainsi que dès la création de la holding, en juin 2013, nous avons introduit une demande auprès du gouvernement pour un accord de siège.
- Vous avez déposé la demande en 2013, mais elle n’a pas connu de suite…
Il y a eu des incompréhensions au niveau de l’administration. Certains ont cru que les avantages que nous sollicitions étaient au profit de Coris Bank International. Il a fallu des va-et-vient et plusieurs explications pour que les autorités comprennent et mesurent les enjeux. C’est ainsi que nous avons échangé avec le ministère des Finances et celui des Affaires étrangères, et leur avons soumis les modèles d’accords avec les listes des avantages que des pays voisins nous proposaient.
Après analyse, le gouvernement a estimé que la réglementation du Burkina ne permettait pas d’appliquer ces modèles d’accords de siège à une société nationale; d’où l’idée des missions qui ont été conduites dans certains pays de la sous-région (Côte d’Ivoire et Togo) pour s’imprégner de leurs expériences en rencontrant les ministères de tutelle et les entreprises concernées.
- Le gouvernement, en initiant ces missions, avait donc compris les enjeux d’un tel accord ?
A l’issue des missions effectuées, les autorités ont compris les enjeux et la dynamique actuelle qui prévalent dans la sous- région en la matière. C’est dans ce cadre qu’elles ont consenti un accord spécifique à Coris Holding, qui ne donne quand mêmes pas les avantages d’un accord de siège, mais permet à la holding de s’installer au Burkina et de pouvoir mener convenablement ses activités.
- Votre volonté était-elle d’établir absolument la holding dans votre pays ?
Tout à fait. Sinon, demain si nous décidons d’aller ailleurs, nous aurons un accord de siège soit au Togo ou en Côte d’Ivoire. Ce que l’opinion publique doit savoir, c’est que les pays sont en compétition au sein de l’espace UEMOA. Et chacun veut attirer les institutions financières qui contribuent efficacement au financement de son économie.
Le Togo fait de sa capitale la place financière de la sous-région. C’est ainsi que ce pays abrite les sièges de la BOAD, de la BIDC, du groupe Ecobank, du groupe Orabank et d’Asky Airlines qui bénéficient tous d’accords de siège avec l’Etat; lequel aurait été ravi d’accueillir la seule holding financière burkinabè, pour renforcer cette dynamique. C’est la même chose pour la Côte d’Ivoire qui veut faire d’Abidjan la plaque tournante de la finance sous-régionale, avec des holdings financières qui y bénéficient d’accords de siège.
Nous avons estimé, par patriotisme, qu’il n’était pas opportun que notre groupe aille prendre une autre nationalité, même s’il y avait plus d’avantages ailleurs. Il a fallu persévérer dans notre démarche pour que Coris Holding reste au Faso, afin de contribuer à la création d’emplois, de la valeur ajoutée, et de continuer à porter haut l’expertise du Burkina Faso dans la finance.
FW
Tirer le secteur privé vers le haut
Les avantages issus de l’accord avec le gouvernement paraissent exorbitants pour certains…
«Les avantages qui nous ont été accordés sont en deçà de ceux consentis à d’autres structures privées qui travaillent sur notre sol, et cela est vérifiable au niveau des mines ou des cimenteries, par exemple. Nous voulions juste un minimum de conditions pour pouvoir exercer notre activité de holding financière.
Tout Burkinabè digne de ce nom et qui a une bonne compréhension de la question devrait être fier de voir implanter le siège de Coris Holding dans ce pays; ce qui contribuera à tirer le secteur privé local vers le haut et à donner des ailes à l’économie nationale».