Suite à l’attaque terroriste du Café Aziz Istanbul de Ouagadougou le 13 août 2017, le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, s’est adressé à la nation. Dans son message, il a invité «le gouvernement à poursuivre les efforts pour renforcer les capacités opérationnelles de nos forces de sécurité, pour une victoire inéluctable contre les ennemis de la paix, du progrès économique et social, et de la démocratie dans notre pays».
Cette invitation du président du Faso pose à nouveau la question du financement de la lutte contre le terrorisme au Burkina Faso.
Juste après son installation, le nouveau gouvernement a été accueilli par une série d’actes terroristes. Le 15 janvier 2016, l’attaque d’un convoi de la gendarmerie nationale a fait 2 morts et 2 blessés. Le même jour, intervenait l’attaque du Café Capuccino et des Hôtels Splendid et Yibi qui a occasionné la mort de 28 personnes.
Dans la même nuit, le Dr Kenneth Arthur Elliot et son épouse Joceline, installés à Djibo depuis 1972, ont été enlevés.
Ces actes terroristes ont conduit le gouvernement à prendre des mesures dans le sens de la sécurisation des frontières, des axes routiers et de la ville de Ouagadougou. Ces mesures de sécurité ont pourtant un coût! Elles nécessitent le déploiement d’hommes et d’équipements. Pourtant, le budget adopté par le Conseil national de la transition (CNT) n’avait pas prévu ces dépenses imprévues, même si le pays connaissait des actes terroristes sous la Transition; la première attaque terroriste sur le sol burkinabè ayant été enregistrée précisément le 4 avril 2015.
Pendant ce temps, de nombreux syndicats entamaient des grèves pour exiger des revalorisations indemnitaires et salariales. Afin de faire face à la nouvelle situation sécuritaire et économique, le nouveau gouvernement a introduit une loi de finances rectificative que l’Assemblée nationale a adoptée.
Dans le nouveau budget, des ouvertures de ressources permettent d’allouer des moyens à la lutte contre le terrorisme. Mais lors des débats, de nombreux députés ont trouvé que 1,455 milliard de FCFA supplémentaire pour la sécurité est insuffisant. De cette somme, 500 millions de FCFA servaient à alimenter «un fonds de lutte contre le terrorisme» et 955 millions de FCFA pour «l’acquisition de matériels au profit des forces de sécurité».
Pendant que les attaques et autres actes de nature terroriste se multiplient sur le territoire national, le climat social reste tendu, avec la recrudescence des sit-in et grèves des agents publics.
Toute l’année 2016, l’action du gouvernement sera orientée vers la résolution des crises avec les différents syndicats et la lutte contre le terrorisme, hypothéquant la relance économique.
Dans le budget 2017 adopté par l’Assemblée nationale, on constate non seulement une hausse des dépenses destinées au ministère en charge de la Sécurité, mais aussi à celui de la Défense.
Dans le rapport de la commission Finances et Budget de l’Assemblée nationale, des crédits de paiements de 54 milliards de FCFA reviennent à préparation et à l’emploi des forces de défense. Aussi, 9 milliards de FCFA sont consacrés à l’acquisition de matériels spécifiques et 26,6 milliards de FCFA reviennent à l’appui à la sécurité publique.
Une fois ces crédits budgétaires alloués, le grand défi est l’effectivité et l’efficience des dépenses. A ce propos, un incident viendra mettre le doigt sur le mauvais usage des crédits destinés au ministère de la Sécurité.
En effet, pendant l’exécution de ce budget, des éléments de la police nationale exigeant de la transparence dans la gestion des «services payés» ont déclenché un mouvement de boycott. Suite à ce mouvement, le ministère en charge de la Sécurité a commandité une enquête réalisée par l’inspection technique des services de ce ministère.
Les résultats de cette investigation, rendus publics le 8 août 2017, ont eu le mérite de révéler des insuffisances dans les dépenses liées aux fonds destinés à l’équipement des forces de sécurité. Il ressort de l’enquête que 516 marchés à hauteur de 604,636 millions de FCFA ont été passés par entente directe entre 2014 et 2016. La procédure d’entente directe; encore appelé gré à gré; mal gérée, est la porte ouverte aux actes de corruption comme la surfacturation, l’abus d’autorité, le conflit d’intérêt, la concussion, etc. Le déséquilibre dans les répartitions des acquisitions sur le fonds d’équipement entre les services centraux et déconcentrés a aussi été constaté.
Pendant que les services centraux s’accaparent la grande partie des acquisitions, moins de 15% reviendraient aux services déconcentrés pourtant plus nombreux. Enfin, le rapport note une insuffisance de communication sur la gestion du fonds d’équipement.
Le plus grand défi auquel le gouvernement actuel est confronté est la lutte contre le terrorisme dans un contexte de recrudescence des revendications sociales et de relance économique. Comment réussir donc à concilier gestion sécuritaire, revendications corporatives et décollage économique?
Elie KABORE
2.500 FCFA par jour pour un militaire au front
Dans leur revendication à propos des «services payés», les éléments de la police nationale jugent l’allocation d’une prime alimentaire journalière de 1.500 F CFA insuffisante. Ce taux a été fixé par un décret qui date de 1979. Il ne concerne pas uniquement la police nationale. Selon nos informations, les militaires qui assurent la sécurité au front reçoivent une prime alimentaire journalière de 1.500 FCFA. A cette prime d’ajoute une autre de 1.000 FCFA appelée «prime cigarette», soit un total de 2.500 FCFA par jour.