Ce sont des parents composés en majorité d’enfants et de femmes meurtris et désemparés qu’il nous a été donné de voir dans la matinée du samedi 8 juillet 2017 à Zongo, un quartier de l’Arrondissement 8 de Ouagadougou. Et pour cause, 14 des leurs sont détenus à la prison civile depuis décembre 2016. Après 7 mois de «détention, sans jugement», les épouses des détenus, leurs enfants et frères demandent à la justice d’accélérer la procédure judiciaire afin que les responsabilités soient situées pour que, disent-ils, les innocents reviennent à la maison ; à la grande satisfaction de leurs familles.
Toutes ces informations ont été portées à la connaissance de la presse au détour d’une conférence de presse. A cette même occasion, les principaux animateurs du jour disent «regretter sincèrement tout ce qui s’est passé et demandent la clémence des autorités judiciaires et politiques».
En rappel, le calvaire de ces 14 détenus, dont le plus âgé a plus de 60 ans, fait suite aux incidents survenus le 6 décembre 2016 dans l’Arrondissement 8 à l’issue du vote de la motion de défiance ayant destitué le maire élu, Mohamadi Zongo, au profit du maire actuel, Kassoum Simporé.
Il s’en est suivi des actes de vandalisme dont le saccage des domiciles de certains conseillers favorables au maire actuel, qui a également vu son auberge saccagé. Conséquence : arrestation de 14 personnes. Mais pour les parents des détenus, les personnes arrêtées ne sont pas impliquées dans ces saccages. Mieux, ils accusent la gendarmerie de Boulmiougou d’avoir procédé à des arrestations arbitraires sur la base de dénonciations calomnieuses. Selon Abdoulaye Sana, porte-parole des habitants, il y a beaucoup de non-dits dans cette affaire qui oppose deux rivaux du parti majoritaire.
Les deux rivaux dans un même parti
Abdoulaye Sana en veut pour preuve que, d’abord, «le motif sur lequel s’est fondée la motion de défiance n’est pas valable et est teinté de mensonges et de manœuvres politiciennes» ; puisque, selon lui, le jour des saccages, la priorité n’était pas d’arrêter les casseurs, mais plutôt tous ceux qui étaient susceptibles de bloquer l’élection de Kassoum Simporé. Et qu’ensuite: «La politique s’est imposée; tant et si bien que les adversaires politiques, même innocents, ont été arbitrairement interpelés suite à des appels téléphoniques les invitant de se rendre illico et sans autres formes de procès à la gendarmerie de Boulmiougou».
Une version confirmée par Fatimata Kaboré, représentante des femmes, qui dit avoir été convoquée; par téléphone; par la gendarmerie de Boulmiougou, et gardée à vue pendant 7 jours avant d’être libérée. Un clément sort que ne connaîtra pas son mari, Raogo Moumouni Kaboré, qui est toujours incarcéré; 7 mois après les faits.
«Nous nous sommes réservés jusque-là de certaines actions, parce que nous croyons à l’indépendance et à l’impartialité de la justice. Ce faisant, nous interpellons le ministre en charge de la Justice et les différents syndicats de magistrats pour leur signifier que cela fait 7 mois que des fils innocents de notre arrondissement sont arbitrairement écroués à la MACO sans être entendus par un juge, encore moins jugés», a confié Abdoulaye Sana. A l’instar des autres femmes qui ont vu leurs maris privés de liberté, Fatimata Kaboré souhaite la libération des détenus. «Nous voulons que la justice essuie nos larmes, parce que nous ne pensons pas pouvoir pleurer indéfiniment. Nous demandons pardon à la justice afin qu’elle libère nos maris, parce que nous avons besoin d’eux à nos côtés», a-t-elle imploré.
Rachel DABIRE
Fatimata Kaboré, épouse d’un des détenus «Simon nous a trahis!»
«J’avais décidé d’arrêter de faire de la politique, parce que je me sentais fatiguée. Mais Simon Compaoré (1er vice- président du MPP) est venu jurer devant nous, ici à l’Arrondissement 8, que si nous votions le MPP, toutes nos souffrances allaient finir. Malheureusement, nous sommes toujours dans la souffrance. La seule récompense que nous avons eue, c’est de voir nos maris incarcérés depuis 7 mois à la MACO sans jugement, nous laissant dans la tristesse».