Après le phénomène des talibés ou «Garibou», une autre forme de mendicité a vu le jour à Ouagadougou. Elle met en action des enfants de plus en plus jeunes. Il y a tout d’abord la mendicité exercée par les mères de jumeaux.
Dans les rues, des mères de jumeaux sont postées aux feux tricolores avec leurs enfants qui sont parfois encore des bébés, pour quémander. Selon elles, la tradition exigerait cette pratique afin de préserver les enfants du mauvais sort et de les protéger. L’argent récolté est une offrande aux génies protecteurs des jumeaux.
A tort ou à raison, cette théorie a bien des adeptes, puisqu’elles sont de plus en plus nombreuses dans ce cas. «Ce n’est pas un plaisir pour nous de nous arrêter toute la journée sous le soleil pour mendier. Mais lorsqu’on a des jumeaux, c’est un rituel qu’il faut faire afin de protéger ces enfants qui appartiennent aux génies. Dans le cas contraire, ils pourraient tomber gravement malade», affirme Salamata Ouédraogo, une mendiante.
Toutefois, au-delà de ces personnes qui mendient au nom de cette croyance traditionnelle, il existe des femmes qui en font un fonds de commerce. En effet, l’aumône est un acte de générosité exercé volontairement pour soutenir un nécessiteux, alors que la mendicité est le fait de faire appel à cette générosité.
Si les deux s’assimilent aussi aisément et créent la confusion, c’est bien parce que les mendiants ont des besoins et les bienfaiteurs ressentent le besoin de donner. Mais la distinction se situe dans le fait que l’aumône ne s’adresse pas qu’aux mendiants. C’est cette confusion qui entretient la mendicité en Afrique; les uns voulant vivre de l’aumône des autres. Cette situation entraine certaines personnes à créer des scenarios digne d’un film hollywoodien afin d’avoir de l’argent.
Certains enfants exposés comme des jumeaux ne le sont pas en réalité. Il arrive qu’une mère expose petit et grand frères, les faisant passer pour des jumeaux afin de soutirer de l’argent aux passants souvent sensibles à la misère qu’ils lisent sur les visages de ces nécessiteux circonstanciels.
Mendier est donc devenue une profession. Un travail comme un autre qui rapporte parfois très gros, comme nous l’explique Rokia Coulibaly: «cela fait 5 ans que je mendie avec mes enfants. Venue du village rejoindre mon mari, j’ai essayé les petits commerces mais rien ne marche. Je suis donc devenue mendiante. Mes enfants ont un écart d’âge pas très grand et se ressemblent beaucoup. Je les fais donc passer pour des jumeaux. Par jour, je peux gagner entre 5.000 et 20.000 F CFA. Certaines font pire. Elles réunissent des enfants qui n’ont aucun lien familial et reversent une partie de la recette aux vraix parents la nuit venue. Impossible de faire un diagnostic de la vie réelle de chacun d’entre eux.
L’une des facettes de ce métier est le travail en groupe. Ils forment un conglomérat hommes, femmes et enfants, et parcourent les rues, tendant leurs sébiles au premier venu. Comment faire la différence entre un vrai mendiant et un faux?
Comment faire la part entre une personne réellement dans le besoin et celle qui fait du business? Tout est une question de sensibilité à présent, comme le signifie un burkinabè: «les gens sont tellement avide d’argent qu’ils sont capables d’inventer tout et n’importe quoi. Partout, on rencontre des personnes qui disent être dans le besoin, et parmi elles se cachent des escrocs.
Cependant, il existe des personnes sincères qui sont réellement dans le besoin et qui ne bénéficieront pas de la générosité de leurs frères parce que ceux-ci sont devenus méfiants».
Germaine BIRBA
Les mendiants de luxe
Les profils de la mendicité sont légion. Il suffit de sillonner la ville pour se résoudre à l’idée que rien ne peut arrêter l’ingéniosité humaine. En plus de ces faux jumeaux, il existe également les mendiants de «luxe». Ce groupe de personnes ne demande pas les pièces que les généreux donateurs veulent bien jeter dans les plats au bord de la route. Non! ils réclament plus, et ont des horaires de travail bien différents des autres. En effet, la nuit venue, il n’est pas rare de croiser ce nouveau genre de mendiants. Parfois très bien habillés et sur des motos. Leur tactique est de feindre une panne d’essence ou un quelconque problème qui amènerait toute âme sensible à leur glisser un billet de banque.
«Un soir, pendant que je rentrais du boulot assez tard, j’ai rencontré une femme qui avait un bébé au dos et qui poussait sa moto. Elle m’a dit être en panne d’essence et n’avait pas d’argent. Vu l’heure tardive et ayant peur qu’elle ne soit agressée avec son bébé, je lui ai remis 1.000 F CFA pour son essence. Deux semaines après, j’ai de nouveau rencontré cette dame dans un autre quartier avec le même prétexte. J’ai donc compris que c’était juste un stratagème pour soutirer de l’argent aux autres», témoignait une victime.
Ces nouveaux types de mendiants développent différentes astuces: tantôt en panne de moto, tantôt le coup du malade devant la pharmacie ou devant les hôpitaux.