«Quelles mesures pour une contribution efficace du secteur privé à la mise en œuvre du PNDES?» C’est autour ce thème que s’est tenue le 8 mai 2017 à Bobo-Dioulasso la 15e Rencontre gouvernement/secteur privé (RGSP). Le face à face entre les organisations représentatives du milieu des affaires et les membres du gouvernement conduits par le Premier ministre Paul Thiéba a permis de recueillir à la fois les préoccupations des différentes corporations dans l’environnement actuel et leurs propositions en faveur de la réussite de la mise en œuvre du PNDES. Plus d’une quarantaine d’organisations regroupant des opérateurs économiques par catégorie d’affaires ont pris la parole pour exprimer des attentes spécifiques. L’Economiste du Faso propose ici quelques-unes des préoccupations par organisation.
«95% des amandes de karité sont exportés à l’état brut»
La Table filière karité est une organisation dont la mise sur pied date de trois ans. Elle regroupe des transformateurs du beurre de karité en produits dérivés et les exportateurs d’amandes de karité. Au nom de la table Filière karité, c’est Moumouni Konaté, acteur de cette filière, qui a pris la parole à la 15e RGSP. «La filière karité exporte effectivement des amandes de karité dans une très grande proportion, mais malheureusement les amandes sont vendues à des prix assez bas», a indiqué le représentant de l’organisation. Pour donner la preuve, il a fait une démonstration.
«Aujourd’hui, 3 tonnes d’amandes de karité sont exportées à 375.000 F CFA. Ces 3 tonnes transformées en beurre de karité nous donnent 1 tonne de beurre de karité et rapporte 1 million de F CFA lorsqu’elle est vendue. Cette tonne de beurre de karité transformée en produits cosmétiques peut rapporter environ 1,5 million de F CFA.
Et si on progresse avec la transformation, ce beurre de karité transformé en d’autres produits peut nous rapporter pratiquement 3 millions de F CFA.
Vous voyez que réellement la transformation serait une très bonne chose pour la filière karité».
Pour les acteurs de la filière karité, la mise en place d’une véritable stratégie de promotion de la filière va déboucher sur la création d’emplois et de richesses à la fois pour les acteurs et pour l’économie nationale. Pour cela, ils recommandent d’aller à l’amélioration des équipements de transformation par le financement des besoins d’équipement.
«Nous invitons véritablement à la mise en place d’une politique de transformation progressive des produits sur place. C’est 95% de l’amande de karité qui sont exportés de façon brute, sans transformation, ce qui n’est pas judicieux pour l’économie. Il faudra bien qu’avec les acteurs, il y ait des discussions pour que progressivement les produits puissent être transformés. C’est bien de faire souvent appel à des investissements étrangers, mais avec nos investisseurs nationaux, l’Etat pourrait également proposer dans le cadre du PNDES des collaborations qui les associent à la filière. Le but étant de créer beaucoup plus de retombées en faveur des acteurs nationaux».
«Le contrôle de l’obligation de l’assurance automobile à 100%»
Au nom de l’Association professionnelle des sociétés d’assurances du Burkina (APSAB), c’est Simon Pierre, l’un des membres, qui s’est exprimé à la tribune de la 15e RGSP. Son intervention a porté sur les difficultés que rencontre la profession et les opportunités qui s’offrent au PNDES à travers les activités des assureurs.
«La première chose qui nous tient vraiment à cœur, c’est le contrôle de l’obligation de l’assurance automobile.Chaque année, nous le disons: sur 100 véhicules à assurer, il y a 40 qui ne sont pas assurés.Cela permet de voir l’assiette de crédits que nous perdons, les taxes d’assurance que l’Etat perd et la protection humaine que les citoyens perdent», a indiqué le représentant des assureurs.
«Deuxièmement, nous avons demandé le contrôle de l’assurance construction. Le comité paritaire a trouvé un chemin de solutions sur lequel nous allons avoir un face à face pour pouvoir mieux comprendre, parce que la solution n’est pas définitive», a-t-il ajouté.
«Le troisième point porte sur la mobilisation de l’épargne durable. Les assureurs sont des gros mobilisateurs de fonds et, pour encourager les épargnants, nous demandons la déductibilité des bons de cotisations, soit des particuliers soit des entreprises qui le font au profit de leurs personnels, sur l’assiette de l’IUTS, sur l’assiette du BIC, du BNC», propose-t-il.
«Une autre préoccupation qui est majeure mais qui dépasse un peu le plan national, c’est que, le 8 avril 2016, il a été décidé par les ministères de l’Economie et des Finances des 14 pays de la CIMAF de relever le capital des sociétés d’assurance de 1 milliard à 3 milliards de F CFA en trois années et également de continuer de relever ce capital social à 5 milliards en cinq ans. A notre avis, l’exposé des motifs n’est pas vraiment convaincant et nous sommes actuellement en relation avec la direction des assurances du ministère des Finances pour essayer de mettre en place un argumentaire fort pour que le gouvernement puisse faire un plaidoyer auprès des autres pays. En effet, même si on ne peut pas rester dans le milliard, que ce soit limité à 3 milliards et aussi prolonger le délai».
«Enfin, ce que nous demandons relativement au PNDES, c’est que nous avons constaté que le PNDES renferme plusieurs projets. 83 ont été présentés à Paris et 51 ont été présentés au forum Etat/Secteur privé sur les PPP tenu à Ouagadougou. Nous constatons que chaque projet contient des risques. Face à ces risques, il y a des professionnels, c’est-à-dire les sociétés d’assurances, pour les assurer et pour les protéger. Il y a des attributaires de marchés. Nous voulons qu’ils soient encouragés à prendre des assurances auprès de nos sociétés d’assurances. Dans tous les cas de figure, nous avons la capacité, au-delà des assurances que nous pouvons faire entre nous, de faire de la réassurance. Nous pouvons rassurer l’ensemble des attributaires des marchés que nous sommes prêts à relever le défi de l’assurance».
Pour 1.408 milliards, les banques veulent des garanties et des actions
Pour le compte de l’Association professionnelle des banques et établissements financiers du Burkina (APBEF-B), Cheikh Travaly, DG d’une des banques membres de cette organisation, s’est exprimé.
«Le secteur bancaire national réaffirme les engagements qu’il a pris en décembre 2016 pour accompagner le gouvernement dans le financement des projets structurants du PNDES.A Paris, nous avions donné un engagement de principe à hauteur de 1.408 milliards de F CFA. Sur les quatre années résiduelles du PNDES, ceci représente un financement moyen annuel de l’ordre de 350 milliards de F CFA. C’est un engagement qui est largement à la portée des 13 banques et 4 établissements financiers qui composent de notre association», a d’abord indiqué le porte-parole de l’APBEF. Il a aussi tenu à donner la preuve de leur capacité à financer les projets d’investissement.
«Au 31 décembre 2016, le volume des crédits distribués à l’économie nationale s’est levé à 3.800 milliards de F CFA. Il est en progression 576 milliards de F CFA par rapport à 2015. Précision importante: ces crédits sont constitués à plus de 50% d’engagements pour le moyen et pour le long termes. Donc de financement d’investissement», a-t-il rappelé. L’APBEF se dit prête à financer le PNDES. Pour ce faire, elle promet de mettre en place un guichet PPP pour financer ces projets du plan. Mais avant, elle attend un certain nombre de préalables à réaliser par l’Etat.
«Pour que notre engagement pris à Paris devienne une réalité, parce que nous souhaitons contribuer à un succès éclatant du PNDES, nous pensons que certaines actions devraient être prises rapidement», a indiqué le porte-parole Cheikh Travaly.
«Comme première action, nous souhaitons la mise en place ou la désignation d’un point de contact unique pour faciliter les opérations entre l’Etat et les banques. On peut l’appeler comme on veut. L’idée derrière, c’est de fluidifier les interactions entre le gouvernement et les banques».
«La deuxième action que nous souhaitons, c’est d’avoir accès à la base de données des projets qui sont arrivés à terme. C’est-à-dire des études faisabilité déjà réalisées. Nous souhaitons, dans ce sens, qu’il puisse y avoir une démarche proactive pour que nous puissions proposer ces projets à nos clients, qui pourront les financer, soit en bilatéral, soit en syndicat».
«La troisième mesure que nous souhaitons, c’est peut-être une relecture du cadre juridique et réglementaire qui encadre les PPP, avec l’objectif final d’accélérer la désignation des entreprises qui seront attributaires de certains marchés, parce que notre prise décision finale est basée sur l’offre d’analyse de risques et de performances qui est présentée par ces entreprises».
«Ensuite, nous souhaitons que soit clarifiée la nature des engagements garanties que l’Etat pourrait apporter afin de faciliter l’intervention des banques aux côtés des entreprises», va-t-il conclure.
Karim GADIAGA
Les industriels souhaitent le renforcement de leur compétitivité
Pour le Groupement professionnel des industriels (GPI), Abdoulaye Nabollé, DG de la Filsah, a résumé les préoccupations en 5 points :
1- La nécessité de rétablir un dialogue social. Les mouvements sociaux tout azimut font perdre à nos unités le peu de compétitivité que nous avons dans le contexte actuel de mondialisation des échanges.
2- Le règlement de la question de l’approvisionnement en énergie en quantité et en qualité pour leur permettre de produire sereinement; même si la question du prix de l’énergie mérite une toute autre attention de l’ensemble des acteurs.
3- La lutte contre toutes les formes de concurrence déloyale (fraude, contrefaçon, tromperie du consommateur etc.) qui, au-delà du préjudice qu’elles causent industriels, sont à l’origine d’un manque à gagner important pour le Trésor public.
Nous souhaitons qu’il y ait une mise en œuvre rigoureuse de la loi sur la concurrence au Burkina Faso et surtout une effective application sur le terrain des dispositions de la loi organisant la profession de commerçant.
4- La relecture de l’arrêté portant tarification des prestations fournies par le Bureau national de l’évaluation environnementale pour ramener les tarifs actuels à un niveau acceptable à l’image de ceux qui sont en vigueur pour l’obtention des agréments au niveau des investissements.
5- Le renforcement de tous les mécanismes d’accompagnement technique, financier et commercial de nos unités et tout particulièrement le Programme de restructuration et de mise à niveau qui a permis de garder encore en vie le peu d’unités industriels qui nous restent.
Par ailleurs, le GPI a indiqué qu’il attendait la concrétisation des promesses «de réhabilitation des anciennes zones industrielles, l’aménagement de nouvelles, d’amélioration de l’environnement des affaires» et salue la directive gouvernementale en faveur de la consommation de la production locale. L’organisation est persuadée qu’il est «possible de faire du Burkina un pays industriel, pour peu que les efforts soient consentis pour créer les conditions indispensables à l’investissement industriel, à savoir: la disponibilité de la matière première, la facilitation des questions de transport et de logistique, la disponibilité d’une énergie bon marché et la disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée». «C’est à ce prix que nous sortirons notre économie de l’informel pour l’installer dans le secteur formel qui reste et restera le socle indispensable à la mobilisation efficiente de recettes fiscales suffisantes pour le financement du PNDES», a laissé entendre Abdoulaye Nabollé.
KB