Le 2 mai dernier, le Fonds monétaire international (FMI) a présenté le rapport 2017 sur les perspectives économiques régionales. Deux jours après, paraissait l’édition 2017 de l’Africa Competitiveness Report de la Banque mondiale, qui se penche sur les enjeux de l’évolution démographique de l’Afrique, en mettant en évidence les mesures qu’il importe de prendre en priorité pour y faire face. En plus de répondre à la question comment va l’Afrique?, ces deux documents proposent des recommandations pour une meilleure croissance du continent.
Pour le FMI, la dynamique du continent reste assez modérée en raison d’un contexte toujours morose, ce qui nécessitera la prise des mesures vigoureuses afin de redémarrer la croissance.
Le Fonds, qui a encore insisté sur l’accélération des ajustements budgétaires et le renforcement des réformes structurelles, a dans son dernier rapport mis en exergue tout le potentiel que peuvent tirer les pays africains de leur secteur informel.
Comment l’institution en est-elle arrivée à cette conclusion? L’on se souvient que le Fonds avait fait de la lutte contre le secteur informel un préalable à l’accélération de la croissance des pays africains. Le FMI a certes depuis quelques années tempéré son approche, mais sa dernière analyse sur le rôle de ce secteur dans l’économie africaine traduit un véritable changement de paradigme pour l’institution, un des principaux partenaires financiers du continent.
Dans son rapport, le Fonds a consacré un focus au secteur informel, «une composante essentielle de la plupart des économies subsahariennes». Avec une contribution au PIB qui s’échelonne entre 25 % et 65 %, un poids estimé entre 30 % et 90 % de l’emploi non-agricole, le rapport a fait ressortir que «la part de l’économie informelle décroît quand le niveau de développement augmente». De ce fait, la plupart des pays subsahariens devraient donc conserver des secteurs informels importants pendant encore de nombreuses années, «ce qui est à la fois une chance et un défi pour les responsables de la politique économique».
Selon le FMI, «faciliter la migration des ressources depuis le secteur informel en développant le secteur formel doperait la productivité de l’économie et pourrait fortement contribuer à débloquer une croissance inclusive durable».
Cependant, comme cette transformation sera sans doute lente, il faudrait aussi prévoir des mesures destinées à soutenir les entreprises familiales. Ces dernières constituent en effet la composante essentielle de l’économie dite souterraine en Afrique et, selon le FMI, «elles offrent en effet un filet de sécurité à ceux qui, sans elles, seraient probablement au chômage».
«La bonne nouvelle est que ce qui favorise la croissance du secteur formel contribue aussi à accroître la productivité des entreprises familiales», annonce le FMI à l’intention des décideurs politiques et des acteurs économiques.Et, pour le FMI, les autorités devraient s’intéresser à prendre des mesures destinées à tirer profit des opportunités de croissance qu’offre ce secteur.
Croissance africaine à la peine
Après des années d’embellie, la croissance africaine est en effet à la peine avec un rythme de progression estimée à 1,4% en 2016, soit son niveau le plus bas en deux décennies. En 2017, le taux projeté est certes de 2,6%, comme l’a relativement anticipé la Banque mondiale il y a quelques jours dans ses prévisions, ce qui, d’après le rapport, «placera à peine l’Afrique subsaharienne sur une trajectoire de hausse du revenu par habitant».
L’année en cours s’annonce donc plus reluisante mais ce léger rebond est somme toute assez modeste, ce qui pour le FMI impose aux pays d’Afrique subsaharienne de «prendre d’urgence des mesures vigoureuses pour stimuler la croissance dans la région».
Selon les explications du directeur Afrique du FMI, Abebe Aemro Selassié, les perspectives globalement médiocres s’expliquent en partie par un ajustement insuffisant des politiques économiques. « L’Afrique subsaharienne reste une région qui dispose d’un potentiel de croissance considérable à moyen terme, à condition que des mesures internes vigoureuses soient mises en œuvre», n’a pas manqué de rappeler, en guise de conclusion, le directeur Afrique du FMI.
NK
Accroitre la compétitivité pour faire face aux enjeux démographiques
A la suite du FMI, c’est la Banque mondiale qui s’est penchée sur l’évolution de la croissance en Afrique. Dans son rapport l’Africa Competitiveness Report, publié le 4 mai dernier en Afrique du Sud, le groupe de la Banque mondiale explique que si des mesures ne sont pas prises d’urgence pour remédier à la stagnation de la compétitivité, les économies africaines ne créeront pas suffisamment d’emplois pour le nombre de jeunes qui vont entrer sur le marché du travail.
Un rapport qui préconise de modifier rapidement les politiques actuelles, car, en l’état, elles permettront de créer tout au plus 100 millions de nouveaux emplois au cours des 20 prochaines années au lieu des 450 millions dont l’Afrique aura besoin.
Les défis que doivent relever les dirigeants africains sont aggravés par une croissance démographique rapide, qui devrait se traduire par l’arrivée de 450 millions de personnes supplémentaires sur le marché du travail au cours des 20 prochaines années. Or, selon le rapport, les politiques actuelles ne permettront de créer que 100 millions d’emplois au cours de cette période.
«Il importe avant tout d’éliminer les obstacles qui empêchent l’Afrique d’exploiter son potentiel de compétitivité pour lui permettre de réaliser des progrès économiques plus durables et assurer une prospérité partagée», souligne Richard Samans, directeur général du Centre for the Global Agenda au sein du Forum économique mondial.