Le Burkina Faso va bientôt se doter d’une nouvelle loi portant organisation de la concurrence. Dans ce sens, un projet de loi, adopté en Conseil des ministres le 1er mars 2017, va être examiné par l’Assemblée nationale. Selon le gouvernement qui a initié ce projet, la future loi vise «la professionnalisation des acteurs de l’économie, l’adéquation de la règlementation nationale en matière de concurrence, le renforcement du dispositif institutionnel en charge de la régulation de la concurrence et une meilleure protection des intérêts des acteurs économiques». En d’autres termes, il s’agit, dans un premier temps, de mettre en place une loi actualisée, en phase avec la pratique des affaires de nos jours. C’est-à-dire prendre en compte les caractéristiques actuelles de la concurrence ainsi que les problèmes qu’elle génère au quotidien.
Dans le second temps, la loi devrait prévoir non seulement le meilleur dispositif d’observation et de contrôle de la concurrence, mais aussi les sanctions appropriées en vue de décourager les pratiques anticoncurrentielles. Par ailleurs, ce que devrait corriger la nouvelle loi sur la concurrence c’est le risque que la loi nationale soit rendue obsolète au moment de la synchroniser avec les lois communautaires UEMOA ou CEDEAO.
Il est à noter qu’en matière de pratiques anticoncurrentielles, le droit communautaire UEMOA prévaut sur les législations nationales. C’est ce qu’on appelle la compétence exclusive de l’UEMOA. Or, la plupart des pays de l’espace, dont le Burkina, se sont dotés de lois nationales bien avant le droit UEMOA intervenu en 2003. Il peut donc y avoir des problèmes de compatibilité entre les deux corpus. D’où la nécessité d’instaurer plus de clarté et de préciser les rôles.
La loi actuelle portant organisation de la concurrence au Burkina date du 5 mai 1994.
Dans son contenu, cette loi interdit les pratiques anticoncurrentielles qui sont notamment «les ententes», «les abus de domination». Elle interdit également «les pratiques restrictives de la concurrence ». Dans cette rubrique il y a «les prix imposés», «la revente à perte», «le refus de vente à l’égard du consommateur», «les pratiques discriminatoires entre professionnels», « les ventes sauvages» et «le para-commercialisme, la publicité mensongère ou trompeuse».
Pour ce qui concerne les organes ou les services chargés de veiller au respect de cette loi par les opérateurs économiques, la loi du 5 mai 1994 désigne l’Inspection générale des affaires économiques, les tribunaux, et la Commission nationale de la concurrence et de la consommation (CNCC).
Cependant, pour des raisons d’efficacité, la loi a été modifiée en décembre 2001. Cette modification a été faite spécialement pour renforcer le rôle de la CNCC. Au début, la CNCC avait un rôle exclusivement consultatif. Elle ne pouvait prendre aucune décision pour sanctionner un opérateur économique et ne pouvait être saisie que par le ministère chargé du Commerce pour avis sur les problèmes de concurrence ou les plaintes déposées auprès de ce ministère par les opérateurs économiques contre d’autres opérateurs économiques. La Commission était seulement un observatoire du marché national, chargé, à la fin de chaque année, de faire un rapport sur l’état de la concurrence et de la consommation dans le pays.
Avec la modification de 2001, la CNCC a été dotée d’un pouvoir de sanction et peut être saisie directement. Elle peut prononcer des amendes pécuniaires à l’encontre d’opérateurs économiques qui ne respectent pas les règles de la concurrence.
Malgré ces modifications censées apporter plus d’efficacité dans le contrôle de la concurrence, les règles restent insuffisamment observées, alors que d’autres problèmes sont apparus aujourd’hui. D’où cette nécessité de revoir la législation.
Karim GADIAGA
Quels défis pour la nouvelle loi ?
Selon une étude qui a analysé la problématique de la concurrence au Burkina, les pratiques anticoncurrentielles les plus courantes sont rapportées aux cas comme «les prix de prédation», les «barrières à l’entrée», «discrimination de prix», «fixation du prix de revente», «refus de vente», «contrats d’exclusivité», «vente liée», «trucage des offres», «partage de marchés», «entente sur les prix», «fusion et absorption», «les monopoles», «l’entente sur les prix», «la fraude et la collusion».
Les auteurs de l’étude précisent toutefois que l’ensemble de ces cas cités ne sont que des éléments relayés dans la presse et qu’il manque une véritable investigation en la matière.
Concernant les lacunes de la législation et les moyens actuels, l’étude indique que la mise en application de la loi «souffre de l’absence de directives claires sur les questions critiques telles que les seuils de tolérance pour les fusions ainsi que les exceptions et les exemptions». «L’autorité de la concurrence est paralysée par des contraintes financières et humaines et est mal connue du public».