L’actualité politique, dans ces derniers temps, est marquée par les sorties médiatiques du Chef de file de l’opposition politique(CFOP) pour critiquer la politique du parti au pouvoir. Après avoir produit en février 2017 son deuxième mémorandum critique sur la gouvernance du Mouvement du peuple et du progrès (MPP) et de ses alliés politiques, l’opposition politique s’est décidée à disputer le terrain de façon plus âpre avec ses tenants actuels.
Les récentes sorties médiatiques du CFOP sur le projet d’augmentation des loyers des stands au niveau des espaces publics, des marchés et la manifestation programmée le 29 avril 2017 prochain constituent des signaux forts d’une opposition qui semble décidée à se restructurer pour conquérir l’opinion nationale dans sa marche vers la conquête du pouvoir d’Etat. Depuis l’avènement du pouvoir actuel, c’est la première fois que l’opposition politique prend la décision d’organiser un meeting. Il n’y a pas meilleure façon de jauger sa capacité de mobilisation. Des déclarations discursives, le temps de l’action concrète sur le terrain politique est arrivé.
L’appréciation des actions posées par le CFOP montre une opposition qui tente de se restructurer pour mieux s’opposer au pouvoir. Et pour cela, il lui faut un capital de sympathie et d’adhésion au sein des populations et des faunes politiques de façon générale. La manœuvre n’est pas aussi aisée que cela puisse paraître. Car, quoiqu’on dise, l’Union pour le progrès et le changement (UPC) est la colonne vertébrale de cette opposition qui essaie de se réorganiser avec des anciennes formations politiques qu’elle a combattues lorsque Blaise Compaoré était au pouvoir.
Le parti de Zéphirin Diabré ne peut donc pas ne pas revendiquer comme sien le patrimoine de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, lequel marque cependant le début des vicissitudes du CDP et de l’ADF-RDA, actuellement membre du CFOP. Comment ces partis vont-ils se sentir à l’évocation de l’insurrection? Est-ce que, pour ménager la susceptibilité de ces partis, l’UPC serait-elle prête à ne pas se réclamer de cet événement majeur de la vie politique burkinabè? Même si ces problèmes sont transcendés dans la perspective de la manifestation du 29 avril 2017 prochain, le seront-ils toujours? En tout état de cause, la cohésion entre partis insurgés et partis jadis proches du régime Compaoré au sein du CFOP demeure jusque-là une problématique.
En tout état de cause, la manifestation du 29 avril 2017 apparaît comme un test de sympathie et de mobilisation pour l’opposition politique burkinabè. L’on saura si «la dégradation de la situation de notre pays est le résultat de l’incapacité du MPP et de ses alliés à régler les problèmes des Burkinabè» ainsi que le dit le communiqué de l’UPC appelant à la manifestation, et s’il est aussi fédérateur qu’on le pense. La réussite ou l’échec de cette sortie sera déterminante dans le rapport entre le pouvoir et l’opposition à l’avenir. En attendant, comme pour pousser la population à le soutenir dans cette entreprise politique de mobilisation, Zéphirin Diabré et ses lieutenants ne manquent pas la moindre occasion pour se faire entendre et voir de l’opinion, un peu comme s’ils étaient les défenseurs authentiques des intérêts du peuple. L’on peut appréhender sous ce prisme les récentes sorties du CFOP concernant la volonté du conseil municipal de la ville de Ouagadougou de procéder à une révision des prix stands et sur la crise qui sévit à la mairie de l’arrondissement n°3 de Ouagadougou. L’on pourrait citer d’autres exemples.
Toujours est-il qu’à ces occasions, Zéphirin Diabré ne se gêne pas à faire de la communication politique. A toutes ses sorties, il appelle les populations à sortir massivement le 29 avril prochain pour manifester contre le pouvoir. Sera-t-il suivi? La population va-t-elle répondre à cet appel? L’on attend de voir. Et pendant ce temps, au niveau du parti au pouvoir, on observe.
G. L
Une pression de plus pour le parti au pouvoir
La cristallisation politique que l’opposition est en train de tisser pourrait ne pas être sans inquiétude pour le régime du MPP et ses soutiens. Même si l’on peut relativiser pour ainsi dire que l’opposition politique est dans son rôle et que de ce fait, il ne fait que son travail en tant que force de contrepouvoir. Cela pourrait effectivement s’entendre. Sauf que dans la conjoncture économique difficile, l’on ne peut s’empêcher de prendre au sérieux ce retour en selle de l’opposition.
En tout cas, ce n’est pas trop de rappeler qu’il y a une sorte de désillusion populaire par rapport au résultat de la gouvernance actuellement servie par les tenants du pouvoir. Les Burkinabè ont placé beaucoup d’espoirs en l’ère post-Compaoré, si fait qu’ils semblent impatients d’être de ce meilleur dont ils rêvent.
Une attente qui à coup sûr pour d’aucuns paraît comme une éternité. Pour d’autres, il n’est pas question d’attendre, il faut que le pouvoir s’assume et offre hic et nunc le meilleur au peuple. C’est dans cette logique que l’on peut décoder la tempête de grèves tous azimuts qui secouent les rapports entre les travailleurs et le gouvernement. La situation n’est pas moins pressante d’ailleurs au niveau des autres couches de la population où la morosité des affaires suscite tant de désabusement et de frustration.
C’est pourquoi, avec ce sentiment de déception qui tend à se cristalliser et à se populariser, la raison politique commande que le pouvoir ne commette pas cette erreur d’interpréter les sorties médiatiques de l’opposition et la manifestation du 29 avril 2017 en gestation comme des épiphénomènes. Il y a une nécessité vitale d’appréhender tout cela avec une certaine dose de responsabilité, de dignité et de travailler à endiguer la vague de mécontentement et de désaffection par des réponses pertinentes à la demande sociale. Sinon, l’on risque de tomber dans un engrenage qui pourrait plonger le pays dans une crise sociopolitique plus grave et plus préjudiciable au bien-être des Burkinabè.