Hamissou Kano, directeur de la démographie à l’Institut national de la statistique et de la démographie (INSD), et Koudbi Zongo, PDG de l’entreprise Softnet, devront écoper de sanctions administratives et attendant que des poursuites judiciaires soient engagées. Ce sont les conclusions auxquelles seraient parvenus les enquêteurs. Il leur est reproché, entre autres, des actes de corruption, de favoritisme, de délit d’initié et de tentative de corruption dans le marché portant acquisition d’équipements informatiques pour le Recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) 2016. Toute la procédure du marché a été entachée de «graves irrégularités». Retour sur une affaire qui met à nu la face hideuse des marchés publics.
Tout commence en 2016. Le ministre de l’Economie, des Finances et du Développement (MINEFID) introduit en Conseil des ministres le rapport d’approbation de 2 marchés passés par procédure de gré à gré pour l’acquisition de matériel au profit de l’INSD. Le Conseil des ministres rejette le marché et exige sa reprise en appel d’offres ouvert. Un premier échec pour ceux qui tentait un passage en force pour ce marché.
L’appel d’offres est lancé, mais les entreprises SGE et EGF contestent devant l’Autorité de régulation des commandes publiques (ARCOP) certains critères d’évaluation du marché comme l’interdiction de se constituer en groupements. L’ARCOP a trouvé cet argument fondé parce que contraire aux textes sur les marchés publics. Un deuxième échec pour les membres d’un réseau qui travaille à attribuer le marché à une entreprise précise.
Une nouvelle date pour le dépôt des offres est communiquée afin de prendre en compte la décision de l’ARCOP.
A la date d’ouverture des offres, 6 plis ont été reçus. La commission d’attribution des marchés, sur la base du rapport de la sous-commission technique, propose l’attribution des 2 lots au groupement Softnet /MC 3 Trade pour un coût total de 7.892.773.409 FCFA dont 363.290.790 F CFA pour le lot 1 (acquisition de matériels informatiques pour la cartographie) et 7.529.482.619 FCFA pour le lot 2 (acquisition de matériels informatiques pour le dénombrement et le traitement des données).
Adam’s Electronic LTD/Arbrel/ITDOT, une des entreprises malheureuses, dépose une plainte à l’ARCOP après la publication des résultats. Ce groupement explique que son offre n’a pas été appréciée avec la même rigueur que celui de Softnet/MC 3 Trade. Il dénonce aussi la présence de Hamissou Kano, l’acteur principal de la procédure dont le nom est déjà cité dans une affaire de corruption et de tentative de corruption pendante devant l’ASCE-LC. Après analyse de la plainte, l’ARCOP l’a jugée non-fondé au regard des informations disponibles.
Ces nombreux recours ne pouvaient qu’éveiller des soupçons dont la tentative de vérification a permis de retrouver des indices portant sur des graves irrégularités.
Selon les informations en possession de L’Economiste du Faso, une entreprise, en l’occurrence Softnet qui a soumissionné à ce marché, a été associée au montage du dossier, précisément à la définition des caractéristiques techniques dans le dossier d’appel d’offres, afin d’exclure les autres candidats.
Hamissou Kano, acteur principal de la procédure, en serait l’artisan principal. Il a été mis à jour qu’il a toujours transmis à Koudbi Zongo, PDG de Softnet et représentant du groupement Softnet/MC 3 Trade, des informations sur le marché. C’est ainsi que Koudbi Zongo est entré en possession du dossier complet d’appel d’offres avant même la date de lancement de la procédure. Tout porte donc à croire qu’à l’INDS et au MINEFID, on a travaillé à donner le marché groupement Softnet/MC 3 Trade. 2 autres noms sont cités au côté de Hamissou Kano. Il s’agit de Ibrahim Zaré de la Direction des marchés publics du MINEFID et d’Alex Somé de l’INSD.
Le cas de Hamissou Kano est très grave. Il se rendait par exemple au siège de certaines entreprises et recevait d’autres à son domicile.
Ce dernier a reçu une importante somme d’argent, dont le montant reste à établir, du représentant de la marque Samsung au Burkina pour lui accorder le marché. Non satisfait de ce qu’il a reçu, il a exigé 50 millions de F CFA de plus en utilisant cette fois-ci le nom du ministre de l’Economie, des Finances et du Développement, Hadizatou Rosine Coulibaly/Sori.
C’est face au refus du représentant de Samsung qu’il s’est tourné vers Koudbi Zongo de Softnet. Une enquête plus poussée permettrait de confirmer qu’en dehors de ces 2 fournisseurs, d’autres ont été sollicités par Hamissou Kano. Mais à quel prix le rapprochement Hamissou Kano et Softnet a-t-il eu lieu? Toujours est-il que le groupement auquel appartient Softnet a raflé les 2 lots du marché.
L’acte posé par Hamissou Kano et Koudbi Zongo s’apparente à de la collusion et du favoritisme. Le comportement de Hamissou Kano envers Samsung peut être qualifié de tentative de corruption. Tous ces manquements sont punis par la loi en cas de poursuites judiciaires. En effet, les personnes reconnues coupables de favoritisme encoure une peine d’emprisonnement comprise entre 3 mois à un an et d’une amende comprise entre 300.000 et 1,5 million de FCFA.
Le délit d’initié est puni par un emprisonnement de 2 à 5 ans et d’une amande qui peut aller jusqu’à 20 millions.
Joël BOUDA
Le dossier est sur la table du procureur du Faso
Il nous revient que cette affaire a évolué. Suite aux soupçons de fraude, la ministre de l’Economie, des Finances et du Développement a saisi l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption (ASCE-LC). Une enquête a été diligentée. Les résultats de cette enquête blanchissent Hadizatou Rosine Coulibaly/Sori de toute implication dans ce marché. L’enquête ayant été menée par l’ASCE-LC, le procureur a désormais la charge du volet judiciaire et déterminera les complicités et la responsabilité pénale des uns et des autres s’il y a lieu.
Il nous revient également que le dit marché a été annulé et sera repris en écartant Hamissou Kano et toutes les personnes qui ont trempé dans ce dossier.