Débutée le 10 janvier 2017, la médiation devant le Centre d’arbitrage, de médiation et de conciliation de Ouagadougou (CAMC-O) entre l’Etat du Burkina et le groupe Pan African Minerals (PAM) est en principe finie depuis ce 10 mars. Le temps accordé à cette médiation était de deux mois.
Alors que les échanges lors des différentes rencontres avec la médiatrice, Boly/Djibo Bintou, avaient un temps suscité l’espoir, les positions se sont de nouveau crispées lorsque PAM a demandé à l’Etat de permettre l’exécution de l’ordonnance rendue par le Tribunal de Commerce de Ouagadougou (TCO) le 22 décembre 2016. Verdict confirmé en Appel le 26 janvier 2017. En substance, l’ordonnance du TCO, en lien avec un Concordat accordé à PAM depuis le 8 septembre 2015, fait obligation à l’Etat d’autoriser l’exportation par la route du stock de 40.000 tonnes de manganèse, dont les fruits de la vente vont servir à payer les créanciers de la société. Par ailleurs, le TCO a établi que PAM devrait procéder à la réhabilitation de la route qui va servir au transport du minerai. Cette route est celle située entre Dori, Gorom-Gorom et Tambao.
Pour PAM, la vente de ce stock de manganèse, au-delà de l’apurement de sa dette vis-à-vis de ces fournisseurs, constituerait également un début dans la relance des partenariats que le groupe a scellés avec des entreprises financières.
L’enjeu autour de la vente du stock de minerai est donc énorme, surtout pour PAM. L’Etat qui semblait d’abord s’opposer catégoriquement à l’exécution de l’ordonnance du TCO a désormais fait directement savoir à PAM que le transport du stock de minerai serait seulement autorisé si la route était préalablement réhabilitée, comme l’a souligné le TCO dans son ordonnance en Appel.
Dans le même moment, au niveau de la négociation devant le CAMC-O, l’Etat indique que le transport du minerai par la route constitue une modification substantielle de l’Accord cadre de PPP. Par conséquent, il estime que «le transport par la voie routière doit s’inscrire dans le cadre de l’examen global du contrat de PPP».
Du côté de PAM, on juge que l’Etat a presque deux positions contradictoires. Lesquelles sèment le doute. PAM ne semble pas convaincue par la bonne foi de l’Etat à trouver une issue dans la médiation, même si en face on a toujours clamé cette volonté de trouver un accord pour relancer l’exécution du PPP. Le dialogue de sourds a pris le dessus, compromettant la réussite la médiation.
La semaine dernière, la médiatrice du CAMC-O a tenté une nouvelle fois d’accorder les positions ou à défaut d’obtenir l’engagement des deux parties à proroger le délai de la médiation au-delà du 10 mars 2017.
Après des séances en aparté dans ce sens, respectivement le 3 mars pour l’Etat et le 7 mars pour PAM, une plénière était prévue le 9 mars. Finalement, il n’ y a pas eu de plénière. Les positions apparaissaient totalement divergentes.
Sauf décision de dernière minute au cours de la journée du 10 mars, où la médiation prenait officiellement fin, on peut affirmer que l’étape du CAMC-O est terminée. La prochaine étape devrait être celle de la Cour internationale d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale (CCI) de Paris. Etape cruciale, car la procédure à ce niveau est purement juridique. La décision qui sera issue de la CCI a valeur de sentence et s’applique comme telle.
A titre conservatoire, chaque partie a déjà exposé ses arguments à la Cour arbitrale. Un document de 38 pages pour PAM et document de 16 pages pour l’Etat, dans lesquels on s’accuse mutuellement tout en rejetant les arguments à charge. Une lettre officielle de non-conciliation du CAMC-O devrait automatiquement déclencher la procédure à la CCI.
Karim GADIAGA
Un véritable manque de confiance
Entre l’Etat et le groupe PAM, un véritable manque de confiance a prévalu tout au long des échanges. La médiation a été plombée par les soupçons que chaque partie nourrissait envers l’autre. Le résultat est que toute idée ou proposition présentée par un camp comme une solution à la crise a plutôt été perçue par l’autre camp comme une sorte de cheval de Troie qui cache un piège. Face à cette suspicion quasiment automatique et permanente, tout ce qui est avancé dans le but de faire évoluer le dialogue devient un problème.
Dans une telle atmosphère, on a de la peine à croire à chaque parole donnée. L’on attend des engagements plus formels sur chaque position avant d’avancer. La question de la réhabilitation de la route attendue par l’Etat avant l’autorisation du transport du stock de manganèse est prise dans ce type de blocage.
Se basant sur une précédente expérience où elle estime avoir réhabilité la route sans avoir l’occasion de l’utiliser, PAM souhaite de la part de l’Etat la garantie que la route lui sera profitable. La société souhaite surtout que l’Etat désigne des techniciens qui suivront véritablement cette réhabilitation pour en attester l’effectivité.