Le fonctionnement actuel de la Minoterie du Faso (MINOFA), située dans la Cité du paysan noir, à Banfora, ne donne pas satisfaction aux meuniers qui la comparent à un moulin de quartier. Le manque de moyens financiers est l’unique raison qui plonge ce géant de la farine de blé dans une production par intermittence. Pour les travailleurs, il faut que l’Etat qui en est l’actionnaire majoritaire prenne ses responsabilités.
Vandalisée au cours des années 2012 au point que les Banforalais n’avaient plus foi en sa réouverture, la SN GMB a été reprise par l’Etat qui a injecté plusieurs centaines de millions pour remettre l’unité sur pied. Cette réhabilitation qui a commencé en 2013 a permis de rouvrir l’unité dans sa partie production de farine de blé, sous l’appellation de Minoterie du Faso (MINOFA).
En fin 2015 donc, les essais sur la réhabilitation ont été faits et se sont avérés concluants. Cette même période consacrait la relance de la production de la farine de blé qui devrait permettre à la MINOFA, qui justifiait désormais d’un capital de 7 milliards 700 millions de F CFA, avec l’Etat comme actionnaire majoritaire, de se faire une place sur le marché national. Un financement de l’Etat devrait permettre à la MINOFA de s’approvisionner conséquemment en blé. Ce financement qui devrait suivre la phase des essais se fait toujours attendre, puisque les essais ont été effectués courant mars 2015.
Pendant ce temps, la grande partie de la population des Cascades attend que l’inauguration officielle se fasse, puisqu’à plusieurs reprises, ministres, députés, chefs de l’Etat et de gouvernement, qui ont séjourné dans la région des Cascades depuis 2015, ont été interpellés sur la question.
Et depuis, les travailleurs de la MINOFA se sentent comme dans une situation de chômage déguisé. Pour eux, le premier souci est devenu l’approvisionnement en matière première, c’est-à-dire le blé, pour permettre à l’usine de fonctionner régulièrement. En effet, par manque de blé, la MINOFA produit la farine de façon intermittente depuis quelques mois.
Ce qui fait dire aux meuniers dans leur ensemble «qu’elle fonctionne comme un moulin de quartier». S’il faut remettre sur pied une unité à coups de milliards et ne pas pouvoir la démarrer par manque de blé, peut-on parler de fonctionnement, s’est interrogé l’un d’eux qui fait savoir que «c’est lorsque qu’un client veut de la farine qu’il vient faire la commande et c’est en ce moment que la MINOFA produit juste la quantité demandée. Après cela, on tourne les pouces entendant une autre commande. Tout le problème se trouve à ce niveau».
Le DG, Ignace Traoré, a certes conscience de cette situation, mais il préfère lui parler de fonctionnement au ralenti : «Comme vous le savez, l’unité revient de très loin. La relance d’une unité telle la MINOFA ne peut pas se faire sans difficultés. Mais je rassure les travailleurs que des solutions sont en train d’être recherchées pour assurer à la MINOFA un fonctionnement optimum. Sinon, nous ne produisons que lorsqu’il y a des commandes.
Autrement dit, nous devrions produire tous les jours, mais il se trouve que nous n’avons pas suffisamment de blé. Cela parce que nous n’avons pas les ressources nécessaires. Nous sommes toujours dans l’attente de financements, mais je dois rassurer les travailleurs qu’il y a des promesses de la part de l’Etat et de certains partenaires du privé que sont les banques. C’est seulement parce que ça traine alors qu’il nous faut une grande quantité de blé pour pouvoir embrasser beaucoup de commandes. Notre rythme actuel est aussi dû au fait que nous ne devons pas faire croire aux grossistes que nous pouvons tous les satisfaire présentement».
Malgré cette difficulté réelle, le DG Ignace Traoré ne s’avoue pas encore vaincus car, selon lui, le marché existe.
Selon lui, la MINOFA a réalisé en l’espace de 6 mois, c’est-à-dire entre juin et décembre 2016, un chiffre d’affaire de 300 millions de F CFA avec une dizaine de grossistes établis un peu partout autour de l’usine, à savoir Banfora, Bobo-Dioulasso, Koudougou et Dédougou. Fort donc de l’existence de ces débouchés, Ignace Traoré et les meuniers embouchent la même trompette pour demander à l’Etat d’accélérer le déblocage des fonds qui vont permettre à la MINOFA de s’approvisionner en blé et d’aller à la conquête de ce marché. Pour les travailleurs, l’Etat doit simplement prendre ses responsabilités, car le fonctionnement normal de la MINOFA dépend de plusieurs autres questions dont leur traitement salarial et la lutte contre le chômage.
Comme le relate l’un d’eux, le statut actuel des travailleurs pose problème. Car ceux qui officient actuellement à la MINOFA ont été recrutés juste pour la réhabilitation de la MINOFA et le montage des machines. Ce travail étant fini, ils ont été maintenus et affectés à des postes de travail, mais ils sont payés en fonction du statut qui les régissait au moment du montage de l’usine.
En clair, précisent-ils, «le salaire que nous percevons de nos jours est en deçà de notre statut actuel et, là-dessus, nous avons eu une rencontre avec la direction générale qui avait pris des engagements de nous reverser dans le statut qui convient.»
Pour la direction générale, poursuit notre interlocuteur, ce reversement traîne tout simplement parce que le fonds qui doit être mis en place par l’Etat pour permettre le fonctionnement normal de la MINOFA n’est pas encore acquis.
Pour ces travailleurs, en faisant en sorte que la MINOFA trouve un rythme de fonctionnement normal, l’Etat contribuera à résorber un tant soit peu le chômage, puisque lorsque la MINOFA tourne, ce sont des centaines d’emplois journaliers et contractuels qui se créent autour.
Sy Amir LOOKMAN
La MINOFA : Une technologie de pointe sous-exploitée
Selon le DG, Ignace Traoré, la MINOFA a la capacité de traiter 150 tonnes de blé par jour. C’est une unité qui est au top puisqu’à ce rythme, elle a produit 924 tonnes de farine entre mars et décembre 2016. Assortie d’une technologie de pointe, elle emploie de nos jours 25 personnes et une partie de sa maintenance peut, selon les techniciens, se faire à distance.
Seulement, elle effectue présentement un passage à vide puisqu’il n’y a pas de production à proprement parler. Son DG invite les partenaires à faire une confiance totale à la MINOFA qui est une unité industrielle nationale, qui entend contribuer à l’atteinte des objectifs du PNDES.
Pour ce faire, la réhabilitation et le relance de son unité de production de farine de maïs au cours de cette année 2017 doivent être une réalité pour permettre la transformation des produits locaux et la promotion de l’emploi.
Etoffer les différents départements techniques
Les travailleurs de la MINOFA estiment que le DG, Ignace Traoré, est très chargé. Ignace Traoré, expliquent-ils, n’est assisté que d’un comptable et d’une assistante de direction. Il est seul à assurer les tâches de DG, de directeur commercial, de directeur industriel, de DAF ou DFC.
Il y a à peu près une dizaine de mois, celui qui officiait en qualité de directeur commercial a commis une faute lourde qui lui a valu un licenciement. L’affaire se trouve toujours en justice et, pour les travailleurs, étoffer toutes ces directions pourrait donner un plus de temps au DG pour s’occuper d’autres choses.
Les techniciens qui seront recrutés seront eux aussi à l’aise, puisqu’ils évolueront dans des domaines dont ils ont une parfaite maitrise.
La MINOFA et ses concurrents
Outre la farine de blé provenant de l’importation, la production de la MINOFA sera face à deux concurrents directs sur le marché burkinabè. Jusque-là, la production de farine de blé au niveau local est assurée par les Grands moulins du Faso (GMF) et la Minoterie de l’Orient (MINOR SA) lancée en juillet 2013 et appartenant au même groupe que la GMF. La GMF et MINOR sont contrôlées par l’homme d’affaires Rimon Hajjar, promoteur de la chaîne des boulangeries Wend–Konta sur le territoire burkinabè.
MINOR SA a une capacité de mouture de 330 tonnes de blé par jour. Ce qui donne une production de 250 tonnes de farine dans le même temps et 75 tonnes de blé pour le bétail. La production de MINOR SA, jumelée avec celle des GMF, dépassait déjà les besoins de consommation de farine de blé au Burkina, soit 150% de la demande.
Source L’Economiste du Faso