Si tous, techniciens et décideurs, s’accordent sur le fait que le secteur informel doit être organisé pour optimiser sa participation à l’économie nationale, les actions pour réaliser cette ambition ne sont pas encore très franches. En dehors des activités éparses de formation, pour la plupart, l’on peine encore à voir une véritable stratégie qui permette de prendre en compte l’ensemble de ce secteur, toute sa problématique et ses opportunités. Non seulement la population du secteur informel continue de croître, mais en plus elle gêne dans le circuit de l’économie formelle, au point où l’on parle aujourd’hui d’une tendance « d’informalisation » du secteur tertiaire à cause de la présence très forte de l’informel dans les services du commerce, des transports, la restauration et autres qui forment le secteur tertiaire. On estime d’ailleurs que l’informel occupe entre 70 à 80% de la population active.
Dans une volonté qui vise, à travers le Plan national de développement économique et social (PNDES), à « transformer de façon structurante l’économie », il est impossible d’ignorer le secteur informel. Bien au contraire, il faudra définir une stratégie ambitieuse et volontariste pour permettre de le transformer.
Avant le PNDES, des programmes avaient été déjà développés en faveur de l’organisation du secteur informel.
Il y a notamment la Banque africaine de développement (BAD) qui soutient l’organisation du secteur avec un programme basé sur la « structuration » des entités informelles. Il s’agit d’aider ces unités à disposer d’une organisation claire sur des aspects comme la comptabilité.
Les actions de la BAD en faveur de la transformation du secteur informel étaient étalées sur la période 2012 – 2016. A l’échéance, l’institution espère avoir amélioré des indicateurs comme « l’encours du crédit bancaire à l’endroit Pme/pmi » (25%), « entreprises dirigées par les femmes» (30%), «part des commandes publiques réservées aux micros et petites entreprises » (20%), etc.
Au-delà de la structuration que prône la BAD, l’Etat vise carrément la « formalisation ». Au sortir de la Rencontre Gouvernement/Secteur privé de 2013, le gouvernement avait défini un schéma qui vise à « formaliser » le secteur informel. Ce schéma consistait notamment à « faire des entreprises informelles des entités formelles, dynamiques, compétitives, à fort potentiel de contribution à l’économie nationale à l’horizon 2018 ». Le plan d’actions opérationnel pour la mise en œuvre de cette volonté s’étalait sur 3 ans.
Quant aux orientations, elles s’articulent sur 5 axes majeurs. Il s’agit notamment de « clarifier et améliorer le cadre institutionnel et réglementaire du secteur informel », « améliorer l’accès à l’information », « renforcer les structures d’appui et des organisations professionnelles du secteur », « améliorer l’accès au financement» et enfin «fournir des services non financiers spécifiques aux promoteurs informels ».
Le budget estimatif de l’ensemble de ces actions s’élevait à environ 1,928 milliard de F CFA.
Aujourd’hui, le PNDES va dans le même sens en indiquant les défis auxquels il faut trouver des réponses «afin d’assurer une meilleure contribution de l’économie informelle au développement national», « la facilitation de l’accès au crédit et les meilleures formes de formalisation des structures de productions informelles ».
Il reste maintenant à engager clairement les actions qui vont dans ce sens. Des actions qui vont toucher une masse critique d’unités informelles. La question du financement est de ce fait très centrale.
Même si son rôle social est unanimement reconnu, la prédominance d’un secteur informel dans un pays en développement comme le Burkina Faso semble limiter quelque peu la croissance et le développement économique, indique-t-on. Beaucoup de griefs contre le secteur informel.
Selon les analystes, il occasionne des pertes de recettes fiscales et exerce une concurrence déloyale à l’égard du secteur formel. L’informel freine le développement à moyen et à long termes, engendre la précarité et cristallise la pauvreté. Autant de facteurs qui militent pour la formalisation du secteur. Mais après tout, le secteur informel est une force économique à mettre intelligemment au service de l’économie nationale.
En plus du nombre important d’emplois qu’il peut offrir, il pourrait également soigner les performances économiques si sa contribution est mieux comptabilisée.
Karim GADIAGA
La structuration comme base
Dans son programme de soutien, la BAD a ciblé la transformation structurelle du secteur informel.
Cette transformation structurelle signifie une « mutation des entreprises informelles faiblement productives vers de nouvelles entreprises plus productives et dont les gains de productivité se diffusent au reste de l’économie ».
Pour atteindre cet objectif, la BAD avait prévu d’ accompagner un paquet de réformes au profit «des unités informelles à fort potentiel de transformation ». Sont concernées par cette catégorie, environ 89% des entreprises du secteur informel, selon une enquête de la BAD. C’est une catégorie qui se distingue du secteur informel de subsistance (ambulants, vendeuses d’arachides, de mangues, de fruits, etc.). Le secteur informel de substance n’est pas pris en compte par la BAD.
La Banque africaine de développement souhaite surtout « améliorer l’accès au financement », « renforcer l’accès aux infrastructures marchandes et d’artisanat », « adapter les formations aux besoins», « faciliter l’accès aux marchés publics » de ces « micros et petites entreprises ».