Une année nouvelle commence sans que l’on puisse dire si le front social se stabilisera ou pas. Des accords ont été signés et attendent d’être mis en œuvre et des dossiers sont encore sur la table des ministres sectoriels, dans l’attente de solutions. Le point commun à toutes ces revendications, c’est qu’elles touchent essentiellement à la rémunération (salaire ou indemnité) et aux conditions de travail.
L’année 2016 a été une année rude pour le gouvernement, et pas seulement. Car les usagers des services publics concernés en eu également pour leurs frais. En 2016, les syndicats ont montré un visage. Ils ont monté la pression d’un cran en durcissant la lutte. La dernière grève et la plus retentissante pour son impact social ne fut-elle pas celle du SYNTSHA, du 22 au 25 novembre?
Les responsables de ce syndicat ont, pour une première dans ce pays, décrété une grève sans service minimum dans certains services de santé. Autant dire une grève impopulaire, dans le sens où l’usager, même s’il reconnait le droit de grève des travailleurs pour de meilleures conditions, ne veut pas être la victime expiatoire de ce bras de fer entre le gouvernement et le principal syndicat de la santé.
Cette grève a marqué les esprits parce que les vies de certains malades étaient en jeu, au point où l’ordre des médecins a dû sortir de sa réserve pour attirer l’attention des grévistes sur la nécessité d’assurer un service minimum au nom du serment qui les lie à leur métier: «Le conseil national de l’ordre des médecins du Burkina Faso, en tant qu’organe régulateur de l’exercice de la profession médicale, des questions éthiques et déontologiques y relatives, observe avec désolation l’interruption des soins en raison de l’absence de service minimum dans la présente grève lancée par le SYNTSHA. Cette situation met à rude épreuve la déontologie et l’éthique professionnelle». (cf déclaration publiée le 24 novembre in www .lefaso.net http://lefaso.net/spip.php?article74362:).
Deux autres grèves dans le style «impopulaire» ont touché la justice burkinabè. Il s’agit dans un premier temps de celle des magistrats observée sur toute l’étendue du territoire du 24 février 2016 au 1er mars 2016 et dans un second temps, celle des gardes pénitentiaires pendant tout le mois d’avril.
Les trois syndicats de la magistrature exigeaient l’adoption de divers décrets d’application des textes de la magistrature, certains ayant une incidence financière, d’autres non. Ils s’apprêtaient à déposer un préavis d’un mois à compter du 17 mars 2016, lorsque les autorités ont donné l’assurance que leurs doléances seront examinées rapidement. Ce qui fut fait en Conseil des ministres le 23 mars 2016.
Cette grève a eu des conséquences sur la chaine judiciaire. Report de procès, les retards dans l’examen de certaines requêtes, les non-délivrances de certains documents aux justiciables pour cause de palais vides… Justiciables et usagers de la justice ont fait les frais de cette semaine de grève, et la levée du mot d’ordre a été un grand soulagement. S’expliquant après coup sur la satisfaction de la plateforme revendicative des magistrats, le président du Faso a précisé qu’au nom de la continuité de l’Etat, le gouvernement a tenu les engagements de la transition.
Cependant, l’accalmie fut de courte durée, puisque les Gardes de sécurité pénitentiaires (GSP) prirent le relais des magistrats. Durant tout le mois d’avril et cela jusqu’en mai, c’était une sorte de couvre-feu qui a régné sur une bonne partie des activités des palais de justice. Plus d’extraction de prisonniers, donc pas d’audience, pas de visite dans les prisons, des gardes-à-vue prolongées pour certains prévenus, etc. Le syndicat national des jeunes avocats a dû interpeller le gouvernement afin qu’il trouve rapidement une solution à cette crise qui remettait les droits de certains justiciables en cause.
Les greffiers exigeaient la prise des décrets consacrant respectivement classement indiciaire des emplois des fonctionnaires du corps de la Garde de sécurité pénitentiaire (GSP) et régime indemnitaire et avantages en nature alloués au personnel de la GSP. Ce qui fut fait par le Conseil des ministres du 23 juin dernier 2016. Les choses sont rentrées dans l’ordre depuis, mais les désagréments étaient nombreux.
La dernière manifestation en date est la grève engagée par le SYNATIC (les travailleurs de l’information et de la communication). Ce syndicat a réussi le tour de force de perturber l’audiovisuel et la presse publique. Le quotidien national a eu des difficultés de parution et l’audiovisuel a failli ne pas couvrir le SIAO. Le mouvement qui a duré 5 mois a abouti le 29 décembre 2016 à la signature d’un accord avec le gouvernement, alors que le syndicat menaçait de durcir le ton.
FW
Respect des engagements
Le point commun de toutes ces grèves est le fait que les revendications portent sur l’application d’engagements pris par les autorités. Les revendications sont majoritairement pécuniaires. Le durcissement des mouvements dans un contexte où le pays vit un ralentissement économique peut paraître surprenant. Mais pour les syndicats, tout ce qui arrange le pouvoir d’achat du travailleur est bon à prendre en attendant.
Le rapport de force étant pour le moment en leur faveur, vu l’attitude du gouvernement qui entend respecter les engagements déjà pris. Reste à savoir si en 2017 d’autres syndicats ne vont pas entrer dans la danse, juste pour ne pas être en reste. Si le gouvernement a pu honorer pour les uns, pourquoi pas pour les autres ?