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Transparence dans les mines : Vers la divulgation des propriétaires réels

 

A partir du 1er janvier 2017, le Burkina Faso, à l’instar des autres pays qui mettent en œuvre l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), devra publier une feuille de route relative à la divulgation des informations sur les propriétaires réels des sociétés minières qui soumissionnent, opèrent ou investissent dans le secteur.
C’est l’exigence 2.5 de la nouvelle norme ITIE adoptée en février 2016. Le Burkina Faso a adhéré au processus ITIE en 2008 et a été déclaré «pays conforme» en février 2013. Le pays s’est doté de sa feuille de route, laquelle a été adoptée en fin novembre 2016.
L’adoption de cette feuille de route devrait amener le pays à divulguer effectivement dès le 1er janvier 2020 l’identité des vrais propriétaires des sociétés minières dans les différents rapports ITIE. On entend par propriétaires réels, les personnes physiques qui, directement ou indirectement, possèdent ou exercent en dernier ressort le droit de propriété ou le contrôle de l’entité juridique. Les administrateurs et membres de conseil d’administration sont exclus du champ de cette définition, tout comme les substituts ou les personnes chargées de représenter les intérêts de quelqu’un d’autre.
Les informations à divulguer concernent l’identité des vrais propriétaires comprenant le nom, la nationalité, le pays de résidence, le numéro national d’identité, la date de naissance, l’adresse du domicile. Le degré de participation et les modalités d’exercice de cette participation ou du contrôle desdites entreprises doivent également être communiqués.
Ces informations sont publiées dans tous les rapports ITIE, ainsi que les identités des entreprises qui n’auront pas fourni toute ou une partie des informations sur la propriété réelle.

Pourquoi exiger la divulgation de l’identité des propriétaires réels des entreprises minières ?
Présent à Abidjan le 8 décembre dans le cadre d’un atelier organisé par la Coalition publiez ce que vous payez de la Côte d’Ivoire, Evelyne Tsagué de l’ONG Natural resource governance institute (NRGI) estime que les entreprises minières ont beaucoup de raisons légitimes d’avoir une structure de propriété complexe.
Cette complexité est utilisée dans certains cas à des fins de «corruption et d’évasion fiscale». Elle indique que «la divulgation d’informations sur la propriété effective peut aider à dissuader et à détecter la corruption, les conflits d’intérêts et l’évasion fiscale». Pour cette raison, elle insiste sur les mécanismes souvent utilisés pour dissimuler les informations, à savoir la substitution de personnes physiques comme les membres de la famille qui se présentent en lieu et place du propriétaire caché, l’incorporation d’entités opaques dans la structure de propriété. C’est le fait de se cacher derrière des associations à caractère politique, les entreprises de développement communautaire (fondations). La détention d’actifs et de transferts d’argent à l’étranger vers les trusts, les sociétés écrans ou les entreprises d’investissement privées localisées dans des paradis fiscaux, les relations commerciales douteuses qui consistent à payer pour des services sans qu’aucune vente d’actifs n’ait eu lieu, avec des réductions substantielles, à une autre entité contrôlée par le propriétaire caché sont autant de mécanismes pour dissimuler les vrais propriétaires des entreprises.
Un état des lieux de la mise en œuvre de cette exigence indique que rares sont les pays qui disposent d’un cadre juridique et institutionnel adéquat sur la propriété réelle des entreprises minières. Aussi, aucun pays ne possède une définition appropriée de la propriété réelle. Ce manque de définition cause un problème dans la collecte des données.

Qu’en est-il du Burkina ?
Les textes qui règlementent la propriété réelle au Burkina sont éparses. L’acte uniforme du traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA) que le Burkina Faso a ratifié indique qu’au moment de la création d’une entreprise, toute personne physique doit demander au greffe du tribunal de commerce dans le ressort territorial duquel elle exerce son activité une inscription au registre du commerce où elle fournit des informations sur son identité. Les données communiquées à cet effet constituent une bonne base pour connaitre l’identité des vrais propriétaires des entreprises.
Outre le tribunal de commerce, d’autres administrations et organismes sont compétents dans le processus de création d’une entreprise au Burkina. La direction générale des impôts intervient pour la déclaration d’existence fiscale, donnant lieu à la délivrance d’un numéro d’identification dénommé Identifiant financier unique (IFU), la direction générale du commerce pour l’établissement de la carte professionnelle de commerçant pour les personnes physiques et la Caisse nationale de sécurité sociale pour l’affiliation au système de sécurité sociale. L’accomplissement de toutes ces formalités a été favorisé par la mise en place du guichet unique de création d’entreprises en 2005 (décret N° 2005-332/PRES/PM/MCPEA/MFB/MJ/MTEJ portant création, attributions, organisation et fonctionnement des Centres de formalités des entreprises (CEFORE). Depuis cette date, l’ensemble des formalités de création d’entreprises s’effectue sur la base d’un dossier unique et en un même lieu, la Maison de l’entreprise du Burkina Faso.
Aussi, l’article 89-2 de la loi N° 08-2010/AN du 29/01/2010 exige des gérants des sociétés à responsabilité limitée de fournir au service des impôts, en même temps que la déclaration annuelle de résultats, un état indiquant les nom, prénoms et domicile des associés, le nombre de parts sociales appartenant en toute propriété ou en usufruit à chaque associé, les sommes versées à chacun des associés au cours de l’exercice précédent à titre, soit de traitements, émoluments, indemnités et autres rémunérations, soit d’intérêts, dividendes ou autres produits de leurs parts sociales.
Après avoir analysé toutes ces informations, l’OCDE dans un rapport (octobre 2016) conclut que: «Les renseignements sur la propriété des sociétés sont disponibles et régulièrement mis à jour auprès de l’administration fiscale quelle que soit la forme de la société. En effet, l’identité des actionnaires ou associés est disponible dans les services fiscaux dès la constitution de la société, à travers l’attribution de l’identifiant financier unique. Ces renseignements sont régulièrement mis à jour à l’occasion de la déclaration annuelle de résultats, notamment. L’administration fiscale burkinabè assure effectivement le respect de ces obligations déclaratives dont les manquements sont suivis de sanctions».
Il appartient donc à l’ITIE Burkina Faso de saisir ces opportunités qu’offre la législation nationale.

Elie KABORE


Une législation minière à compléter

La législation minière exige que le titulaire du titre minier fasse connaître l’identité et les qualifications de son représentant à l’administration des mines. Elle rend obligatoire la tenue à jour de registres par l’administration des mines pour l’enregistrement des titres miniers et autorisations. Ces registres concernent chaque catégorie de titres et autorisations.
L’informatisation en cours du fichier cadastral du ministère des Mines serait une aubaine pour la mise en œuvre de cette exigence. Toutefois, l’adoption d’une loi spécifique fera du Burkina un modèle dans la mise en œuvre de l’ITIE.

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