Trois études sur l’état des lieux de la nutrition au Burkina Faso ont été présentées le 6 décembre dernier à Ouagadougou par le Réseau de la société civile pour la nutrition (Resonut). Le Resonut dont l’ambition est de lutter contre la faim et la malnutrition s’est donné les armes nécessaires pour mener à bien son combat. Pour ce faire, trois domaines-clés ont fait l’objet d’une étude que le réseau a présentée à la presse et aux décideurs.
Les études se sont portées sur les engagements du Burkina Faso en matière de nutrition, les allocations et les dépenses de l’Etat pour les interventions spécifiques et sensibles à la nutrition de 2014 à 2015 et, en dernier, sur les décaissements des PTF en faveur des interventions spécifiques et sensibles à la nutrition.
Selon les organisateurs de l’atelier de restitution, il s’agit pour le Resonut d’accentuer son plaidoyer sur les messages et les cibles qui ont de l’impact. «Et pour y arrivé, il a fallu faire l’état des lieux précis. Ces études nous permettent donc de voir concrètement ce qui se passe sur le terrain afin de faire des recommandations claires», a affirmé Marc Sekpon, président du Resonut. A ce jour, la malnutrition demeure un problème de santé publique au Burkina Faso. La situation nutritionnelle est toujours préoccupante et les prévalences de différents types de malnutrition sont encore élevées. La prévalence de la malnutrition aigüe globale était de 10 ,4% en 2015, avec 2,2% de forme sévère, celle de la malnutrition chronique était de 30,2%.
Selon le rapport sur les engagements de l’Etat burkinabè sur la nutrition, il ressort comme engagement: la révision de la politique nationale de nutrition intégrant les objectifs internationaux, régionaux et l’approche multisectorielle, afin de réduire le taux de malnutrition chronique de 32,9% en 2012 à 25% d’ici 2020, de réduire le taux de malnutrition aiguë de 10,9% en 2012 à 8% d’ici 2020, d’augmenter les taux d’allaitement maternel exclusif de 38,2% en 2012 à 60% d’ici 2020, d’élaborer un plan national multisectoriel de nutrition (2016-2020) avant la fin de 2016, y compris les engagements de ressources financières et humaines pour soutenir les interventions spécifiques et sensibles à la nutrition, de finaliser un système de surveillance multisectorielle avant la fin 2015 et d’impliquer les organisations de la société civile, du secteur privé, du secteur académique et de la recherche, ainsi que les partenaires comme parties prenantes-lés de la nutrition.
Ces engagements ont déjà porté leurs fruits sur le terrain car, selon les résultats, la prévalence de la malnutrition aiguë globale est passée de 11,3% en 2009 à 10,4% en 2015 et la prévalence de la malnutrition chronique est passée de 35,1% à 30,2% de 2009 à 2015.
Qu’en est-il des allocations étatiques?
En ce qui concerne les allocations et les dépenses publiques de l’Etat, les ressources du gouvernement affectées à l’amélioration de la situation nutritionnelle des populations sont relativement faibles, selon le rapport. En moyenne, c’est 0,61% du budget, soit 8,848 milliards de F CFA, qui est affecté chaque année à la nutrition. Sur la période 2014-2015, les allocations budgétaires en faveur de la nutrition ont fortement baissé, passant de 10,779 milliards à 6,913 milliards, soit une baisse de l’ordre de 35,87 %. Les dépenses totales de nutrition ont également connu une baisse, en passant de 8,14 milliards en 2014 à 5,6 milliards en 2015. Le taux d’exécution des allocations pro-nutrition de 77,65% est appréciable au regard du taux moyen d’exécution des investissements au niveau national qui est de 77,28%.
Hausse des décaissements des PTF
La troisième étude sur le décaissement des PTF au profit de la nutrition montre une hausse d’environ 23% entre 2014 et 2015. Ces décaissements s’élèvent à plus de 56,36 milliards de F CFA en 2014 et 69,30 milliards de F CFA en 2015.
De plus, la part des PTF dans les ressources globales en faveur de la nutrition a connu une hausse de 6% sur la période 2014-2015. Elle est passée de 87% en 2014 à 93% en 2015, pendant que la contribution du gouvernement aux dépenses de nutrition a chuté de 13% en 2014 à 7% en 2015. Ces décaissements des PTF en faveur de la nutrition représentaient respectivement 3,04% et 3,98% du budget de l’Etat en 2014 et 2015. Sur la période 2014-2015, le montant du décaissement annuel global par tête est passé de 3.152,5 FCFA à 3.660,7 FCFA, soit un accroissement de 16% environ.
Selon les organisateurs de l’atelier de restitution des études, les efforts consentis par l’Etat burkinabè sont à saluer. Toutefois, l’investissement des PTF est largement au-dessus du financement de l’Etat, il compense donc le gap laissé par l’Etat. Ce qui n’est pas forcément une bonne chose, car les PTF ont des enjeux et des intérêts qui ne vont pas forcement dans le même sens que ceux l’Etat burkinabè, selon Marc Sekpon.
Germaine BIRBA
Quelques recommandations
– Un plaidoyer pour que les allocations budgétaires du gouvernement pro-nutrition soient portées à au moins 3% du budget national tel que recommandé par la Fédération des sociétés de la nutrition africaine (FANUS)
– Que les ressources du gouvernement dédiées aux interventions spécifiques soient revues à la hausse afin de ramener la prévalence de la malnutrition chronique de 30,2% à 25% en 2020 et le taux de malnutrition aigüe de 11% à 8% en 2020
-Intégration de nouveaux modules sur la nutrition dans les programmes de formation du personnel de santé, afin de pallier la difficulté de la mobilité du personnel
– Renforcer de la surveillance sur l’enrichissement des produits pour en assurer la qualité
– Mettre en place un partenariat solide avec les médias
– Renforcer le plaidoyer auprès des PTF afin qu’ils augmentent davantage leurs décaissements en faveur des interventions spécifiques
– Mener annuellement des études de revue des décaissements des PTF en faveur de la nutrition pour apprécier l’évolution des décaissements effectués.