Souleymane Ouédraogo, agroéconomiste à l’INERA, est aussi conseiller technique du ministre de l’Agriculture et des Aménagements hydrauliques, chercheur au département de Gestion des ressources naturelles-Système de production (GRN/SP), Cellule macroéconomie et économie des filières (CMEF). Il est actuellement basé au Centre de recherche environnementale, agricole et de formation (CREAF) de Kamboisé.
– L’offre de services de microfinance est peu orientée vers le milieu rural et le secteur agricole. Quels sont les principaux obstacles au développement de cette offre ?
Les principaux obstacles au développement de l’offre de crédit peuvent être expliqués par plusieurs facteurs. Tout d’abord, les services financiers sont faibles, voire inexistants, en milieu rural, comme l’atteste le taux de bancarisation de moins de 10%. Par ailleurs, la spécificité de l’agriculture et son degré de risques élevé. En effet, des risques divers sont associés à l’agriculture. Il s’agit essentiellement des risques météorologiques (le Burkina Faso est particulièrement vulnérable à la sécheresse), des risques sanitaires (qui comprennent les maladies des végétaux ou les animaux nuisibles) et des risques économiques (fluctuations de prix ou difficulté de vente de la production). En outre, les risques agricoles se caractérisent souvent par leur covariance: ils frappent souvent tous les agriculteurs d’une région spécifique au même moment. En raison de ces risques et d’autres facteurs (état du sol, capacité technique), la profitabilité des activités agricoles est variable et imprévisible. La faiblesse, voire le manque, d’organisation des filières autres que celle du coton constitue aussi un obstacle considérable, tout comme le coût élevé de l’information et des transactions dû au mauvais état des infrastructures (routes, télécommunications) et du manque de renseignements disponibles au sujet de la clientèle (absence d’identification personnelle et de registres d’actifs). Enfin, le manque de biens pouvant être offerts en sûreté, dû à la mauvaise définition des droits de propriété et d’utilisation des terres, au coût ou aux délais caractérisant les procédures administratives d’inscription aux registres et au mauvais fonctionnement du système judiciaire rend difficile l’accès des plus pauvres aux crédits.
– Aujourd’hui, la dématérialisation des services financiers par l’utilisation des mobiles comme solution au manque d’infrastructures est envisagée? Que pensez-vous d’une collaboration avec les opérateurs de téléphonie mobile ? Quid de leurs oligopoles ?
Les institutions financières qui envisagent d’exercer leurs activités en milieu rural sont confrontées à un grand nombre d’obstacles tels que la pauvreté des infrastructures et la faible alphabétisation de la population. Le paiement par mobile (ou m-paiement) est un service qui revêt une effervescence particulière à la hauteur des enjeux associés: au Burkina, en particulier, le nombre de porteurs de téléphones mobiles dépasse ceux de cartes de paiement. Ce service se décline comme un véritable marché économique mettant à la croisée des chemins les acteurs, notamment bancaires et télécoms, qui restaient plutôt « étanches» jusqu’à aujourd’hui. Les fournisseurs de services de micro-finance peuvent utiliser les TIC dans leurs opérations quotidiennes; les agricultures reçoivent en temps réel les informations sur les prix des produits agricoles, les informations sur les financements et les moyens de paiement.
La collaboration entre les fournisseurs de services financiers et les fournisseurs de téléphonie est appelée à s’amplifier.