L’Assemblée nationale du Burkina Faso a rendu publique l’enquête parlementaire qu’il a commanditée sur la gestion des titres miniers et la responsabilité sociale des entreprises minières. Cette deuxième enquête publiée dans le même mois, après celle sur le foncier, traduit éloquemment la révolutionnarisation de l’Assemblée nationale. Comme pour le foncier, cette enquête peut être critiquée, voir condamnée par des acteurs qui se sentent incriminés. Mais un fait est incritiquable. Pendant une décennie, le secteur minier a connu un véritable problème de gouvernance. Et l’enquête a bien cerné les différents compartiments.
Le gouvernement
La préoccupation majeure du gouvernement déchu était d’attirer les investisseurs miniers et d’établir des collusions compromettantes pour le pays. Ainsi, les compagnies minières étaient les seuls maîtres du terrain : non-respect des autorités locales, bafouement des droits humains, préjudices énormes à l’environnement et quelques cadeaux aux populations appelés Responsabilité sociale des entreprises.
La société civile, dans le secteur minier, a passé le temps à dénoncer l’abandon des populations à leur sort face à de puissants capitalistes qui ne connaissent que le discours de la calculatrice. Le profit et toujours le profit. Dans le même temps, des individus en profitaient également, faisant fi de l’avis des techniciens des ministères impliqués et les privant de tout travail de suivi conséquent des opérations minières. On avait l’impression que les opérateurs miniers disaient «en tous les cas, on a arrosé tout le monde, avec la présidence en tête, il nous reste à faire vite et partir». Ainsi, le pays a fait l’objet de pillage de ses ressources minières de par la complicité d’autorités se réclamant du peuple et qui étaient tapis à la présidence du Faso.
Pour s’en convaincre, il fallait savoir la pression que la société civile avait subie pour l’emmener à abandonner sa campagne de plaidoyer sur la révision du Code minier. Une autorité avait dit à la société civile : «Votre pays n’a pas d’argent. Les miniers sont venus avec leur argent et ils disent qu’ils ne veulent pas d’un nouveau Code minier.
Pourquoi vous voulez leur imposer un Code minier». Le fameux conseil présidentiel pour l’investissement d’alors avait tout fait sauf défendre les intérêts du peuple burkinabè dans le secteur minier. Le savoir-faire du gouvernement déchu était de brandir des miettes appelées recettes importantes au trésor public. Le gouvernement déchu n’a pas joué son rôle et l’enquête l’a bien relevé.
La production de l’or
Dans certains documents, vous trouverez des données portant sur la production industrielle de l’or. Ces chiffres sont dits ‘’données officielles’’. Mais en réalité ce sont les sociétés minières qui produisent des données qui sont des ‘’données officielles’’. C’est dire que les données de productions de l’or sont loin de traduire la vérité. Il faut être du circuit et être averti. Les citoyens ont alors été longtemps trompés avec ces chiffres.
La société civile avait crié fort. On lui a rétorqué : «Un registre existe où tout est enregistré. Les services des ministères en charge des Mines, de l’Economie et des Finances et des Douaniers sont toujours présents».
A croire qui peut. On peut te voler en ta présence. C’est ce qui s’est passé, et les députés l’ont dit. Et que dire de notre or qu’on amène pour «enlever les saletés». Aucun Burkinabè ne suit. Ce sont les mêmes compagnies qui reviennent nous dire le type de saleté qui était dedans, comment ils l’ont enlevé, le poids qui reste, si on vend et comment on fait le partage. Et on croit, on suit, on prend notre part, on est content et on dit au peuple qu’avec l’or là on a gagné beaucoup d’argent. La société civile ne ratait d’occasion pour dénoncer cet état de fait. Et le gouvernement d’alors trouvait cela normal. Les députés n’ont pas dit autre chose dans leur rapport.
L’environnement
Sur un site minier, la société civile posait cette question à un responsable de la compagnie. «Comment l’Etat suit les questions environnementales sur votre site ?» Voici la réponse: «Nous, on fait ce qu’on a à faire. Ce n’est pas à nous de demander à l’Etat de nous contrôler».
Il a totalement raison, mais la réponse est claire : «L’Etat ne vient pas ici. Il ne nous suit pas.» S’agissant du fonds de réhabilitation de l’environnement, la société civile avait émis ses inquiétudes et indiqué que toutes les compagnies minières n’alimentaient pas le fonds comme il se doit. Les députés sont parvenus aux mêmes résultats.
L’emploi dans les projets miniers
Lors de l’atelier de validation des avant-projets des textes d’application du nouveau Code minier, les participants ont durci le ton contre la gestion du secteur minier. Les Burkinabè, pour la première fois, ont montré leur degré de patriotisme en indiquant qu’il faut arrêter cette hémorragie dans le secteur minier et concevoir les textes qui ont des gains pour le Burkina Faso.
A cet effet, ils ont monté la barre très haut sur la question des emplois des nationaux dans les projets miniers. Les miniers ont crié au scandale et saisi leurs pays respectifs. Les députés ont eu la même lecture.
En somme, l’important de l’enquête parlementaire, ce n’est pas que telle ou telle entreprise minière ne paye pas ce qu’il faut, mais de dire que le secteur minier est mal géré et qu’il faut changer de mode de gouvernance pour plus d’impact pour le pays. Il ne servira donc à rien de critiquer le rapport de l’enquête.
Le diagnostic fait est indiscutable et il faut féliciter les honorables députés. J’ai entendu dire que le président de l’Assemblée nationale est fou. Si nous voulons gagner avec l’exploitation minière, si nous ne voulons pas d’autres soulèvements contre la mauvaise gestion du secteur minier, il nous faut ces fous-là. On a en besoin pour l’intérêt du pays.
Quant à la présidence du Faso et à la Primature, ne promettez rien aux miniers, ne faites rien dans le secteur minier, sans avoir au préalable disposé de l’avis des techniciens des ministères techniques et de la société civile. Les intérêts du pays en dépendent. On a besoin des investisseurs miniers, mais pas à n’importe quel prix.