Dossier

PPP de Tambao : Le différend porté devant le CAMC-O

 

Entre l’Etat burkinabè et son partenaire Pan African Minerals (PAM), le dialogue direct a échoué. Place maintenant aux instances juridictionnelles pour tenter de résoudre le différend qui les oppose désormais dans l’interprétation et l’exécution du contrat de Partenariat Public/Privé (PPP) de Tambao.
A travers une lettre en date du 25 octobre 2016 adressée au ministre en charge des Mines, Chris Narborough, directeur de Pan African Burkina, a officiellement informé le représentant de l’Etat burkinabè dans le PPP de la saisine du Centre d’arbitrage, de médiation et de conciliation de Ouagadougou (CAMC-O). Pour PAM, cette saisine vise à «trouver, par le bais du médiateur indépendant, une solution à l’amiable qui soit bénéfique à toutes les parties, notamment au Burkina Faso et aux Burkinabè ».
Dans les raisons qui l’ont poussé à opter pour cette procédure, PAM indique qu’elle «n’a vu jusqu’à ce jour aucune réaction positive de la part du ministère de tutelle, alors que dans ses correspondances à elle adressées, elle s’attendait à plus de soutien en vue du redémarrage de ses activités d’exploitation et d’exportation du manganèse de Tambao ». C’est donc avec regret que l’affaire a été portée devant le CAMC-O. Toutefois, la société minière réaffirme sa « volonté d’éviter une escalade judiciaire qui ne serait qu’au détriment de toutes les parties et de l’intérêt général». «Notre désir ardent est de relancer ce projet stratégique pour le Burkina Faso et la région du Sahel. Le Burkina a besoin d’un climat des affaires propice, et le projet stratégique de Tambao peut servir de fer de lance à la dynamisation des activités économiques du pays», ajoute-t-on.
La saisine du CAMC-O est une clause compromissoire prévue dans l’accord de PPP conclu en 2012. C’est aussi la suite logique des lettres de notification et de rappel de différend que PAM a respectivement adressées au ministre en charge des Mines le 9 et le 26 septembre 2009. L’article 34 du contrat de PPP indique, entre autres, qu’en l’absence de réponse 15 jours après la notification et le rappel, la procédure pour le règlement amiable sera soumise au CAMC-O.
Si le CAMC-O parvient à régler le différend, «les parties s’engagent à respecter et à exécuter l’intégralité de la décision». Mais en cas d’échec du règlement à l’amiable devant le CAMC-O, «le différend sera porté par la partie la plus diligente dans un délai de trois (3) mois à compter de la décision du CAMCO et définitivement tranché selon le règlement d’arbitrage de la Chambre de commerce International (CCI) par trois arbitres nommés conformément audit règlement.
Le lieu de l’arbitrage sera à La Haye, aux Pays-Bas ».
Il faut noter que l’arbitrage est juridictionnel. La décision qui en est issue est une «sentence», qui a valeur de décision de justice.
C’est dire donc que le règlement du dossier de Tambao a amorcé une phase judiciaire. Si les deux parties ne parviennent pas à s’entendre pour poursuivre leur partenariat, ce sera la rupture du contrat. Une rupture qui sera synonyme de paiement de dommages et intérêts par l’Etat burkinabè à PAM.
La société de l’australo-roumain Frank Timis a déjà indiqué à l’Etat que le montant du préjudice, sans compter l’impact négatif sur le plan moral, se chiffre à 4 milliards USD. C’est environ 2.200 milliards de F CFA.
Ce montant couvre des pertes directes de 150 millions USD, des coûts opérationnels de 5 millions USD, la valeur actuelle nette de l’investissement de 1 milliard USD, des pertes indirectes de 380 millions USD et d’autres pertes financières sur des investissements réalisés en Côte d’Ivoire et au Niger, dans le cadre de l’exécution du projet.
D’ores et déjà, on peut comprendre que la procédure pour s’accorder sur toutes ces prétentions s’annonce longue et difficile. Si de part et d’autre cela va occasionner une vraie débauche d’énergie, ce sera surtout pour le Burkina un énième litige sur Tambao, avec à la clé une tache noire sur le climat des affaires si le Burkina succombait.

Karim GADIAGA


Interrogations sur les raisons du retrait du permis

Si ce n’est pas une pure coïncidence, l’un est sans doute la conséquence de l’autre. Le même jour, c’est-à-dire le 25 octobre dernier, où la saisine du CAMC-O par PAM a été notifiée à l’Etat burkinabè, le rapport de l’enquête parlementaire sur les mines était rendu public. Dans ce rapport qui fait le point sur la corruption dans le secteur minier, les enquêteurs estiment que la gestion du cas Tambao dénote d’une mauvaise gouvernance. Ils ajoutent que PAM n’a pas respecté ses engagements relatifs au chemin de fer Kaya-Dori-Tambao et la route Dori-Tambao. C’est pourquoi, dans les recommandations, les parlementaires proposent le retrait du permis d’exploitation au groupe PAM à l’issue d’un audit juridique.
Le PPP de Tambao, en plus de l’exploitation du minerai, comprend le bitumage de la route Dori-Tambao et le prolongement du chemin de fer de Kaya à Tambao. Pour la route, le contrat indique que c’est l‘Etat qui réalise l’étude de faisabilité pour la remettre à PAM. Pourtant, cette étude de faisabilité n’était pas disponible. La lettre de transmission de cette étude date seulement du 24 octobre 2016, à la veille de la présentation du rapport de l’enquête sur les mines. Les documents de l’étude ont été réceptionnés le 25 octobre 2016 par PAM. Le coût total de réalisation de la route se chiffre à plus 64 milliards de F CFA. C’est pratiquement le double de ce que prévoyait PAM.
Outre le grief concernant les infrastructures, l’enquête parlementaire estime que le paiement d’une somme de 10 millions USD (environ 5 milliards de F CFA) comme bonus à la signature est assimilable à de la corruption. Pourtant, c’est l’article 8 du contrat qui fixe le paiement de 2 bonus de 10 millions USD. Le premier dès la signature du contrat et le 2e sur une période de 5 ans dès le début de l’exploitation. Le premier bonus a été payé en octobre 2012 sur un compte logé à la BCEAO intitulé « Programme spéciaux d’investissements ». Il reste à savoir ce que les autorités de l’époque en ont fait.

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