On se souviendra que le Burkina, après l’insurrection des 30 et 31 octobre 2014, a encore eu des sueurs froides les 16 et 17 septembre 2015, puis du 25 au 29 septembre de la même année, période de mobilisation des forces de défense et de sécurité pour libérer le pays. Un an après, les souvenirs sont encore vifs. Des arrestations ont eu lieu, les victimes attendent toujours vérité, justice et réparation.
A la veille de la commémoration de ce triste premier anniversaire de coup d’Etat manqué et du 2e anniversaire de l’insurrection populaire, le Commissaire du gouvernement près le Tribunal militaire, Alioun Zanré, et le Procureur du Faso, Maïza Sérémé, ont co-animé une conférence de presse le 14 septembre dernier. Objectif : faire l’état du traitement judiciaire des dossiers pendants devant leurs juridictions (coup d’Etat manqué de septembre 2015, affaire Thomas Sankara, insurrection populaire). Pour les deux hommes de droit, les dossiers judiciaires du putsch manqué ont connu une évolution significative.
Et pour preuve, à la date du 14 septembre dernier, 85 personnes avaient été inculpées (39 en détention préventive, 12 non détenues, 34 en liberté provisoire, 10 en fuite et qui font l’objet de mandats d’arrêt internationaux). A cela s’ajoutent l’audition de 29 témoins et la constitution de 275 parties civiles. Malgré ces avancées, Alioun Zanré fera remarquer que ce dossier devrait être transmis pour règlement définitif en mi-octobre 2016.
Le procès du coup d’Etat pourrait donc ne pas se tenir en 2016 comme initialement prévu par le Tribunal militaire de Ouagadougou. Et Alioun Zanré de donner les raisons de ce probable report: « Le conseil d’un inculpé s’est pourvu en cassation sur l’arrêt d’irrecevabilité prononcé par la Chambre de contrôle de l’instruction, rejetant sa demande de retrait des écoutes de leurs transactions dans les pièces de la procédure ». S’agit-il du conseil du Général Djibrill Bassolé?
Contrairement à ce dossier, l’instruction de l’attaque de la poudrière de Yimdi est terminée, de l’avis du Commissaire du gouvernement près le Tribunal militaire. Le dossier, précise-t-il, sera transmis cette semaine. Pour ce qui concerne le jugement de cette affaire, Alioun Zanré a confié que le procès pourrait débuter au plus tard en décembre 2016.
Le dossier de l’insurrection populaire a été le plat central du procureur du Faso près le Tribunal de grande instance de Ouagadougou, Maïza Sérémé. Elle s’est longuement étalée sur ce dossier qui remet en surface le nom du Général Yacouba Isaac Zida , ancien numéro 2 du Régiment de sécurité présidentielle et qui deviendra d’abord chef d’Etat puis Premier ministre de la transition et qui est actuellement au Canada depuis l’investiture de Roch Marc Christian Kaboré à la magistrature suprême en novembre 2015. Maïza Sérémé a fait remarquer que des avancées significatives ont été enregistrées dans l’instruction de ce dossier, avec la transmission du rapport général de la commission d’enquête indépendante mise sur pied au lendemain des événements.
De ses propos, on retiendra que les difficultés auxquelles les juges d’instruction faisaient face seront désormais franchies, notamment celle liée à l’identification effective des auteurs «X» poursuivis pour «assassinats et meurtres».
Maïza Sérémé a précisé qu’au cours de l’instruction, les juges ont été confrontés à des difficultés liées à la disposition et à l’occupation des différents postes et sites par les forces de maintien de l’ordre positionnées. L’identification des responsables des différentes unités et les lieux exacts où les faits ont été commis constituent également des préoccupations pour le Procureur Maïza Sérémé, du fait d’une coopération « peu efficace ou difficile » avec certaines autorités.
Quant au dossier Thomas Sankara, Hyacinthe Kafando et 13 autres personnes sur 14 sont inculpés. Selon Alioun Zanré, 7 sont en détention, 2 en fuite font l’objet de mandats d’arrêt internationaux.
Aussi 58 témoins et 13 parties civiles ont-ils été entendus. Aucune liberté provisoire n’a été accordée. Quant à la contre-expertise sur les restes de corps, à la charge de l’Etat, les résultats sont attendus dans les jours à venir, précise-t-on du côté de la justice.
Par Alexandre Le Grand ROUAMBA
Retour sur un septembre chaud
16 septembre vers 14h30 : les hommes du RSP viennent d’arrêter en plein Conseil de ministres les deux têtes des autorités de la transition, le Président Michel Kafando et le Premier ministre Yacouba Isaac Zida, ainsi que des membres du gouvernement.
17 septembre : le Général Gilbert Diendéré a repris les rênes du Burkina Faso. Nommé président du Conseil national de la démocratie (CND), qui avait pris en otage Michel Kafando et Isaac Zida la veille, l’ancien bras-droit de Blaise Compaoré fait face à l’opposition de la population, de la société civile et de la communauté internationale.
18 septembre 2015 : le CND annonce que les otages ont été libérés la veille au soir, à l’exception d’Isaac Zida qui a été assigné à résidence. Le président sénégalais, Macky Sall, son homologue du Bénin, Boni Yayi, ainsi que le président de la Commission de la CEDEAO, Kadré Désiré Ouédraogo sont dans la capitale burkinabè pour relancer le processus de transition à travers des négociations, notamment avec le Général Gilbert Diendéré.
21 septembre au soir: des unités militaires loyalistes, qui soutiennent le gouvernement de transition, encerclent le palais où sont rétranchés les putschistes.
23 septembre : le président de transition, Michel Kafando, reprend la tête du pays après un accord entre l’armée loyaliste et les putschistes. Il annonce par ailleurs le rétablissement du gouvernement de transition.Le même jour, le Général Diendéré annonce la fin du coup d’État et ajoute que « le plus gros tort avait été de faire ce putsch », lors d’une déclaration à la presse. Diendéré se déclare prêt à répondre de ses actes devant la justice et annonce le désarmement du Régiment de sécurité présidentielle, à l’origine du putsch.
23 septembre : fin de partie pour le Général Gilbert Diendéré. Il se rend aux gendarmes venus le chercher à l’ambassade du Vatican (La Nonciature apostolique) aux alentours de 15 h (TU). Il a immédiatement été transféré sous bonne garde au camp de gendarmerie à Paspanga.
25 septembre: à l’issue du premier Conseil des ministres après le coup d’État, le gouvernement de transition prend quelques mesures importantes dont la dissolution et le désarmement du Régiment de sécurité présidentielle, la création d’une commission d’enquête d’une durée maximale de 30 jours pour déterminer les acteurs du coup d’État.
29 septembre, en fin d’après-midi : des tirs à l’arme lourde ont été entendus dans les environs du palais présidentiel de Kosyam et du camp Naba Koom où est cantonné le RSP. Quelques heures plus tôt, des unités de l’armée, dont des blindés, s’étaient déployées autour du fief des derniers putschistes pour les contraindre à se rendre.