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Dossier Tambao : Des têtes vont tomber

 

Trois entreprises minières se sont succédé sur le site de Tambao pour l’exploitation du manganèse depuis 2007. Mais à ce jour, non seulement le manganèse n’est pas exploité mais, en plus, les infrastructures routières et ferroviaires prévues n’ont pas été réalisées, et le Burkina Faso doit payer des dommages-intérêts aux entreprises dont les contrats ont été rompus d’une manière unilatérale. C’est pour cette raison que la commission d’enquête parlementaire sur les mines, au cours de ses auditions, a entendu les anciens ministres sur ce dossier, en dehors de Salif Kaboré qui se trouve hors du Burkina en ce moment.
Des actions en justice ne sont pas à exclure contre toutes les autorités administratives dont les responsabilités sont engagées dans le dossier.
Qui sont-elles ?

Prospectons du côté des anciens ministres des Mines et des finances en service durant la période couverte par l’enquête parlementaire, c’est-à-dire de 2005 à nos jours.
Le 3 avril 2007, le gouvernement burkinabè a signé un protocole pour la réalisation des projets intégrés et la mise en valeur du gisement de manganèse de Tambao avec la société émiratie Wadi Al Rawda Industrial Investments. Alors que la société était sur le site, un appel d’offres restreint est lancé auprès de 4 sociétés, à l’issue duquel Général Nice ressources (GNR), une société indienne, signe en octobre 2010 un nouveau protocole. Abdoulaye Abdoulkader Cissé, ministre des mines, a signé ce protocole au nom du gouvernement burkinabè. Du côté de GNR, c’est Magipudy Ravi Shankar, directeur général Afrique, qui a paraphé le contrat.
La société minière Wadi a assigné le Burkina devant les tribunaux internationaux pour non-respect des accords signés entre les deux parties. Le gouvernement a alors entamé des négociations qui ont conduit Wadi à se désister. Un accord a été trouvé et le Burkina s’est engagé à verser des dommages-intérêts à la société. Cependant, GNR fera long feu sur le site de Tambao.
A la surprise générale, le Conseil des ministres du 14 décembre 2011 adopte un rapport relatif à la sélection d’un investisseur pour la mise en valeur du gisement de manganèse de Tambao. Le 11 janvier 2012, le ministère des Mines lance un avis d’appel d’offres restreint et, au bout du compte, Pan African Burkina est retenu.
Le samedi 11 août 2012, le gouvernement burkinabè représenté par Salif Kaboré, ministre des Mines, et Pan African Burkina signent une troisième convention pour l’exploitation du manganèse de Tambao, alors que GNR a usé de recours auprès de l’Autorité de régulation des marchés publics, en vain. La conciliation auprès du Centre de l’arbitrage, de médiation et de conciliation de Ouagadougou (CAMCO) n’a pas non plus abouti. Elle a, à son tour, assigné le Burkina devant la Chambre de commerce international de Paris (CCI) pour rupture unilatérale de contrat. La société réclame plusieurs dizaines de milliards de FCFA de dommages-intérêts.
Le 14 mai 2014, à Ouagadougou, Frank Timis de Pan African Tambao reçoit des mains de Salif Kaboré le permis d’exploitation du manganèse de Tambao au cours d’une cérémonie officielle. Ce jour-là, Salif Kaboré a déclaré que : « L’Etat souverain du Burkina a décidé de donner le permis à Pan African Tambao et que si ce sont eux qui sont condamnés, ils vont payer».
Pan African Tambao qui a succédé à GNR connaitra naturellement des difficultés. Le ministre des Mines du gouvernement de la transition, Boubacar Ba, a aussi apporté sa touche au dossier. Il a ordonné la suspension de l’exportation du minerai le 15 janvier 2015 et la suspension du contrat de la société le 22 juin 2015. C’est pratiquement à la veille de la fin de la transition, c’est-à-dire le 18 décembre 2015, que le ministre Boubacar Ba lèvera les suspensions des activités de la société. Il n’est donc pas exclu que Pan African Tambao assigne à son tour le Burkina pour exiger des dommages-intérêts.
Outre l’extration du manganèse les 3 protocoles signés et résiliés par les ministres successifs consistaient à la construction de la route Dori-Tambao, la construction du chemin de fer Ouaga-Tambao et à la réalisation d’un barrage hydro-électrique. A ce jour, rien de tout cela n’est fait.
Le pays peut-il continuer dans cette lancée ? Signer des contrats et les résilier sans aucune raison apparente (en tout cas, pas rendue publique) pour après dépenser dans le paiement des dommages-intérêts à ces sociétés chassées du site ? Cette instabilité juridique n’est pas de nature à attirer les investisseurs dans un pays. Tambao, qui faisait rêver le Burkina Faso du chemin de fer, de la route, se transforme ainsi en un casse-tête.

Elie KABORE


La touche de l’ancien ministre des finances

L’accord signé entre le gouvernement et Pan African Tambao prévoit le versement d’un bonus de signature de 10 milliards de FCFA. Le premier versement du bonus a eu lieu le 11 septembre 2012. Cependant, il n’a pas été constaté dans le budget national de l’année.
Ce n’est que le 20 février 2013 que le directeur général du budget adressait une lettre au directeur national de la BCEAO, sollicitant le virement de la somme de 5,087 milliards de FCFA du compte «programmes spéciaux d’investissements» au compte «recette générale», représentant le bonus de signature de Pan African Minerals Burkina Sarl.
Cette recette qui n’avait pas été prise en compte dans le budget 2012 et dans la loi de finances initiale 2013 l’a été dans la première loi de finances rectificative adoptée en mai 2013. Cette manière de faire est contraire au principe des finances publiques qui impose l’obligation d’annualité et d’unité du budget, c’est-à-dire de regrouper dans un même document l’ensemble des dépenses et des recettes, quelle que soit leur nature, pour l’année entière.

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