Bongnessan Arsène Yé, Baba Hama, Jean Bertin Ouédraogo, Toussaint Abel Coulibaly, Mamounata Belem, Jean Koulidiati, Alain Edouard Traoré… Rarement, pour ne pas dire jamais, on avait vu une telle concentration de ministres du dernier gouvernement de Blaise Compaoré depuis l’insurrection des 30 et 31 octobre 2014.
Mais l’exécution de la commission rogatoire de la Haute Cour de justice chargée de poursuivre ces anciens dignitaires du pays a permis de réunir sur un même plateau, au camp de gendarmerie de Paspanga, à Ouagadougou, plus d’une dizaine de ministres déchus. Ils sont poursuivis dans le cadre des enquêtes destinées à situer les responsabilités des uns et des autres dans la survenance de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, avec son corollaire de victimes (mortes et blessées).
Ce mardi 6 septembre 2016 donc, peu avant 8 heures, 11 anciens ministres ont déféré à la convocation des pandores au camp de Paspanga. Et les voir réunis ainsi, cela constituait une sorte de retrouvaille pour ces ex-dignitaires du pays. Sauf que, là, le motif de leur réunion à cet endroit était grave.
En effet, ces convocations sont consécutives à la procédure de poursuites intentées par les députés du Conseil national de la transition (CNT) contre l’ensemble des membres du dernier gouvernement de Blaise Compaoré. Cette procédure, on se rappelle, avait été enclenchée suite à un vote des parlementaires le 16 juillet 2015 qui mettait ainsi en accusation devant la Haute Cour de justice tous les membres du gouvernement qui ont pris part au Conseil extraordinaire des ministres du 21 octobre 2014 au cours duquel l’exécutif avait examiné et adopté le projet de loi portant modification de la Constitution.
Transmis en urgence à l’Assemblé nationale pour vote, ce projet portant modification de la loi fondamentale du Burkina avait abouti à l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 avec l’incendie du Parlement et la démission du président du Faso, Blaise Compaoré. Cette insurrection avait causé la mort d’une trentaine de manifestants, fait de très nombreux blessés et avait aussi provoqué d’incalculables dégâts matériels.
Estimant que le gouvernement est responsable de ces crimes, les députés de la transition ont donc décidé de poursuivre toutes les personnes présentes lors de ce fameux Conseil extraordinaire des ministres du 21 octobre 2014, avec les motifs de poursuites suivants : «Coups et blessures volontaires, complicité de coups et blessures, assassinats et complicité d’assassinats».
Alors qu’on croyait que la machine judiciaire s’était arrêtée, les convocations que les anciens dignitaires ont reçues sont venues démentir cette version, puisque tous les ex-ministres actuellement sur le territoire national ont reçu le bristol des pandores pour «affaires les concernant».
Le 6 septembre dernier, le camp Paspanga a aussi reçu la visite du président par intérim du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), Achille Tapsoba. Ce dernier a soutenu n’être pas personnellement concerné par ces convocations, mais qu’il était là pour «traduire sa solidarité et celle du parti à l’endroit des camarades convoqués». Pour lui, comme il s’agit d’une commission rogatoire, ses camarades seront «simplement entendus».
Achille Tapsoba a émis le vœu que cette procédure contre ses camarades soit «équitable et juste, afin que chacun puisse s’expliquer de la manière la plus sereine possible».
Après plus de 9 heures d’auditions, tous les ministres qui ont déféré à la convocation au camp Paspanga ont regagné leurs domiciles peu avant 18 heures.
Peu diserts pour la plupart, seul l’ancien ministre du Développement, de l’Economie numérique et des Postes, Jean Koulidiati, s’est exprimé au micro des journalistes : «Nous avons été bien reçus, nous avons répondu aux questions et on nous a dit que nous pouvons rentrer chez nous.
Les questions portaient sur l’insurrection populaire et le dernier Conseil des ministres, mais on est allé au-délà, puisqu’on a ratissé large. Nous sommes venus sans nos avocats, car ce n’était pas une obligation. Mais nous sommes sereins pour la suite».
Il faut souligner que d’autres ministres ont également été entendus dans une autre gendarmerie et que les auditions se sont poursuivies le mercredi 7 septembre.
Le plus grand absent de ces auditions est sans conteste l’ex-Premier ministre, Luc Adolphe Tiao, qui est accusé d’avoir signé une réquisition des forces armées. Il a quitté le pays depuis, tout comme Assimi Kouanda, ex-ministre délégué auprès de la présidence du Faso et par ailleurs président du CDP.
Samba Traore
Les anciens ministres présents au camp de Paspanga le 6 septembre 2016
Arsène Bongnessan Yé, ministre d’Etat, ministre chargé des relations avec les Institutions et des Réformes politiques.
Mahama Zougrana, ministre de l’Agriculture et de la Sécurité alimentaire.
Alain Edouard Traoré, ministre de la Communication, Porte-parole du gouvernement.
Baba Hama, ministre de la Culture et du Tourisme.
Jean Bertin Ouédraogo, ministre des Infrastructures, du Désenclavement et des Transports.
Basga Emile Diala, ministre de la Jeunesse, de la Formation professionnelle et de l’Emploi.
Mamounata Belem, ministre de l’Eau, des Aménagements hydrauliques et de l’Assainissement.
Jean Koulidiati, ministre du Développement de l’économie numérique et des Postes.
Toussain Abel Coulibaly, ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation.
Amadou Diemdioda Dicko, ministre de l’Education nationale et de l’Alphabétisation.
Gnissa Isaïe Konaté, ministre de la Recherche scientifique et de l’Innovation.