Un climat d’incertitudes règne sur le processus électoral à la Chambre de commerce et d’industrie (CCI-BF). Plus d’une année et demie à finaliser les réformes et à préparer les élections prévues pour mettre fin au mandat de la délégation spéciale instaurée après la dissolution de l’Assemblée et du Bureau consulaire en fin décembre 2014, mais l’unanimité peine encore à se faire autour des nouvelles dispositions.
Dans le milieu des affaires, certains acteurs refusent encore d’accorder leur confiance à la nouvelle configuration des textes. Ils estiment ne pas ressentir le changement espéré.
Des déclarations, avec prises de position favorable ou défavorable au processus électoral se succèdent depuis son lancement le 1er août dernier par le ministère en charge du Commerce et de l’Industrie.
Parmi les frondeurs, on dénombre des OSC et des mouvements spontanés d’opérateurs économiques au sein desquels on retrouve, de façon dispersée, des anciens membres de la « Coalition pour une CCI-BF assainie », à l’origine de la lutte ayant abouti à la dissolution des organes électifs en décembre 2014. Côté position favorable, on retrouve également une coalition d’opérateurs économiques diversifiés, mais aussi des organisations de « petits commerçants» comme l’ONACOM-B.
A noter également que le très important Syndicat des commerçants importateurs et exportateurs (SCIMPEX), qui regroupe les grands entrepreneurs est aussi favorable au processus en cours.
C’est donc un processus électoral quasiment dans une zone de turbulence et il y a lieu de se demander si l’élection des membres de l’Assemblée consulaire, prévue pour le 13 novembre, pourra se tenir à cette échéance.
Déjà, le calendrier électoral a subi une modification avec l’étirement du délai d’enrôlement des électeurs jusqu’au 30 août dernier, alors qu’il était initialement prévu pour se tenir entre le 10 et le 24 août.
Le risque d’un nouveau report de la date des élections existe, alors que c’est après plusieurs reports, ayant largement prolongé le mandat transitoire de la délégation spéciale, que le processus électoral a pu être finalement lancé le 1er août.
Le mandat de la délégation spéciale était initialement prévu sur 6 mois et devait normalement s’achever autour de juillet 2015 avec l’organisation des élections.
Ceux qui refusent que les élections se tiennent dans les conditions actuelles revendiquent préalablement « un audit sur la gestion antérieure de la CCI-BF qui permettrait d’exclure éventuellement les anciens membres du bureau consulaire aux prochaines élections».
Les protestataires dénoncent également « une mauvaise répartition des sièges au sein de l’Assemblée consulaire qui serait de seulement 30% pour la région du Centre (Ouagadougou) contre 70 % pour le reste du pays».
Ils exigent par ailleurs « une commission électorale indépendante de laquelle le directeur général de la CCI-BF serait exclu» et « la prolongation du délai d’enrôlement des électeurs jusqu’au 15 septembre ».
Que veulent véritablement les protestataires ?
Les préoccupations qu’ils soulèvent sont-elles véritablement de nature à empêcher le choix des meilleurs représentants et la mise en place d’une institution dynamique au profit du secteur privé ? On peut aujourd’hui s’interroger sur ce ton, au regard du paquet global de réformes qui ont été réalisées à ce jour, et surtout en se référant aux objectifs de départ.
Pour rappel, les grands objectifs de départ étaient non seulement d’obtenir au sein de l’institution une représentation effective de l’ensemble des secteurs économiques du pays ainsi que des 13 régions et 45 provinces.
Par ailleurs, il fallait revoir les statuts et les autres textes de l’institution, de manière à assurer son fonctionnement dynamique, transparente et efficace au profit du monde économique tout en écartant les profits indus et la corruption. Pour ce faire, un bilan de la gestion antérieure a été demandé et il fallait également garantir le choix des futurs représentants par des élections transparentes plutôt que par la cooptation ou le consensus mou pratiqués de par le passé.
Où en est-on aujourd’hui ?
Au terme du mandat du président feu Oumarou Kanazoé parachevé par Alizèta Ouédraogo en 2013, l’Assemblée consulaire ne comptait que 85 membres avec seulement 11 provinces représentées et surtout beaucoup de secteurs d’activités économiques ignorés.
Le Bureau consulaire n’en comptait que 13 membres à l’époque. Avec les premières réformes opérées en 2013, l’Assemblée consulaire a été élargie à 123 membres et les 45 provinces et 13 régions prises en compte. Le Bureau ramené à 22 membres. Ainsi le principe d’offrir au minimum un siège par province de telle sorte à donner à l’institution son caractère national a été acquis.
Les récentes réformes effectuées après l’insurrection populaire ont davantage renforcé cette vision.
C’est ainsi que l’Assemblée consulaire a encore été élargie à 151 membres pour intégrer des secteurs économiques qualifiés « d’émergents » : pharmaciens, avocats, informatique, télécoms et autres. «Même s’il est clair que la région du Centre concentre aujourd’hui le plus grand nombre d’opérateurs économiques, la répartition des sièges s’est d’abord appuyée sur la volonté d’obtenir une prise en compte effective de l’ensemble des provinces et régions du pays pour assurer le caractère national de la CCI-BF », ont expliqué les autorités de tutelle en guise de réponse à la critique concernant la prétendue « mauvaise répartition des sièges ».
A propos du délai d’enrôlement, déjà prorogé d’une semaine, les autorités avaient également expliqué, lors du lancement du processus le 1er août dernier, que le calendrier électoral avait pris en compte les évènements tels que le Hadj, mais aussi la tenue des fora économiques au plan national et international dans la période concernée.
Pour ce qui concerne les candidats aux différents postes de responsabilités, notamment le président de l’institution, les nouveaux statuts ont aussi plafonné l’âge du président à 70 ans. C’est une condition plus sévère que dans le cas du candidat à la présidence Faso qui peut avoir 75 ans.
Le mandat du président de la CCI-BF est aussi limité à 5 ans, renouvelable une seule fois. Toutes ces restrictions constituent des grandes réformes par rapport à la situation antérieure où il n’y avait aucune restriction pour les candidats. Oumarou Kanazoé a été président à vie. Avec les nouvelles dispositions, tout candidat au poste de président devrait présenter son programme de mandature et devrait battre campagne pour se faire élire et non être copté. L’élection se fera à bulletin secret. Par ailleurs, le cumul de mandat n’est plus autorisé. Quant au DG de la CCI-BF, il est désormais recruté à la suite d’un appel à candidatures.
Aujourd’hui, il apparait clairement que les conditions sont réunies pour que les membres de l’Assemblée et du Bureau consulaires soient effectivement l’émanation de la volonté de la communauté des hommes d’affaires. A travers leurs choix dans les urnes, ils porteront les candidats qui sont à même de satisfaire leurs préoccupations, y compris cet audit qui est réclamé.
C’est donc dans les urnes que tout devrait se jouer et que le changement attendu devrait être parachevé. A moins que la préoccupation véritable ne soit pas la dynamisation de l’institution mais tout simplement le remplacement de têtes par d’autres, pour reprendre les anciennes habitudes. Ce qui serait dommage.
Karim GADIAGA
Un milieu marqué par sa singularité
Si en politique l’esprit de l’insurrection a voulu l’avènement d’ autorités irréprochables, il y a lieu de garder raison pour ce qui concerne les organisations représentatives du milieu des affaires.
Autant tout citoyen peut prétendre au poste de président du Faso, suivant les conditions établies, il apparait que toute personne ne peut prétendre représenter le milieu des affaires.
Il faut d’abord appartenir à cette communauté. Ensuite, il faut avoir la carrure, l’assise, l’expérience ou le profil qui permettent d’occuper la présidence et de remplir la fonction conformément aux missions qui sont dévolues au président. C’est-à-dire la triple mission représentative, consultative et administrative qui s’attache à l’institution consulaire.
Au regard de cette indication, il apparait indéniablement que n’importe quel opérateur économique ne serait pas un président adéquat.
Même s’il y a eu insurrection, la communauté des opérateurs économiques n’a pas changé. Il n’y a pas eu une nouvelle génération d’hommes d’affaires. Les personnes ayant les caractéristiques nécessaires pour représenter le secteur privé restent les mêmes.
A vouloir trop exclure, on risque de faire une CCI-BF anachronique et manquant surtout de considération auprès de la majorité des hommes d’affaires. De toutes les façons, les prétendants devraient pouvoir défendre publiquement et contradictoirement leur vision et ambition pour la Chambre de commerce, l’Assemblée consulaire décidera.