Du 27 au 29 juillet, le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire se retrouvent à Yamoussoukro, en terre ivoirienne, dans le cadre du Traité d’amitié et de coopération (TAC) entre les deux Etats. Il s’agit de la Conférence au sommet des chefs d’Etat, c’est-à-dire la rencontre au plus haut niveau qui existe dans ce référentiel privilégié de collaboration entre les deux pays. Des voisins dont on dit qu’ils sont naturellement et historiquement conçus pour vivre en tandem en entretenant une entente intelligente et cordiale.
Depuis l’instauration du TAC en juillet 2008 sous l’égide des présidents ivoirien Laurent Gbagbo et burkinabè Blaise Compaoré, la présente rencontre constitue la 5e Conférence au sommet. Elle a lieu dans un contexte particulier qui lui confère également une importance toute particulière. Déjà, du côté burkinabè, c’est la toute première rencontre à laquelle participe le nouveau régime de Roch Kaboré, élu président du Faso à l’issue du scrutin du 29 novembre 2015.
Mais au-delà de ce détail sur le visage et la configuration de la délégation burkinabè, c’est surtout le contexte diplomatique qui a régné entre les deux pays depuis l’insurrection populaire de fin octobre 2014 au Burkina qui constitue la véritable spécificité autour de ce rendez-vous.
D’abord l’insurrection populaire a mis fin au pouvoir de Blaise Compaoré, avec qui Alassane Ouattara entretient une amitié presque condescendante. Ce qui fait logiquement penser que le pouvoir d’Abidjan a pu être mécontent de sa chute. Par la suite, l’exil ivoirien de Blaise Compaoré qui a finalement obtenu la nationalité de ce pays n’a pas plu aux autorités de la transition. Depuis lors, la brouille n’a fait que s’installer entre les deux voisins.
Des épisodes comme l’adoption de la loi d’inéligibilité aux dernières élections au Burkina, le putsch avorté de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP), l’affaire des écoutes téléphoniques entre des personnalités ivoiriennes et burkinabè, les mandats d’arrêt émis contre Guillaume Soro, le président de l’Assemblée nationale ivoirienne, et Blaise Compaoré se sont successivement présentés comme des couches supplémentaires sur le mur de la méfiance entre les deux pays.
La tenue de la présente conférence du TAC est le signe évident que les deux pays ont décidé de renouer le fil de l’amitié et de reprendre ainsi leur coopération réciproquement fructueuse. Cette volonté a été annoncée dès la prise de fonction par Roch Kaboré. Le président du Faso avait tout de suite laissé entendre que les questions sensibles, notamment les dossiers judiciaires, vont être traitées par la voie diplomatique.
Côté ivoirien, la même intention de ressouder les liens a été également affichée dès l’arrivée de Kaboré au pouvoir. A l’investiture du nouveau président burkinabè, la délégation ivoirienne conduite par Alassane Ouattara était forte d’une vingtaine de ministres du gouvernement de Côte d’Ivoire, parmi lesquels les plus proches du président.
Au chapitre des symboles, Alassane Ouattara et sa suite avaient profité de cette présence pour rendre une visite de courtoisie au Moro Naaba Baongo, chef des Mossis et très respecté par tous les Burkinabè. La décrispation a continué à faire son chemin jusqu’à l’annulation du mandat d’arrêt contre Guillaume Soro ainsi que le remplacement des personnes qui étaient en charge du dossier au niveau de la justice militaire. Récemment, Alpha Barry, le chef de la diplomatie burkinabè, a laissé clairement entendre que son gouvernement se réjouissait de cette levée du mandat d’arrêt à l’encontre du chef du parlement ivoirien.
Dans la foulée de l’annulation des poursuites contre Soro, Salifou Diallo, le président de l’Assemblée nationale du Burkina, a conduit une délégation auprès de Ouattara. Il lui avait clairement demandé «de soutenir pour la relance de l’économie du Burkina»
Au titre des gestes de bonne intention et de décrispation, il faut aussi inscrire les libertés provisoires accordées aux personnalités de l’ancien régime qui sont poursuivies par la justice burkinabè. Très récemment, c’est-à-dire à la veille de ce rendez-vous du TAC, c’est Léonce Koné, président du directoire du CDP après l’insurrection, qui a été libéré. Sur le plan diplomatique, Abidjan et Ouagadougou ont procédé à la désignation de leurs ambassadeurs respectifs. Des postes restés vacants pendant plus d’une année.
On peut dire désormais que le décor de l’amitié et de la coopération est reconstitué. L’autre paire de manche sera le contenu réel qui lui sera attribué. Nul doute qu’à cette étape d’autres éléments de négociations et même de pression seront encore mis dans la balance. Il restera maintenant à savoir qui est le véritable gagnant à ce change.
Karim GADIAGA
28 points de coopération à revisiter et à étendre
Signé en juillet 2008, en pleine crise ivoirienne (2000 à 2010), le TAC est le fruit de la prise de conscience par les deux Etats de la communauté de leurs destins et de la nécessité d’avoir des rapports privilégiés. Une sorte de mariage de raison a été scellé par les anciens présidents Gbabgo et Compaoré, qui entretenaient alors la méfiance et des suspicions réciproques. Ce traité, qui a bien fonctionné jusqu’à l’avènement de l’insurrection populaire au Burkina, a été à l’origine de retrouvailles régulières entre les deux pays.
Par ailleurs, des rencontres d’experts, des rencontres ministérielles et des Conseils des ministres conjoints chaque année avec la participation des deux chefs d’Etat sont organisés. Ces rendez-vous ont permis de mettre en place et de consolider des projets mutuellement bénéfiques. La dernière conférence au sommet, qui a eu lieu à Ouagadougou en fin juillet 2014, a permis d’inscrire 28 points de coopération multisectorielle. Au-delà du couple ivoiro-burkinabè, les projets structurants du TAC constituent un tremplin pour l’essor économique et la stabilité de toute la sous-région ouest-africaine.