Tribune

Réaliser le potentiel de la présidence de la Chine au G20 – Par José Antonio Ocampo

NEW YORK – Dans le cadre des préparatifs du sommet du G20 en septembre prochain à Hangzhou en Chine, de nombreux débats ont porté sur le resserrement de la coopération macroéconomique internationale et la réforme du système monétaire international. Même s’il est vrai que ce n’est pas la première fois que ces sujets apparaissent — ainsi, en 2011, la France a mis en avant une réforme monétaire, qui a été mise de côté par la crise de la zone euro — le moment est peut-être plus propice à des progrès réels.
L’économie mondiale contemporaine est jonchée d’incertitudes. Des données contraires à la réalité ont soulevé récemment des questionnements sur la vigueur de l’économie des États-Unis. Pour ce qui est du Japon, les statistiques sont encore plus incohérentes. L’Union européenne se retrouve devant une relance encore modeste, mais aussi devant l’éventualité de perdre le Royaume-Uni comme membre.
Au même moment, les économies émergentes connaissent un ralentissement prononcé. La situation de la Chine, en particulier, présente des risques importants, beaucoup d’analystes appréhendant un ralentissement plus marqué que prévu initialement. Ces appréhensions ont poussé de nombreux joueurs à sortir leurs fonds du pays, exerçant une forte pression à la baisse sur le renminbi.
Ceci fait ressortir une autre source d’incertitude dans l’état actuel des choses: les taux de change. De la baisse de l’euro de 2014 à 2015 à celle du dollar américain après que la Réserve fédérale a signalé son intention de reporter la hausse de son taux directeur en raison de la chute récente de la livre britannique, entraînées par l’incertitude entourant le récent référendum sur l’appartenance à l’Union européenne, les devises courantes ont fluctué dans toutes les directions ces dernières années. Certains ont même insinué que ces fluctuations étaient le fait de dévaluations compétitives.
À une époque où les réorientations de politiques d’un pays se propagent dans toute l’économie mondiale, une coopération plus étroite pourrait jouer un rôle décisif pour favoriser la stabilité générale. Et, en fait, jusqu’à un certain point, les instances mondiales ont déjà reconnu qu’elle était impérative.
Depuis la crise financière mondiale en 2008, beaucoup d’initiatives de promotion de la coopération macroéconomique ont été mises en branle. Par exemple, le G20 a lancé le processus d’évaluation mutuelle, où les pays membres sont évalués sur la base d’indices convenus au préalable. Le Fonds monétaire international a également renforcé son suivi des politiques macroéconomiques par la mise en œuvre d’un nouvel ensemble de contrôles multilatéraux des grandes économies. Selon certains, ces réformes constituent le système le plus élaboré de coopération macroéconomique multilatérale de l’histoire. Et pourtant, le G20 éprouve encore de grandes difficultés pour atteindre son objectif, défini en 2009, «d’agir de concert pour générer une croissance mondiale élevée, durable et équilibrée». Des obstacles les plus notoires, on distingue l’incapacité de forcer certaines économies en surplus de mener des politiques de stimulation de la croissance, qui compenseraient les effets négatifs des réformes sur les économies des pays déficitaires.
Cet échec est peut-être plus prononcé dans la zone euro, où l’Allemagne et les Pays-Bas n’ont pas su réduire leurs surplus, même pendant que les économies déficitaires ont dû prendre des mesures drastiques. En conséquence, la zone euro est passée d’un état général de déficit en 2008 à une des grandes régions en surplus budgétaire — un impact qui a soustrait environ 1 % de la demande mondiale.
L’encadrement du G20 par la Chine pourrait être l’impulsion dont le groupe a besoin pour amorcer ce changement. Zou Xiaochuan, le gouverneur de la Banque populaire de Chine, fut l’un des premiers à remettre en question le rôle du dollar, il y a environ sept ans, et la Chine n’a jamais cessé d’œuvrer à internationaliser le renminbi. L’initiative a franchi un jalon majeur en 2015, lorsque le conseil du FMI a consenti à ajouter le renminbi au panier de devises déterminant la valeur des DTS.
Outre la promotion d’un plus grand recours aux DTS dans les programmes du FMI, les États pourraient émettre des titres obligataires exprimés en numéraire DTS. Qui plus est, les banques privées pourraient recourir encore plus à cette unité monétaire, comme certaines banques européennes l’ont fait grâce à l’unité de compte européenne, contribuant à ouvrir la voie à l’euro.
Le sommet du G20 de la Chine représente une chance unique d’améliorer la coopération macroéconomique et de lancer des réformes majeures du système monétaire mondial. Au nom de la croissance équilibrée dans les pays développés comme dans les économies, tout doit être fait pour ne pas gaspiller cette occasion.

Traduit de l’anglais
par Pierre Castegnier
Copyright: Project Syndicate, 2016.
www.project-syndicate.org


Recourir aux Droits de tirage spéciaux (DTS)

Il apparaît donc évident qu’il faut rendre la coopération macroéconomique plus efficace. Or, comme la volatilité récente des taux de change l’indique, même optimisée, la coopération ne suffira pas à stabiliser l’économie mondiale. Il faudra aussi effectuer des réformes du système monétaire.
Ces réformes doivent comporter une réévaluation du rôle prépondérant du dollar américain dans la structure du système monétaire international. Dans un monde de plus en plus multipolaire, il serait sans doute plus approprié d’établir un système à devises multiples et de recourir davantage au seul numéraire mondial qui n’a été jamais été créé, à savoir les Droits de tirage spéciaux (DTS) du système des réserves mondiales du FMI.
Faire des DTS la principale monnaie de réserve mondiale pourrait procurer de vastes avantages. Ceci permettrait à tous les pays — et non seulement aux grandes puissances économiques — de jouir du «seigneuriage», ou des rentes générées par l’émission de monnaie.
De plus, comme le soutient depuis longtemps l’économiste du FMI Jacques Polak, le FMI pourrait financer ses programmes par la création de DTS, passant outre les négociations contraignantes exigées pour octroyer des crédits ou pour relever les quotas de membres. Et ces DTS pourraient venir en appui au développement; ils pourraient, par exemple, être attribués en plus grande mesure aux pays en développement, qui ont une plus grande demande en réserves de devises étrangères.

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