Bientôt la fin du Ramadan pour les musulmans qui, un mois durant, se sont privés de nourriture. Avant la grande prière qui marquera la fin du jeûne, les fidèles devront s’acquitter de la Zakat (aumône). Un acte de partage et de solidarité sur lequel revient l’imam Tiégo Tiemtoré des mosquées de l’Association des élèves et étudiants musulmans du Burkina Faso (AEEMB) et du Cercle d’études, de recherches et de formation islamique (CERFI). Dans cette interview accordée à L’Economiste du Faso, l’imam revient sur le sens profond de l’aumône musulmane.
– L’Economiste du Faso: le mois de Ramadan est défini comme un mois de partage. Que doit-on partager durant cette période?
Imam Tiégo Tiemtoré: C’est un mois de proximité divine, en ce sens qu’il va inciter le musulman à accomplir beaucoup de bonnes actions qu’auparavant.
Parmi ses enseignements spirituels, il y a la dimension du partage. Mais comment partager et être solidaire, si on n’expérimente pas la privation? La faim et la soif deviennent en ce moment des viatiques que Dieu utilise pour éduquer le musulman et aiguiser son sens de la solidarité.
Celui qui a vécu la faim et la soif, comprend la privation vécue par des hommes et des femmes autour de lui et devient apte à développer des gestes de compassion.
C’est le cœur qui donne toujours, avant que les mains n’accompagnent le mouvement.
On part d’un jeûne du corps vers celui du cœur: le corps va subir la privation afin d’illuminer le cœur, siège de l’organisme.
Ainsi, les privations devraient s’accompagner d’un surcroît d’engagement pour le bien et la solidarité sociale. Ne pas boire ni manger n’ont aucun sens si ces actes ne permettent pas de se rapprocher de Dieu et de ses créatures. Par ses leçons de solidarité et d’amour du prochain, le ramadan enseigne le vivre-ensemble, le partage et la solidarité.
En donnant pendant un mois des leçons de solidarité, d’amour du prochain et d’éducation des sens, le mois de ramadan se présente comme une école de la vie. La véritable finalité du jeûne est d’éduquer tous les sens pour qu’ils fassent plus de bien que de mal. Partager pour Dieu votre richesse, votre nourriture, vos vêtements, c’est avant tout un acte de gratitude pour tout ce qu’il vous a offert. Tout disparait sauf ce qui a été fait pour Dieu. Et c’est cela que l’on retrouvera au jour dernier, selon le Coran et la tradition musulmane.
– C’est également dans ce mois que l’on s’acquitte de la Zakat. Qu’est-ce que c’est exactement ?
On distingue deux types de Zakat, la «Zakât El-Maal» et la «Zakat al Fitr». Le premier type (évoqué dans plus de 80 versets coraniques) est considéré comme le troisième pilier de l’Islam. C’est un impôt légal purificateur appliqué sur les possessions et le patrimoine du musulman.
Il purifie les possessions du musulman en lui rappelant que la richesse ne lui appartient pas et qu’elle lui est accordée par Allah, richesse sur laquelle le pauvre possède un droit.
Elle tend aussi à purifier l’âme humaine en l’éloignant autant que possible de l’avarice et de la cupidité.
La Zakat est comparée au sang humain. S’il circule normalement dans le corps, cela maintient l’individu en bonne santé. Par contre, quand il est bloqué dans une seule partie du corps, cela va créer un dysfonctionnement dans l’organisme.
Ainsi, quand les richesses circulent dans le tissu socio-économique, on évite certains maux.
Vous observez, par contre, que quand une partie vit dans un luxe insolent et l’autre dans une misère insultante, on fait le lit de crises sociales, inévitablement.
La Zakat crée la richesse, promeut l’emploi et réduit les inégalités sociales. C’est un véritable instrument de lutte contre la pauvreté, quand il est bien compris dans ses finalités.
La Zakât est destinée, en priorité, à huit catégories de personnes: le pauvre, l’indigent, les collecteurs, celui dont le cœur s’incline vers l’Islam, l’esclave (ou le prisonnier) musulman à affranchir, la personne endettée pour une cause juste, celui qui lutte pour des causes humaines nobles, le voyageur à court de provisions.
Les biens soumis à la Zakat sont les avoirs/biens (espèces, métaux précieux, dépôts ou titres), les récoltes, le fonds de commerce (tout bien destiné à la vente), les bestiaux.
Le deuxième type de Zakat est lié au mois de Ramadan et est appelé «aumône de la rupture du jeûne».
Destinée aux plus démunis, elle a une double fonction, celle de purifier le jeûneur de ses péchés commis pendant le mois de ramadan et de permettre à des catégories de personnes de ne pas mendier pour la fête.
– Quelles sont les différentes quantités ou mesures prévues dans le cadre de la Zakat, en fonction des niveaux de richesses ou des âges?
Cette Zakât doit être versée par le chef de ménage pour lui et pour ceux qui sont à sa charge obligatoire. Le Prophète Mohamed (PSL) a ordonné que cette aumône soit versée un à deux jours avant la prière et son délai court jusqu’au matin de la fête, avant de se rendre à la prière.
Elle consiste à donner entre 2 et 3 kg/personne, de la nourriture la plus généralement en usage dans la région ou l’on réside, comme le maïs et le riz, par exemple sous nos latitudes.
Il n’y a pas d’interdiction à donner plus aux pauvres si l’on a les moyens.
Certains savants tels que l’imâm Abou Hanifa, Soufyân Ath-thawrî, ainsi que le cinquième Calife Omar Ibn Abdelaziz ont donné la possibilité de donner la Zakât al-Fitr en valeur monétaire.
– Avec les années, les fidèles sont-ils aussi prompts à faire des offrandes ?
Généralement, les fidèles n’opposent pas une résistance à donner la Zakat el-Fitr, car les imams et prédicateurs ont assez sensibilisé sur son importance. La Zakat el-Fitr est intimement liée à l’acceptation du jeune du mois de Ramadan, donc, sauf cas de contrainte majeure, tous ceux qui doivent s’en acquitter le font. Le défi reste une meilleure organisation pour plus d’impact.
Quant au premier type de Zakat, le chantier reste largement ouvert, car il n’est pas trop bien compris.
Germaine BIRBA
La redistribution des offrandes reçues
Comment sont redistribuées les offrandes que vous recevez ? A cette question, l’imam Tiemtoré explique qu’en règle générale on ne la transporte pas du lieu de résidence.
«Elle est à donner dans l’endroit de résidence. Néanmoins, Il y a des exceptions quand il s’agit de verser cette Zakât à une zone où les gens ont vraiment plus besoin d’aide et sont plus dans le besoin. Chaque mosquée ou structure s’organise pour collecter la Zakat de ses fidèles et la conditionner en des kits à offrir», explique-t-il. Et d’ajouter qu’il est «souhaitable de disposer d’une commission qui ait pris le soin d’identifier les pauvres dans le rayonnage, de sorte à pouvoir faire les dons sans trop de cacophonie et surtout en préservant la dignité de celui qui reçoit».
Notons que chaque année les musulmans du monde observent une période de pénitence entre 28 et 29 jours appelée Ramadan. Durant cette période, les musulmans partagent avec les pauvres et les plus démunis. C’est donc une période de privation mais aussi de charité et d’offrande.