«Kalsaka est une catastrophe environnementale». Ainsi s’exprimait Jonas Hien, Secrétaire exécutif par intérim de l’ONG Organisation pour le renforcement des capacités de développement (ORCADE), le 11 février 2016, au cours de la présentation d’une étude sur les impacts de l’exploitation minière sur les conditions de vie des femmes. Ayant été sur le terrain pour la collecte des informations, le secrétaire exécutif s’était rendu compte que le site minier de Kalsaka est abandonné après le départ de la société Amara Mining qui l’exploitait. Le spectacle serait «désolant».
L’arrêt de production d’Amara Mining sur le site de Kalsaka a été confirmé par plusieurs sources. Une source au ministère informait que la société Amara Mining était actuellement en liquidation judiciaire.
N’ayant plus son siège et une représentation au Burkina Faso, il est difficile d’entrer en contact avec les responsables de cette société pour en savoir davantage. Cependant, de sources concordantes, Amara Mining a plié bagage et a pris la direction de la Côte d’Ivoire où un nouveau Code minier jugé attractif a été adopté en 2014. Pourquoi avoir quitté le Burkina Faso tout en abandonnant le site alors que la législation est portant explicite là-dessus ?
Dans un premier temps, la législation exige qu’une évaluation de l’impact sur l’environnement soit effectuée avant l’attribution de tout droit minier. L’article 77 du Code minier de 2003 disposait que tout demandeur d’un permis minier industriel doit fournir une notice ou mener une étude d’impact sur l’environnement assortie d’une enquête publique et d’un plan d’atténuation ou de renforcement des impacts négatifs ou positifs. Cette démarche doit être conforme au Code de l’environnement.
L’article 25 du Code de l’environnement (Loi N°006-2013/AN) précise que les activités susceptibles d’avoir des incidences significatives sur l’environnement sont soumises à l’avis préalable du ministre chargé de l’Environnement. L’avis est établi sur la base d’une Évaluation environnementale stratégique (EES), d’une Etude d’impact sur l’environnement (EIE) ou d’une Notice d’impact sur l’environnement (NIE).
Dans un second temps, les sociétés minières, sur la base des études citées plus haut, doivent cotiser pour assurer la réhabilitation du site à la fin de la vie de la mine. L’article 141 du nouveau Code minier (loi N°36-2015/CNT) précise à cet effet que les sociétés minières industrielles sont tenues «d’ouvrir et d’alimenter un compte fiduciaire à la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) ou dans une banque commerciale du Burkina Faso qui servira à la constitution d’un fonds pour couvrir les coûts de la mise en œuvre du programme de préservation et de réhabilitation de l’environnement. Les sommes ainsi utilisées sont en franchise des impôts sur les bénéfices. Les modalités d’alimentation et de gestion de ce fonds sont établies par voie réglementaire». C’est le décret N° 2007-845/PRES/PM/MCE/MEF du 26 décembre 2006 portant gestion du Fonds de préservation et de réhabilitation de l’environnement minier qui indique les modalités d’alimentation. Il précise que le montant de la contribution annuelle de l’entreprise au fonds est égal au total du budget prévisionnel de réhabilitation, tel que prévu par l’étude d’impact environnemental, divisé par la durée de vie de l’exploitation exprimée en années. L’entreprise minière ne peut avoir accès aux sommes déposées qu’après avoir élaboré et transmis un rapport d’évaluation des coûts de la réhabilitation et de la restauration aux ministères chargés des mines et de l’environnement pour obtenir l’autorisation de décaissement des fonds par le ministère des finances. Ce compte existe effectivement. Le ministre des Mines sous la transition, Aboubacar Bah, a annoncé devant les députés du Conseil national de la transition (CNT) avant la séance de vote du Code minier en juin 2015 que le montant du fonds est de 9.010.134.041 FCFA au 30 juin 2014. Dans le rapport 2013 de l’ITIE-Burkina paru en mars 2016, il est écrit que les déclarations de paiement au titre de ce fonds s’élèvent à 919 millions de FCFA au cours de l’année 2013.
Si la législation crée le fonds et règle les modalités de son alimentation, elle ne précise pas comment avoir accès à ce fonds ni comment l’utiliser pour la réhabilitation.
Amara Mining a été confrontée à cette insuffisance des textes.Selon nos informations, la société a montré une volonté de procéder à la restauration du site, mais elle n’a pas reçu une réponse favorable. En effet, elle a, après son départ, gardé un personnel pour la réhabilitation, mais faute de textes clairs, ce personnel a été mis en chômage technique et serait en voie de licenciement.
Une autre source du côté du ministère des Mines précise que la situation devrait trouver une solution avec les décrets d’application du nouveau Code minier en élaboration.
En attendant, le site minier autrefois exploité par Amara Mining reste en l’état. On y voit une fosse béante à ciel ouvert et son bac à résidu contenant des substances cyanurées. Sans surveillance, ce site présente de graves conséquences sur l’environnement en cette période de saison hivernale.
Joël BOUDA
La côte d’Ivoire attire
Amara Mining a quitté le Burkina Faso pour s’établir en Côte d’Ivoire parce qu’elle juge le système fiscal burkinabè défavorable. La société accuse un retard dans le non-remboursement de la Taxe sur la valeur ajoutée (Tva), pendant que l’administration fiscale refuse d’utiliser ce qu’elle doit à la société pour solder ses autres impôts.
La société faisait aussi face à la baisse drastique du cours de l’or depuis 2013. Enfin, elle a été à plusieurs reprises confrontée à des conflits avec les communautés riveraines. La conjugaison de tous ces facteurs a conduit la société à se délocaliser en Côte d’Ivoire. Le Burkina Faso hérite des problèmes laissés par cette société.
La charrue avant les bœufs ?
Le Boum minier n’a pas surpris le Burkina Faso, mais des mesures n’ont pas été prises à temps pour accompagner pleinement l’installation des sociétés minières. Pour preuve, le pays est à son troisième Code minier (1997, 2003 et 2015). La première mine privée, à savoir Taparko, est entrée en exploitation en 2007, suivie de Kalsaka, Inata et Semafo en 2008. La plupart de ces sociétés minières avaient des durées de vie comprises entre 7 et 10 ans.
C’est dire que sans les extensions, ces sociétés minières seraient en voie de fermeture. Malgré tout, le Burkina Faso n’a pas prévu de disposition pour l’après-mine. Le cas Kalsaka en est l’illustration.
Les décrets d’application du nouveau Code minier en cours d’élaboration doivent prendre en compte cet aspect en permettant aux sociétés de procéder à la restauration pendant qu’elles sont en exploitation, sous le contrôle des ministères des Mines et de l’Environnement. Ainsi, à la fin de la vie de la mine, une bonne partie des dégâts causés par les activités minières serait réparée.
La société minière ne pourra donc pas avoir accès à l’argent destiné à la réhabilitation qu’une fois que le gouvernement aurait attesté que la restauration a été faite de manière satisfaisante. La même préoccupation liée à l’installation des sociétés minières se trouve au niveau de la compensation des communautés affectées par l’installation des sociétés.
Le Burkina Faso ne dispose pas de texte en la matière. Des insuffisances à combler impérativement.