La loi 081 portant statut des fonctionnaires sera mise en œuvre au cours de cette année 2016. La nouvelle est accueillie comme il se doit au sein des agents de la Fonction publique qui verront leurs revenus grimper un tant soit peu. Mais à quand la matérialisation effective ? Quelle sera l’incidence financière de cette opération ? A quoi doit désormais s’attendre l’agent indélicat ? Le ministre de la Fonction publique, du Travail et de la Protection sociale, Clément Sawadogo, donne des détails dans cet entretien.
– L’Economiste du Faso: La loi 081 portant statut des fonctionnaires sera mise en œuvre cette année. Quelles sont les implications d’une telle mesure ?
Clément Sawadogo (ministre de la Fonction publique, du Travail et de la Protection sociale) : Il y a deux implications essentielles. Il y a d’abord le travail administratif à faire pour opérationnaliser la loi. A cet effet, nous avons déroulé un chronogramme de mise en œuvre qui implique tous les acteurs concernés au niveau technique, à savoir nos propres services, les services du ministère des Finances (notamment les services de la solde) et les partenaires sociaux que sont les syndicats.
Les pans de la loi doivent être déclinés et sont concrétisés par des décrets d’application dont deux décrets importants : le décret portant reversement des fonctionnaires et des contractuels et le décret portant grille indiciaire. Le deuxième aspect des tâches qui découle de cette loi porte sur les incidences financières.
– A quand l’adoption de ces décrets d’application ?
Nous avons déjà adopté au niveau du gouvernement les deux décrets dont j’ai parlé. Les nouveaux échelons sont déroulés.
– Quelle est l’incidence financière de cette décision ?
Nous avons calculé de façon méticuleuse ces incidences financières. Le reversement, aussi bien des contractuels que les fonctionnaires dans la nouvelle grille, implique une incidence de 20,8 milliards de FCFA environ.
– Où allez-vous trouver cet argent au moment où le gouvernement affirme que les caisses sont vides ?
Effectivement, c’est difficile à trouver. Mais par un exercice délicat, nous sommes arrivés à dégager une bonne tranche, à hauteur de 15 milliards de FCFA, de la loi de finances rectificative en attendant que d’autres lois de finances rectificatives puissent absorber le restant.
– Ce rappel sera-t-il échelonné ou sera-t-il versé d’une traite aux fonctionnaires ?
A l’heure où nous sommes, je ne peux pas vous répondre parce que tout cela est fonction des modalités pratiques. De toutes les façons, ce rappel est fait pour compter du 1er janvier 2016.
– Les fonctionnaires peuvent-ils espérer ce rappel pour le mois de juin comme il se susurre ?
Le travail technique ne pourra pas être prêt pour juin; je serai plus optimiste pour les mois suivants.
– Pourquoi c’est maintenant que cette loi est mise en œuvre ? D’aucuns pensent qu’il y a un calcul politique derrière.
Le gouvernement n’a que 4 mois. Il fallait un minimum de temps pour organiser la loi de Finances et le travail technique qui devait conduire à l’adoption des décrets. Ça n’a rien à voir avec un calendrier politique quelconque.
– Peut-être que vous avez été contraints par l’ultimatum des syndicats…
L’ultimatum des syndicats a été pris en compte en termes d’accélération, ce qui est normal. Les syndicats sont nos partenaires. Quand ils nous rappellent qu’il faut agir vite et quand ils ont raison, il faut qu’on en tienne compte. Même s’il n’y avait pas eu cet ultimatum, le gouvernement était tenu d’accélérer le travail.
– Cette mise en application de la loi 081 ne va pas sans la mise en place de la commission de discipline qui existe mais qui n’est pas fonctionnelle. Pouvez-vous rassurer que des sanctions d’agents indélicats seront prises par le conseil de discipline ?
C’est trop dire que de lier le fonctionnement des conseils de discipline à la mise en œuvre de la loi. Mais le lien peut être fait en ce sens que si l’Etat fait des efforts pour améliorer les conditions des travailleurs, il va de soi qu’on puisse leur demander plus d’engagement pour la patrie. Si avec ces efforts il y en a qui ne veulent pas se mettre au sérieux pour travailler, on les rappellera à l’ordre. Ces conseils de discipline ne fonctionnent pas. Nous allons les récalibrer pour qu’ils soient vraiment fonctionnels.
– Quelle sera désormais la procédure de notation des agents de la Fonction publique ? Des problèmes existaient à ce niveau, n’est-ce pas ?
Le principe de base qui est en marche actuellement n’est pas mauvais, puisque chacun a soit une lettre de mission, soit un contrat d’objectifs.
Si les objectifs ne sont pas atteints, la note doit s’en ressentir. C’est une notation qui est en fonction de l’engagement et du mérite de l’agent. Le problème n’est pas le principe de la notation telle qu’elle est organisée. Le problème est que les gens font beaucoup de laxisme autour de son application.
Je pense qu’il faut retravailler sur les critères en faisant en sorte qu’ils soient incontournables. Il faut également regarder les délais dans lesquels les fiches de notation doivent être déposées et, qu’à la limite, passé ce délai, les sanctions tombent sur le responsable qui doit faire la notation. C’est le supérieur hiérarchique qui note son agent. Le ministre ne note que son secrétaire général et son directeur de cabinet.
– Quelles sont les innovations majeures dans les concours de cette année ?
L’innovation majeure cette année est le dépôt des dossiers de candidature en ligne pour une dizaine de concours. Cela crée une facilitation évidente pour tous les candidats qui n’auront plus à s’aligner des heures durant.
Il y a également le renforcement des principes de précaution pour lutter contre la fraude.
Entretien réalisé par Alexandre Le Grand ROUAMBA
La nomination qui suscite les débats
La dernière nomination, le DG de la CNSS, du ministre Clément Sawadogo, fait des vagues et a fait sortir le Chef de file de l’opposition qui fait allusion à des casseroles qu’il trainerait. Voici le commentaire dudit ministre à ce propos:
«Nous avons nommé un cadre qui a une grande expérience de la gestion du service publique. Nous considérons que pour diriger une grande institution comme la CNSS, c’est ce type de profil qu’il faut. C’est un élu du peuple (ndlr, il siégeait à l’assemblée nationale avant sa nomination) qui va se devoir se consacrer à cette nouvelle fonction. Quand on se met à accuser des gens comme cela, on rentre dans ce qu’on appelle la délation et les ragots. Etant un élu, il est nanti de la confiance du peuple. On doit accuser sur la base de preuves et on laisse le soin aux institutions impartiales en la matière de pouvoir se prononcer là-dessus. Si ce sont des opposants politiques qui se mettent à charger quelqu’un comme cela, c’est un peu déplorable». o