Les agents de la Garde de sécurité pénitentiaire (GSP) ont entamé depuis le 13 avril dernier une grève illimitée sur toute l’étendue du territoire national pour exiger l’application effective des décrets portant grille salariale et indemnités courantes. Un dialogue de sourds semble être installé entre le gouvernement et le syndicat national des agents de la GSP. Pour mieux cerner les contours de cette grève qui paralyse l’activité judiciaire, nous avons rencontré le secrétaire général du syndicat national des agents de la GSP, Siaka Bayoulou.
– L’Economiste du Faso: Qu’est-ce qui oppose votre syndicat au gouvernement?
Sakia Bayoulou (Secrétaire du syndicat national des agents de la GSP): C’est une loi qui a été adoptée par le Conseil national de la transition (CNT). Il y a deux décrets qui ont été adoptés par ledit Conseil. A notre surprise, le gouvernement de la transition n’a pas signé ces décrets avant de partir. Le nouveau gouvernement, à travers notre ministre de tutelle, avait pris l’engagement de signer ces décrets. C’est ainsi que nous avons rassuré nos militants que ces décrets seront signés.
Quatre mois après, rien n’est encore fait. A-t-on vraiment besoin de 4 mois pour signer deux décrets? C’est comme si le gouvernement est en train de vouloir gagner en temps. C’est cette situation qui nous a amenés à suspendre certaines activités.
– Pensez-vous qu’au regard de la situation économique et financière que traverse actuellement le Burkina, cette revendication est à la portée du gouvernement ?
Elle est bien à la portée du gouvernement. Une première commission avait déjà fait une proposition. Le gouvernement a trouvé que le taux qui était prévu était élevé et qu’il ne pouvait pas le retenir. Ce taux ressemblait à peu près à la grille de la police nationale. Le gouvernement a trouvé que la grille de la police nationale a été adoptée dans des situations où l’ancien régime voulait modifier la Constitution.
– A combien est ce taux ?
L’indice de départ pour la catégorie A commence à partir de 915. Pour la catégorie B, ça tourne autour de 600 contre 500 pour la catégorie C. La différence se situe au niveau de l’indice de la responsabilité, selon que vous êtes directeur général ou directeur régional. Il n’y a pas eu grand changement au niveau des autres indemnités.
– Que s’est-il passé ensuite?
Nous sommes revenus avec une nouvelle commission pluridisciplinaire. Deux scénarii nous ont été imposés; les taux ressemblaient à ceux des premiers travaux. Le gouvernement a adopté le scénario a minima, non sans le raboter, en refusant les indemnités de responsabilité. La commission avait prévu que la date d’effet était janvier 2015. Refus encore du gouvernement qui propose janvier 2016. Nous avons fait toutes ces concessions en espérant la signature de ces décrets. Depuis 2014 que la loi a été adoptée, nous attendons toujours. On est en train de nous tourner en rond. Cette situation nous est insupportable.
– A vous entendre, vous ne croyez pas à l’argument de la «situation économique difficile», qui vous est brandi …
Prenez l’exemple de nos collègues de la magistrature. C’est le même gouvernement actuel qui a adopté et qui a signé cette décision qui avait été prise par la transition. Ce sont deux poids deux mesures dans le même ministère, et cela ne fait qu’augmenter les frustrations. C’est comme si les uns sont plus importants et les autres sont moins importants. On nous demande de faire des sacrifices. Qu’on demande ces sacrifices à tout le monde. Notre incidence est de 700 millions de F CFA, pendant qu’on accepte une incidence qui avoisine les 3 milliards de F CFA. Avec ça, on dit que nous exagérons. Le gouvernement ne joue pas franc jeu. C’est comme s’il y a un sentiment de mépris et cela n’est pas du tout intéressant.
– Mesurez-vous les conséquences de votre mouvement ?
Il revient au gouvernement de mesurer ces conséquences. Nous avons passé le temps à calmer nos militants en leur disant que la situation va trouver une solution. Aujourd’hui, nous avons perdu un peu de crédit parce que nous avons voulu suivre le gouvernement en espérant qu’il allait s’exécuter. Peut-être que le gouvernement estime que l’impact de notre mouvement est insignifiant et que c’est pour cela qu’il ne veut pas résoudre notre problème.
La signature de ces décrets ne coûte pas de l’argent, puisque nous pouvons toujours discuter de l’entrée en vigueur de ces décrets. Quand on refuse de signer, c’est qu’il y a de la mauvaise foi. C’est parce que nous avons mesuré les conséquences que nous n’avons pas voulu arrêter toutes les activités. Nos militants nous demandent même de durcir le mouvement. Pour ne pas en rajouter, et en toute responsabilité, nous continuons d’assurer d’autres services. Il s’agit notamment de la garde et de la surveillance des détenus. Nous sommes dans l’obligation de veiller pour assurer ce service. Il y a aussi des activités de formation qui ont trait à la réinsertion sociale.
– Le cas du détenu mort à Dédougou vous a-t-il interpellés?
On semble dire que ce cas est survenu parce que notre mouvement est toujours en vigueur. Je pense plutôt qu’elle est liée à la surpopulation carcérale, et nous vivons cette situation depuis des années. La Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO) qui a une capacité d’accueil de 500 détenus se retrouve avec plus de 2.000 détenus. Nous évacuons aussi des détenus vers des hôpitaux pour raison de maladies. Les maisons d’arrêts sont aussi très surpeuplées.
– Le dialogue entre le gouvernement et votre syndicat est-il rompu ?
Nous sommes disposés à répondre à toute invitation du gouvernement pour discuter. Nous restons toujours ouverts au dialogue et nous restons à l’écoute.
– La grève court toujours ?
Oui, la grève court toujours.
– De façon illimitée…
Jusqu’à ce que le gouvernement nous propose quelque chose de concret.
Propos recueillis par
Alexandre Le Grand ROUAMBA
Deux services suspendus par les GSP
Avec la grève des GSP, deux services ont été notamment suspendus. Il s’agit des services d’extraction ou d’escorte en direction des palais de justice soit pour des jugements ou pour des auditions. A cela s’ajoute l’activité qui consiste à déférer certains délinquants qui viennent des commissariats de police et des brigades de gendarmerie. Ces deux activités sont suspendues jusqu’à nouvel ordre. La loi querellée doit permettre d’améliorer la grille indiciaire du personnel de la Garde de sécurité pénitentiaire.
Qu’en est-il du côté des permis de communiquer?
Il n’y a pas problème à ce niveau. Toute personne munie d’une autorisation peut rendre visite à son proche. Cette activité est menée régulièrement dans l’ensemble des établissements pénitentiaires du pays.