Le Burkina Faso est-il rentré dans la spirale des loyers inaccessibles, à l’image des pays comme le Sénégal et la Côte d’Ivoire? Il faut s’en inquiéter si la tendance actuelle se poursuit.
Chaque jour, les loyers augmentent de façon exorbitante. La maison «chambre avec salon et douche extérieure» est passée de 7.500 en 2004 à 25.000 F CFA de nos jours. La maison avec les toilettes internes, elle, est passée de 12.500 à plus de 40.000 F CFA. Les prix sont encore plus exorbitants lorsque la maison se situe dans une zone à proximité des quartiers bourgeois.
Ainsi, le même standing qui coûte 15.000 F CFA à Tanghin au nord de la ville coûtera 30.000 F CFA à la Patte d’Oie au sud de la capitale et encore plus cher à Ouaga 2000. Dans certains quartiers, les appartements de deux chambres et salon coûtent entre 150.000 F et 400.000 F CFA.
Et cela donne le tournis à certaines personnes en quête d’un toit comme Abdoul Traoré: «Il est de plus en plus difficile de se loger à Ouagadougou. J’étais dans une maison chambre-salon que je louais à 15.000 F CFA par mois. Mon bailleur a décidé de faire quelques travaux pour plus de confort. Juste après, il a décrété que le loyer passera à 30.000 F CFA. J’ai dû donc déménager car je ne pouvais plus payer ce loyer. Chaque jour, c’est ainsi. C’est devenu un phénomène de mode. Quand le propriétaire d’une maison veut augmenter ses prix, il prétexte des travaux et double le loyer», raconte-t-il.
Certaines personnes, fatiguées de cette situation sans fin, ont décidé de se réfugier dans les non-lotis où les conditions sont parfois difficiles.
Le constat des loyers exorbitants avait même poussé les députés du CNT à adopter une loi qui régule le bail au Burkina Faso. Cette décision était perçue comme la solution à la spéculation autour des loyers. Cependant, les choses n’ont pas encore évolué. Le texte a été adopté et promulgué la semaine dernière. En attendant, les choses vont de mal en pis car, sur le terrain, l’impression laissée est que les propriétaires veulent profiter au maximum des loyers avant la mise en œuvre de la loi. Au-delà des prix qui grimpent, il y a aussi le nombre de mois de la caution et des avances qui ont augmenté. Auparavant, les locataires déposaient un mois de loyer et deux mois de caution avant d’intégrer une maison. Actuellement, il faut un minimum de 3 mois de caution et de loyer. Certains vont jusqu’à exiger une année de caution. Pire, l’on fait face à certains propriétaires qui préfinancent la fin de leurs travaux par l’argent avancé par les futurs locataires, avant la remise des clés.
C’est ce qu’a vécu Rasmata Kabré qui nous a fait part de son témoignage: «J’étais à la recherche d’un magasin pour mon commerce de pagnes. Dans un quartier de la ville, j’ai vu un immeuble en construction. J’ai voulu faire une réservation pour la fin des travaux. Mais le propriétaire m’a fait comprendre que si je voulais louer un magasin, il me fallait déjà verser les cautions et les avances qui étaient de 12 mois, à raison de 300.000 F CFA le mois. J’ai dû donc débourser 3,6 millions pour un magasin qui n’était pas encore fini et j’ai dû patienter 4 mois avant de recevoir les clés».
Sur cette spirale des prix, les propriétaires des maisons indexés se défendent. Pour eux, si les loyers sont chers, c’est parce que les prix des matériaux de construction ne sont pas accessibles. «Les lourds investissements pour la construction se répercutent sur les loyers. Si le propriétaire ne fixe pas un prix lui permettant d’amortir le coût, il fera au moins 20 ans sans compenser son investissement.
De plus, au Burkina Faso, les parcelles coûtent cher. Chacun fixe son prix au gré de ses humeurs. Même dans les non-lotis, il faut débourser au moins 500.000 F CFA pour espérer avoir un bout de terre qu’on n’est même pas sûr d’acquérir définitivement un jour», expliquait Mamadou Derra, propriétaire d’une maison.
Les cimenteries indexées
Les cimenteries, elles, justifient le prix élevé du ciment par le non-disponibilité de la matière première au Burkina et le coût élevé du carburant. A tous les niveaux, chacun à son explication. La solution idéale selon les locataires serait que chacun construise sa maison. Mais dans quelles conditions?
Pour acquérir une parcelle à Ouagadougou, il faut débourser entre 5 et 20 millions de F CFA en fonction des quartiers, pour une superficie variant entre 250 et 400 m². A la question de savoir pourquoi les parcelles sont aussi chères, certains répondent que «c’est le seul bien que nous avons. Le pays est pauvre.
Nous n’avons donc que les terres à vendre pour nous en sortir».Face à cette situation, l’inertie du gouvernement est de plus en plus inquiétante. Aucune réglementation n’est encore envisagée pour soulager les populations qui attendent que la loi sur le bail soit promulguée, même si elles n’espèrent pas un grand changement. «Même si cette loi est promulguée, nous ne voyons pas comment le gouvernement pourra réguler les prix des maisons.
La solution est de trouver le moyen de baisser le coût des matériaux de construction et de développer davantage les logements sociaux», déclarait Irène Tapsoba, une citoyenne.
Germaine BIRBA
Extrait de la loi sur le bail
Article 6 :
Le loyer est fixé en tenant compte de la valeur locative annuelle plafonnée à sept pour cent de l’estimation du coût de réalisation de l’immeuble à louer. Un référentiel des valeurs des coûts de réalisation est arrêté et révisé tous les trois ans par le ministère en charge de l’Habitat. Le locataire peut requérir du tribunal, en cas de dépassement du plafond du loyer, de fixer une indemnisation correspondant au préjudice subi.
Article 7 :
En cas de désaccord entre les parties, le loyer est fixé par le tribunal compétent conformément à l’alinéa 2 de l’article 6 ci-dessus.
Article 8 :
Un état des lieux en deux exemplaires est dressé par les parties, aussi bien au moment de la mise à disposition du local qu’au moment de sa récupération. Ce document est joint au contrat.
Article 9 :
L’état des lieux est constaté par un écrit ayant date certaine et signé par les deux parties, comprenant une description détaillée du local, l’état de fonctionnement des équipements, la qualité du local et mentionnant les vices et les détériorations du local loué. Il est rédigé en des termes clairs et précis. Des formules larges notamment de type «bon état» ou «état moyen» sont proscrites. A défaut d’état des lieux, il est présumé, du seul fait de la signature du contrat de bail, que le local mis à disposition du locataire est en état d’être utilisé conformément à sa destination. Les deux parties peuvent se mettre d’accord pour désigner une tierce partie qualifiée pour établir l’état des lieux.