On en sait davantage sur les «entrepôts fictifs» ouverts sur le corridor togolais. Lors de sa déclaration de politique générale le 5 février 2016, le Premier ministre Paul Thiéba les avait évoqués en estimant qu’ils causaient un préjudice énorme à l’économie burkinabè. S’inscrivant dans une démarche d’optimisation des recettes douanières, le chef du gouvernement avait annoncé que «le Burkina va engager des discussions avec les autorités togolaises en vue d’une meilleure gestion de ces entrepôts ouverts à la frontière et qui alimentent la fraude».
Dans la loi de finances rectificative 2016, le gouvernement a d’ailleurs prévu «des opérations de bouclage contre la contrebande dans la région du Centre-Est» dans le cadre de sa stratégie de mobilisation des recettes. Le problème est donc pris très au sérieux.
Mais pas grand monde ne comprenait la nature de cette fraude à combattre.
Déjà, la déclaration du Premier ministre le 5 février avait surpris beaucoup de personnes qui se demandaient alors en quoi consistent réellement ces entrepôts fictifs ouverts sur le territoire togolais et à la frontière du Burkina.
L’Economiste du Faso avait notamment interrogé des personnes ressources à la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso (CCI-BF) ainsi qu’à l’Organisation des transporteurs du Faso (OTRAF). Les réponses avaient été plutôt prudentes et indiquaient une certaine méconnaissance de cette activité.
Puisque l’affaire est revenue dans les dispositions concernant la loi de finances 2016, les députés, qui n’étaient pas également renseignés sur cette fraude, ont demandé des explications à la ministre en charge de l’Economie et des Finances. Occasion donc d’éclairer les lanternes. «Aujourd’hui, des entrepôts fictifs sont ouverts en territoire togolais et à proximité de la frontière Burkina-Togo. Ces entrepôts reçoivent des conteneurs de motocycles qui sont dépotés. Les pièces de motocycles sont ensuite montées et les engins conduits par les jeunes en contrebande vers Ouagadougou», a expliqué la représentante du gouvernement. La ministre a indiqué que ce phénomène fait perdre des milliards de F CFA de recettes à l’administration des douanes.
Ainsi le gouvernement envisage-t-il une lutte pour mettre fin au trafic. Cette lutte va consister à faire une opération directe sur le terrain.
Le corridor togolais est l’un des 4 corridors par lesquels transitent le fret international à destination et au départ du Burkina.
Plusieurs fois, des enquêtes menées par des journalistes ont révélé que le corridor togolais était ouvert à une fraude, notamment celle concernant les motocycles d’origine asiatique.
Fréquemment, des dizaines de motocycles neufs montés dans les entrepôts de la fraude sont conduits par jeunes «roulant à tombeau ouvert» pour traverser la frontière. Les témoignages indiquent que parmi les pistes empruntées par les fraudeurs, il y a par exemple une située «entre Ouargaye et Koupéla en passant par la piste rurale de Bissiga, à une dizaine de km de Koupéla».
Les jeunes passeurs sont employés par des commerçants. Il y a quelques années déjà, les gains de ces passeurs tournaient autour de 50.000 F CFA par personne et par motocycle livré.
Karim GADIAGA
Beaucoup de problèmes sur le corridor togolais
Il n’y a pas que les entrepôts fictifs sur le corridor togolais qui posent problème à l’économie burkinabè. En plus de régler la question des entrepôts, le chef du gouvernement a également annoncé, lors de sa déclaration de politique générale, «la signature d’une convention sur le transit avec les autorités togolaises au sujet de l’interconnexion des systèmes informatiques douaniers des deux pays».
D’autres mesures visant à lutter contre la fraude douanière concernent «le contrôle de l’espèce tarifaire, de l’origine, de la valeur, du volume ou du poids pour certains produits soumis à une taxation spécifique» et «la consolidation de la gestion du système automatisé de dédouanement des marchandises».