Politique

Future Constitution : Les modifications souhaitées

LE passage à une cinquième République est une promesse de campagne du président Roch Mar Christian
Kaboré. Le Conseil des ministres du 16 mars dernier a annoncé la mise en place d’une Commission qui devra réfléchir sur le contenu de la future Constitution. Cette nouvelle Constitution devra être le socle d’importantes réformes institutionnelles que le nouveau président burkinabè s’est engagé à mettre en oeuvre pour renforcer la démocratie au Burkina Faso. Que souhaite- t-on y voir? Quelles analyses sur
certains points de réformes déjà annoncées sous la transition? Dr Ousséni Illy, Enseignant-chercheur à l’Université Ouaga 2 et directeur exécutif du Centre africain pour le commerce international et le développement (CACID), a accepté de se prononcer sur ces questions.

– L’Economiste du Faso : Au regard de l’évolution politique ces derniers temps, quels sont les changements que vous souhaiteriez voir figurer dans la nouvelle Constitution en vue ?

Dr Ousséni Illy (Enseignant-chercheur): Un point qui me parait important, même s’il semble être illusoire, c’est la limitation du nombre de membres du gouvernement par la Constitution. Cela figurait dans la Charte de la transition qui limitait ce nombre à 25. Mais bien avant, sous la deuxième République, on était même allé plus loin avec la Constitution de 1970 qui limitait ce nombre à 15. Cela permet non seulement de réduire le train de vie de l’Etat, qui semble être une préoccupation à l’heure actuelle, mais surtout, au plan de la morale politique, cela évite cette vision patrimoniale ou politicienne de l’Etat qui consiste à utiliser les portefeuilles ministériels pour récompenser des amis et des copains politiques.
Si le nombre n’est pas limité, cela incite ou pousse le président du Faso à créer des portefeuilles souvent vides de sens et inutiles, juste pour contenter certains de ses lieutenants. A l’heure actuelle, 20 ministres
(y compris les ministres délégués et les secrétaires d’Etat) me paraissent suffisants pour notre pays.
Il faut rappeler au passage qu’un grand pays comme les Etats-Unis a limité par la loi le nombre de portefeuilles ministériels à 15, et je ne pense pas que l’Etat américain soit moins bien géré que le Burkina. En Suisse également, le gouvernement fédéral ne compte que sept membres. Un deuxième point, qui
me semble plus illusoire dans le contexte actuel mais qui avait été consacré par la Constitution de la même deuxième République, c’est la gratuité du mandat du député. Le député perçoit simplement des indemnités de session et garde le salaire de son corps d’origine. Cela évite
la «professionnalisation» de la politique pour des gens qui passent plus leur temps à somnoler dans un hémicycle à moitié vide.

– Pouvez-vous donner votre appréciation sur certains projets suggérés par le défunt CNT au sujet de la nouvelle Constitution qui sera bientôt soumise à l’appréciation du peuple? Commençons par le point qui stipule que: «Aucun projet ou proposition de révision de la Constitution n’est recevable lorsqu’il remet en cause (…) la clause limitative du nombre de mandats présidentiels » et «la durée du mandat présidentiel »; «Aucune procédure de révision ne peut être engagée ni poursuivie en cas de vacance du pouvoir, pendant la durée de l’état de siège ou de l’etat d’urgence et lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire national». 

Je pense que cet article est le bienvenu. S’il est consacré, toute personne qui prétend à la fonction de président saura qu’elle ne peut pas dépasser dix ans au pouvoir. Mais la Constitution n’étant pas la bible ni le coran, cette interdiction de la révision du mandat n’est pas une panacée et il faut compter sur la bonne foi des dirigeants et surtout sur la veille citoyenne. Il suffit que quelqu’un veuille changer cela qu’il propose une nouvelle Constitution et le tour est joué. On l’a vu au Niger avec Mamadou Tanja, et je parie que même s’il avait été interdit de réviser l’article 37 au Burkina, Blaise Compaoré aurait tout de même tenter son passage en force. Les politiciens étant de toujours de mauvaise foi, il faut donc que les populations veillent au grain.

– Et l’éventuel point sur la possibilité désormais pour le citoyen burkinabè de saisir directement ou par recours le Conseil Constitutionnel lors d’une procédure judiciaire?

C’est également une bonne chose et, en ce sens, le Burkina ne fait que suivre une tendance de plus en plus générale.
– La nouvelle version de l’article 37 qui a engendré l’insurrection pourrai devenir ceci: «Le président du Faso est élu au suffrage universel direct, égal et secret, pour un mandat de cinq ans. Il est rééligible une seule fois. En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats de président du Faso, consécutivement ou par intermittence, plus de dix ans durant». Votre commentaire?

Ici, la nouveauté c’est la limitation à dix ans maximum du nombre de mandats qu’un président peut faire. C’est une bonne chose dans la mesure où cela empêcherait des gens qui ont accumulé des fortunes pendant leurs années de présidence de revenir au pouvoir grâce à cet argent. Cela dit, ça peut également avoir l’inconvénient de priver le peuple d’un bon leader, d’un visionnaire que celuici aurait aimé voir revenir au pouvoir après une pause. On le voit notamment en Amérique latine.
– La suppression du Sénat dans la future Constitution ne sera pas une surprise…
Il s’agit indiscutablement d’une très bonne chose. Je n’ai jamais vu l’utilité de ce «machin», et sa suppression ne sera qu’une très bonne nouvelle. Si ça ne tenait qu’à moi, il faut même réduire le nombre de députés. Un député par province est largement suffisant.

– La devise «La Patrie ou la mort, nous vaincrons» pourrait être de retour. Seriez-vous d’avis ?

 Un tel choix pourrait certainement diviser puisque, comme vous le savez, la révolution sankariste n’a pas que des admirateurs dans ce pays. Pour ce qui me concerne, cette devise me convient très bien. Elle a bercé mon enfance et je la trouve en phase avec un peuple engagé et déterminé à prendre son destin en main.

Propos recueillis par Alexandre Le Grand ROUAMBA

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