Selon le rapport de la commission d’«Enquête parlementaire sur la fraude fiscale, l’impunité fiscale, les restes à recouvrer et les chèques impayés», rendu public le 16 octobre 2015, les restes à recouvrer de la Société minière de Taparko (SOMITA) pour l’année 2013 sont d’environ 1.709.681.264 FCFA. Comment est-ce possible, puisque le directeur de SOMITA réfute cette information? Examinons toute la procédure fiscale de SOMITA pour ce qui concerne l’année 2013.
L’Economiste du Faso a été reçu courant novembre au Conseil national de la transition (CNT) par le rapporteur général de la commission. Il a expliqué que le travail de la commission a concerné les 3 niveaux de la procédure fiscale dans les mines, à savoir la détermination de l’assiette fiscale, la liquidation et la comptabilité.
Pour ce faire, la commission d’enquête parlementaire a exploité les décrets fixant la perception des impôts et taxes, les bulletins de liquidations émis par le ministère des Mines et les quittances de paiements effectués au Trésor public. Cet exercice a permis de déceler un écart entre le montant inscrit sur les bulletins de liquidation et les paiements effectifs des redevances minières ou royalties.
En effet, la détermination de l’assiette des royalties est réglementée par le décret N°2010-819/PRES/MEF du 31 décembre 2010 portant modification du décret N°2010-075/PRES/MEF du 3 mars 2010 portant fixation des taxes et redevances minières. Son article 12 précise que les royalties sont perçues à un taux fixé en fonction du cours de l’or.
Le taux est de 3% si le prix de l’or est inférieur ou égal à 1.000 $ l’once, 4% si le prix de l’or est compris entre 1.000 et 1.300 $ l’once et 5% si le prix de l’or est supérieur à 1.300 $ l’once. Examinant les bulletins de liquidation, la commission s’est rendu compte que les taux imposés à SOMITA ont effectivement été fixés en fonction des dispositions du décret.
Mais sur les bulletins de paiement, une différence est constatée entre le montant inscrit sur le bulletin de liquidation et la somme versée.
Du côté de la société minière, on s’en défend. SOMITA est la première mine privée installée au Burkina Faso. Propriété de la société High Rivergold, elle a signé en décembre 1995 une convention avec l’Etat burkinabè après un vote à l’Assemblée nationale. En son temps, le Burkina Faso ne disposait pas de Code minier. En 2004, High Rivergold cède la société à Nord Gold qui a commencé l’exploitation de l’or en 2007.
SOMITA paie donc ses impôts sur la base de la convention de 1995. Laquelle convention prévoit une clause de stabilité sur la perception des impôts et taxes, dont les royalties, à un taux fixe de 3% sur la durée de la convention.
En 2010, lorsque le décret portant fixation des taxes et redevances minières a été pris, la direction de SOMITA dit avoir saisi le ministre de l’Economie et des Finances de l’époque, Lucien Marie Noël Bembamba, pour relever la clause de stabilité contenue dans la convention. Dans sa réponse en date du 2 mars 2011, Lucien Marie Noël Bembamba explique que la convention fait force de loi: «Le décret de 2010 n’affecte donc pas la situation fiscale de votre entreprise», conclut-il.
Malgré cette réponse, SOMITA continuait de recevoir des bulletins de liquidation à un taux en fonction du cours de l’or. En 2013, il était de 5%, puisque le cours de l’or dépassait la barre des 1.300 dollars l’once.
La société indique avoir approché le secrétaire général du ministère des Mines de l’époque qui l’a également rassurée que le paiement des royalties doit se faire sur la base de la convention de 1995.
Fort de ces assurances, la société a toujours payé cette taxe sur la base de 3%. Le Trésor public encaisse l’argent, mais fait toujours ressortir l’écart entre ce qui est écrit sur le bulletin de liquidation et le paiement effectif. Comment au Trésor, accepte-t-on d’encaisser de l’argent en deçà du montant inscrit sur le bulletin de liquidation ?
En 2013, sur des liquidations évaluées à 4.292.300.642 FCFA, la société a payé 2.582.619.378 FCFA, soit un écart de 1.709.681. 264 FCFA, considéré comme des restes à recouvrer. Cet écart reversé dans les restes à recouvrer trouve donc son explication. De tels agissements dénotent d’une méconnaissance des textes, entraînant une mauvaise application des textes, ce qui est préjudiciable aussi bien à l’image de la société qu’au rapport d’exécution du budget de l’Etat.
Joël BOUDA
C’est l’Etat qui a tort
Toute procédure fiscale commence par la détermination de l’assiette fiscale. Le décret de 2010 est assez clair sur la détermination des perceptions des royalties. Une réconciliation se fait entre les données à l’exportation et les données après raffinage (valeur de change, cours de l’or au change) pour évaluer les écarts entre les valeurs au départ et celles finales. Les royalties sont donc définitivement payées sur cette base.
La deuxième étape concerne la liquidation. Elle se fait en fonction des textes en vigueur. Cette étape revient au ministère des Mines et non au ministère des Finances. A ce niveau, il faut relever une faiblesse de l’administration minière qui n’a pas tenu compte de la convention de 1995, mais du décret de 2010.
Le troisième niveau est la phase comptable. La société minière qui reçoit le bulletin de liquidation remarque qu’il a été mal libellé, mais l’accepte. Cela signifie qu’il est d’accord avec ce qui y est inscrit.
Le comptable encaisse l’argent sur la base des 3%, alors que sur le bulletin émis il est indiqué 5%. L’acte de ce comptable peut être assimilé à un «délit de concussion». Pourquoi mentionne-t-il plus tard des restes à payer ? Juridiquement, le Trésor public s’en tient aux restes à recouvrer, alors que c’est l’Etat qui a tort sur toute la ligne.
Contribution au développement: les mines peuvent mieux faire
Le ministère des Mines doit corriger deux autres insuffisances.
Dans un premier temps, le décret sur la commercialisation de l’or produit au Burkina Faso dispose que le prix de la redevance proportionnelle se calcule sur la base du cours de l’or du dernier fixing de Londres de la veille de l’expédition. Aussi, il doit être tenu compte des écarts entre les prix fixés le jour de la pesée et les prix de vente après raffinage.
La différence fait l’objet d’une régularisation sur l’exercice suivant. Le ministère des Mines n’ayant pas fourni les états de rapprochement des quantités et des teneurs des minerais exportés au cours des années antérieures à 2014, la commission n’a pas pu établir la véracité des faits.
Dans un deuxième temps, le réglementation précise que les sociétés minières doivent payer des redevances proportionnelles des autres métaux associés à l’or, comme l’argent, retrouvés après raffinage.
En 2013, la société BMC/Youga n’a pas tenu compte de la valeur de l’argent trouvé après le raffinage dans le paiement de ses royalties. Tous ces dysfonctionnements font perdre au Trésor public des recettes minières. La contribution des mines au développement du Burkina Faso est donc minimisée à cause de la non application de la réglementation en vigueur par les services administratifs.