Alors que les nouveaux textes statutaires de la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina (CCI-BF) ont été rendus publics le 5 février dernier, les frondeurs à l’origine du remue-ménage nourrissent des regrets. Dans la dynamique du changement insufflé par l’esprit de l’insurrection populaire de fin octobre 2014, le «Collectif pour une CCI-BF assainie», créé spontanément, avait demandé la dissolution des instances consulaires, la relecture des textes, un audit de la gestion antérieure et la mise en place des dispositions qui assurent une gestion transparente des ressources confiées à l’institution.
Si ces frondeurs «progressistes» ont obtenu gain de cause dès décembre 2014 avec la dissolution de l’Assemblée consulaire, ils n’ont pas tardé à déchanter quant à la suite du processus de reformatage.
D’abord, l’audit réclamé sur la gestion antérieure n’a pas eu lieu, alors que cela paraissait très important à leurs yeux.
Ensuite, en juillet 2015, au moment de faire des amendements au projet de textes proposé par le consultant recruté à cet effet, ils constateront de «nombreuses dispositions susceptibles de récréer les travers du passé», alors que la quasi-totalité de leurs propositions d’amendements a été rejetée.
Dès lors, le Collectif ne se faisait plus d’illusion sur la capacité des nouveaux textes à imposer «un vrai changement» dans la gestion de l’institution consulaire. A l’étape des amendements, nombreux points des nouveaux statuts avaient été critiqués. Mais les textes définitifs validés par le gouvernement ont maintenu ces points polémiques.
Parmi les prescriptions critiquées par le Collectif, il y a celles relatives aux pouvoirs du président de la Chambre de commerce. De l’avis du Collectif, le président dispose de pouvoirs incontrôlés et cela ouvre la porte à des abus. «Il est stipulé que le président est l’ordonnateur des dépenses de la CCI-BF, sans que l’on indique dans quelles conditions. En outre, le Directeur général de la CCI-BF, au lieu qu’il soit recruté par une procédure d’appel à candidatures est tout simplement «nommé» par le président. C’est également le président qui «recrute les agents de la CCI-BF sur proposition du DG, alors qu’il aurait été plus judicieux de faire un test ouvert à tous. C’est un ensemble de dispositions qui ouvrent la porte à des arrangements au détriment de la transparence», soutient le Collectif.
Le Collectif estime, par ailleurs, que les arguments du poids économique qui permet l’affectation des sièges aux différentes catégories restent flous et manquent de pertinence. Il critique plusieurs autres points.
Les nouveaux statuts n’ont pas retenu le souhait que les mandats des élus consulaires et des membres du bureau soient «limités à 2 de 5 ans non renouvelables». La proposition voulant «qu’au-delà des deux bassins économiques les plus importants du pays, tous les présidents des régions soient d’office membres du bureau» n’a pas également été retenue. Les nouveaux textes n’ont pas aussi retenu la proposition «de passer par des appels d’offres nationaux, suivant la réglementation générale des marchés publics, pour confier la gestion des services et équipements de la CCI-BF». En outre, le fait qu’il est seulement indiqué dans les textes que «les élus consulaires n’ont droit à aucune rétribution directe», sans ajouter «et indirecte» est perçu par le Collectif comme une brèche ouverte qui va permettre aux futurs membres du bureau de «s’attribuer des marchés de gré à gré sur la gestion des infrastructures, des missions personnelles en classe affaire, l’hébergement dans les hôtels de luxe aux frais de la CCI-BF, ainsi que des partages de subventions …». Le Collectif est également contre l’intégration du secteur minier à la CCI-BF.
En somme, selon le «Collectif pour une CCI-BF assainie», il manque aux nouveaux textes les garde-fous et la clarté qui permettent d’assurer une gestion transparente de l’institution. Le seul espoir qui lui reste maintenant est que dans la pratique les futurs dirigeants de la CCI-BF soient animés de bonne foi et fassent preuve de probité pour éviter de reproduire les travers du passé. Toute chose qui est loin d’être garantie à ses yeux.
Karim GADIAGA
L’amélioration de la gouvernance reste au menu
Même si les textes statutaires ne l’affirment pas clairement, promesse a été faite par la délégation spéciale actuelle d’améliorer la gouvernance de la CCI-BF. Lors de la présentation des nouveaux statuts le 5 février dernier, ce point été évoqué.
«Une charte d’éthique et de déontologie traitant notamment du caractère apolitique de la Chambre de commerce et d’industrie et des mesures à prendre pour prévenir les conflits d’intérêts et les délits d’initié sera soumise à la signature des élus consulaires dès le début de leur mandat; un comité d’éthique et de déontologie, ainsi qu’un comité d’audit seront créés pour respectivement s’assurer de la mise en œuvre effective de la charte et de la fiabilité des informations financières de l’institution», a indiqué le représentant du président de la délégation spéciale.