Dossier

UEMOA: sursis pour les commissaires, les juges virés

Cotonou, la capitale économique du Bénin, a accueilli le 19e sommet des chefs d’Etat de l’UEMOA. Tous ont répondu à l’appel sauf le Bissau guinéen qui s’est fait représenter. L’importance des sujets à débattre le méritait.
En dehors du traditionnel rapport sur la santé économique de l’Union, les chefs d’Etat ont eu pour plat de résistance de trancher deux dossiers tous relatifs au fonctionnement des organes de la communauté, notamment la question des mandats des commissaires et le blocage à la Cour de justice.
Le renouvellement ou non des mandats des 8 commissaires qui composent l’organe exécutif était à l’ordre du jour de la rencontre. Dirigée actuellement par le Sénégalais Cheikhe Hadjibou Soumaré, la présidence de la commission est actuellement convoitée par le Niger. En effet, à l’issue d’ âpres négociations, le Sénégalais avait été retenu pour assumer cette présidence de la commission à condition d’y faire un mandat. C’était en 2011.
Cependant, les termes de cet accord n’ont pas pu être respectés à l’issue du sommet de Cotonou. Les chefs d’Etat n’ont pas pu mettre en œuvre cet accord. Le Sénégal, ne voulant pas lâcher le poste, a posé un certains nombre de conditions. Mais rien n’était encore gagné à la veille du sommet. Selon les confidences d’un commissaire, personne ne savait encore ce que les chefs d’Etat allaient décider à ce sujet : changer tous les commissaires ou les maintenir en attendant un consensus.
Finalement, le sommet a opté pour le statut quo. Il prolonge de 6 mois l’ensemble des mandats en attendant de «régler les détails». Dans les coulisses, certains membres de délégations ont estimé que c’était la bonne option, diplomatiquement parlant, afin d’éviter le clash. Derrière ces «détails» se cache l’épineuse question de la répartition équitable des présidences des institutions communautaires. Il n’y a pas de règle écrite jusque-là. C’est le consensus qui a fonctionné jusqu’en 2011, à la fin du mandat du Malien Soumaïla Cissé. Le Niger qui n’a pas encore eu l’occasion de diriger la commission, a cédé en 2011 en espérant cette fois avoir droit au chapitre. Des propositions sont sur la table et le sommet extraordinaire prévu dans six mois devrait trancher définitivement cette question, sinon permettre au Niger de présider pour la première fois la commission de l’UEMOA.
Alassane Dramane Ouattara a la lourde responsabilité de coordonner cette passation de service et la mise en place d’une nouvelle composition de la Cour de justice de l’UEMOA, bloquée depuis plus de deux ans suite à des querelles intestines entre juges.
En effet, suite à des problèmes internes bloquant le fonctionnement normal de l’institution, la conférence des chefs d’Etat alors présidée par le Béninois Yayi Boni a renvoyé les 8 juges de la Cour chez eux. Du coup, les justiciables devant cette Cour n’ont plus eu de recours depuis plus d’un an.
Sur ce dossier, les chefs d’Etat avaient mis en place un Haut Comité chargé de faire des propositions pour sortir de l’impasse. Ses propositions ont été entérinées par le sommet, mais rien n’a encore filtré des détails de celles-ci.
Une chose est sûre, après l’adoption des textes en juin prochain, de nouveaux jugers seront nommés, parole du président burkinabè, Roch Marc Christian Kaboré, à l’issue du sommet: «A ce niveau, la décision a été très claire: les chefs d’Etat ont décidé d’assumer leur responsabilité en rappelant tous les magistrats et de procéder à leur renouvellement.
Il est inadmissible que des dossiers traînent au niveau de cette Cour et n’aient pas de solution, il est inadmissible que les magistrats eux-mêmes ne respectent pas leurs textes et se mettent dans un mouvement qui paralyse l’organisation depuis 2014 et de ce point de vue, les chefs d’Etat ont été fermes. Nous avons signé un acte qui va permettre de remplacer tous ceux qui étaient là et permettre à l’institution de jouer son rôle».
La Cour est présidée par le Bissau guinéen Daniel Lopes Ferreira. Contesté par ses pairs, il avait d’abord été «destitué» mais, en 2014, les chefs d’Etat l’ont réintégré. Le siège de la Cour est à Ouagadougou. Elle est constituée d’un juge par pays membre qui élit en son sein un président.

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ADO, le pompier

A l’unanimité, les chefs d’Etat de l’Union ont confié les rênes de la conférence au président ivoirien Alassane Dramane Ouattara (ADO). Il doit résoudre ce début de crise au sein de l’Union avant qu’elle ne crée plus de dégâts dans les rangs. La question de la présidence de l’Union sera définitivement tranchée en juin. Il a promis que les engagements seront respectés. On attend donc de voir. L’UEMOA joue sa crédibilité. Manifestement, les têtes couronnées de l’Union ont du mal à s’entendre sur la répartition des postes clés des institutions de la communauté. En 2011, après des tractations difficiles, l’actuel président de la commission, Hadjibou Soumaré, a été nommé, mais pour quatre ans.
Il s’agissait en ce temps-là de calmer les ardeurs du Niger en lui promettant le poste pour cette fois. Un acte additionnel a été pris dans ce sens le 16 novembre 2011. Mais face à l’égoïsme des uns et des autres, il a été foulé aux pieds.
Le rendez-vous du mois de juin est donc très attendu. Confier la présidence au Niger va peut-être mettre fin aux chasses gardées de certains postes des institutions de la communauté. Des changements sont annoncés: «Des ajustements seront faits en conséquence en ce qui concerne les autres structures de la communauté», expliquait ADO à son retour du sommet à Abidjan.


Brèves du sommet

– L’homme de la situation
Ce n’est peut-être pas un hasard. Alassane Dramane Ouattara est l’homme de la situation. Il vient d’être fraichement réélu. Il n’a donc pas de grosses échéances devant lui qui pourraient perturber son mandat. Ce qui n’est pas le cas du Nigérien qui se prépare à un scrutin déjà mouvementé.
Le Malien, quant à lui, est très occupé à régler les détails du nouvel accord de paix signé entre son gouvernement et les groupes rebelles, et à lutter contre le terrorisme dans le Nord du pays. Faure du Togo a passé la main à Boni Yayi du Bénin, il y a deux ans.
Le président bissau guinée, englué dans la préparation de nouvelles élections, n’a pas probablement la tête à gérer les problèmes de l’Union. Reste le président Kaboré du Burkina. A peine élu, il n’avait pas encore de gouvernement lorsqu’il se rendait au sommet de Cotonou. Un «bleu» donc qui a besoin d’un temps d’observation.
Dans ce contexte, on n’imaginait pas le Sénégal prendre la présidence. A l’arrivée, ADO était l’homme de la situation pour tenter de calmer le jeu et trouver une issue durable aux nominations à la tête des institutions communautaires.

– Le mystérieux acte additionnel
Voici quelques éléments de l’acte additionnel pris le 16 novembre 2011 à l’effet de régler la question de la nomination d’un commissaire nigérien à la tête de la commission après le seul mandat du commissaire sénégalais Cheikhe Hadjibou Soumaré. Cet acte n’aurait pas encore été officiellement public, selon notre confrère de «Le Reporter». Sur le site officiel de l’UEMOA, il n’y est pas. Seul l’acte nommant le président Cheickhe Hadjibou Soumaré daté du 16 novembre 2011 s’y trouve. Pourquoi l’acte du 16 novembre comportant la disposition spéciale n’a-t-il pas été publié ?

– «Article premier : Les fonctions de président de la commission de l’UEMOA seront confiées au candidat proposé par la République du Sénégal.

– Article 2: Le candidat désigné exercera un mandat unique de 4 ans couvrant la période 2011 – 2015. Le principe de la rotation à la présidence de la commission sera appliqué à l’expiration du mandat visé à l’article premier.

– Article 3: Le Niger est le seul Etat membre de l’Union habilité à proposer des candidatures pour le poste de président de la commission, pour le mandat à suivre».

– Roch invité en Côte d’Ivoire
Le président Roch Marc Christian Kaboré, qui participait à son premier sommet de l’Uemoa a eu une prise de contact avec ses pairs. Lors du tête-à-tête avec le président ivoirien, ce dernier a réitéré son invitation à son voisin pour une visite officielle dans les semaines à venir.

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