De commun accord, l’Etat burkinabè et la société de téléphonie Telecel Faso SA ont décidé d’abréger le contentieux qui les a conduits devant la justice. Ils vont se contenter de la décision rendue le 7 janvier 2014 par le Tribunal administratif de Ouagadougou, qui a condamné l’Etat à verser à Telecel Faso SA la somme d’environ 6,4 milliards de F CFA (précisément 6.456.715.218 F CFA) à titre de dommages et intérêts. Pas la peine d’aller plus loin et pas la peine de perdre davantage d’énergie dans cette querelle judiciaire. C’est la position dans laquelle se trouvent désormais les deux parties. Pour ce faire, chacune a renoncé à l’appel qu’elle souhaitait faire de la décision du Tribunal administratif.
Même si c’est l’Etat qui a été condamné le 7 janvier 2014, le verdict prononcé par la justice n’avait pas été véritablement à la hauteur des attentes de Telecel. Le gagnant, tout comme le perdant, avait donc décidé de faire appel devant la juridiction supérieure dans l’ordre administratif, en l’occurrence le Conseil d’Etat.
La situation est restée bloquée jusqu’à l’avènement du gouvernement de la transition. Plutôt que de s’installer dans une procédure «interminable et coûteuse», les deux parties ont accepté d’écourter la palabre. Une sorte de règlement à l’amiable, même si l’accord table malgré tout sur une décision de justice. C’est une option plutôt réaliste, qui partage la poire en deux. Au finish, l’Etat est condamné, mais il ne paiera pas la totalité du montant réclamé par Telecel. De son côté, Telecel est confirmée dans sa victoire, mais l’opérateur n’obtient pas un dédommagement à la hauteur de ses prétentions. Le gouvernement, par l’intermédiaire de l’Agent judiciaire du trésor (AJT), s’est engagé à mettre en exécution la décision judicaire du 7 janvier 2014.
Pour rappel, l’origine de cette affaire qui oppose Telecel Faso à l’Etat remonte à 2010 après l’opération de renouvellement des licences des opérateurs de téléphonie. Sur les trois opérateurs, les licences de Telecel Faso SA et de Airtel, acquises en 2000, étaient arrivées à expiration.
Ces deux opérateurs étaient contraints de faire un renouvellement. Par contre, la situation était différente pour l’Onatel SA et sa filiale Telmob.
La licence de l’Onatel acquise en 2006 pouvait encore courir jusqu’en 2014. Or l’Etat avait décidé d’anticiper cette échéance «afin de soumettre l’ensemble des opérateurs aux mêmes conditions financières par rapport à l’acquisition d’une licence». C’est l’explication qui avait été donnée en son temps.
A partir de 2010, le coût de la licence individuelle pour l’établissement et l’exploitation d’un réseau de communications électroniques a été fixé à 26.330.207.000 F CFA. C’est cette somme que Telecel et Airtel ont dû payer à l’Etat. Quant à l’Onatel, il a bénéficié d’un traitement spécial tenant compte du temps qui lui restait sur sa première licence acquise en 2006. C’est ainsi que la nouvelle licence de l’Onatel lui a coûté 17.298.124.000 F CFA en 2010, soit 9 milliards (9.032.083.000 de F CFA) de moins que les deux autres opérateurs. Pour Telecel, cette différence de traitement était discriminatoire et préjudiciable à l’esprit de la concurrence, étant donné qu’il y a un décret de 2009 qui fixe de manière invariable les conditions de délivrance des licences d’exploitation de réseaux électroniques. L’avocat de Telecel a estimé que l’Etat n’avait aucune raison d’anticiper le renouvellement à l’Onatel, quitte à commettre cette discrimination. Mieux, Telecel estime en avoir été directement victime. A l’occasion du renouvellement, l’Autorité de régulation (ARCEP) avait suspendu le réseau Telecel pendant 4 jours environ pour contraindre la société à payer immédiatement sa redevance.
C’est ainsi que Telecel Faso a saisi la justice pour obtenir réparation. Au départ, Telecel a tout simplement estimé qu’il y a eu un trop perçu à son niveau. La société a alors demandé, au nom du principe de l’égalité, à l’Etat de lui retourner ce qu’elle a payé de plus que l’Onatel. C’est-à-dire la somme d’environ 9 milliards de F CFA. Au finish, la justice lui a donné raison, mais fixe le montant des dommages et intérêts à environ 6 milliards de F CFA. C’est moins que ce qui était attendu, mais le règlement à l’amiable met fin à la querelle. On peut penser que l’Etat aussi s’en sort bien.
Karim GADIAGA
Au nom du principe d’égalité
A l’origine de la plainte de Telecel Faso, il y a ce principe: «Si on a permis à Telmob de payer 17.298.124.000 F CFA, alors pourquoi pas Telecel ?». La bataille pour obtenir réparation a commencé le 12 octobre 2011 avec un recours préalable d’indemnisation déposé auprès de l’AJT (Agent judiciaire du trésor). C’est la procédure normale. Ce qui s’en est suivi a conduit l’affaire devant le Tribunal administratif le 12 février 2012.
Les différentes parties ont pu se livrer le 28 novembre 2013 à de longs débats qui ont duré plus de trois heures. C’est à cette occasion que le juge a mis l’affaire en délibéré. A ce stade, il estimait avoir eu tous les éléments qui lui permettent de rendre sa décision. L’audience du 7 janvier a juste consisté à rendre le verdict. Ce ne sont pas les 9 milliards demandés au départ par Telecel qui ont été accordés par le juge, mais c’est quand même plus de 6 milliards que l’opérateur devrait recevoir à titre de dommages et intérêts. Airtel aurait pu également se joindre à cette bagarre, mais en son temps l’opérateur n’avait pas voulu faire de réclamation.