Depuis le 29 novembre 2015, les Burkinabè ont porté leur choix sur Roch Marc Christian Kaboré pour présider à la destinée du pays des Hommes intègres. Le 29 décembre 2015, le candidat élu a été investi. C’est le 9e président du Burkina Faso. Pour la première fois au Burkina Faso, un président civil passe le témoin à un autre civil. Pour la première fois, il n’y a eu aucune contestation après la proclamation des résultats de l’élection présidentielle ; et pour la première fois, neuf chefs d’Etat étaient présents à une investiture d’un chef d’Etat au Burkina Faso. Roch a pris les rênes du Burkina et cesse d’être le chef partisan comme l’a rappelé le président du Conseil constitutionnel, Kassoum Kambou.
La journée du 29 décembre fut longue, dans l’attente. Prévue pour démarrer à 11h00, c’est finalement à 12h35mn que la cérémonie a commencé. Le président de la transition, Michel Kafando, fort ovationné, s’est adressé à l’assemblée, pendant 5mn, pour rappeler que ce jour était un «jour chargé de symbole, où le Burkina Faso va inaugurer une nouvelle ère de son histoire, conformément au vœu exprimé lors du mouvement insurrectionnel des 30 et 31 octobre 2014». Pour encore rappeler que, «pour la troisième fois, le Burkina Faso va avoir un président civil, sur les neuf chefs d’Etat de son histoire». Puis, il a été tout reconnaissant envers la nation burkinabè et tous les invités, avant de souhaiter tout le bonheur et le succès possibles à son successeur, Roch Marc Christian Kaboré.
Ce bref discours passé, le Conseil constitutionnel est entré en scène. Son président, Kassoum Kambou, a désigné deux collaborateurs pour introduire le président élu. Anatole Tiendrébéogo et Maria Goretti Sawadogo se sont dirigés vers la sortie ouest du Palais des Sports à 12h52mn. Quatre minutes plus tard, ils sont revenus dans la salle, suivis du nouvel élu. Et la salle a clamé: «Prési! Prési!». Roch était serein dans sa démarche. Kassoum Kambou l’a invité à s’asseoir, il était alors 12h58mn. Il prit place dans le fauteuil. Le président du Conseil Constitutionnel demanda à son secrétaire général de lire des ordonnances. Une longue lecture pour faire place à la prestation de serment du nouveau président. Il était 13h14 mn! D’une voix imposante, la main droite levée sur la Constitution du Burkina, Roch Marc Christian Kaboré délama dès cet instant: «Je jure devant le peuple burkinabè et sur mon honneur de préserver, de respecter, de faire respecter et de défendre la Constitution, la Charte de la transition et les lois, de tout mettre en œuvre pour garantir la justice à tous les habitants du Burkina Faso».
Tonnerre d’applaudissements dans la salle. A 13h15mn, le président du Conseil constitutionnel donna acte du serment de Roch Marc Christian Kaboré, le déclara installé dans ses fonctions de président du Faso et le renvoya à l’exercice de ses fonctions. La clameur devint forte dans la salle archicomble. Puis arriva le moment du dépôt de la liste de ses biens. Il sacrifia à cette exigence. Ainsi, Roch gravit la marche qui fit de lui: président du Faso! Directeur général, ministre, Premier ministre, président de l’Assemblée nationale, il est passé par là. La charge émotionnelle était donc perceptible.
A 13h29, un autre Roch entra en scène: le Grand chancelier des Ordres burkinabè, Roch Compaoré, lui remis le collier de Grand Maître.
Puis toute la salle s’est dressée, debout, pendant le déplacement du drapeau national porté par la Garde rouge. Le porteur du drapeau se mit derrière Roch. Ce dernier resta toujours stoïque, mais certainement pensant aux nombreux défis qui l’attendent. Le Ditaa-nyè retentit dans la cuvette du Palais des Sports. Honneur à une Nation! Tout le monde s’est enfin rassi pour écouter Roch Marc Christian Kaboré qui parlait pour la première fois en tant que chefs d’Etat. Il montra, à la fois, dans ce discours de 20 mn pile, son ouverture mais aussi sa fermeté. Mais avant, il ne manqua pas de saluer l’action de ses devanciers, le travail de la transition et le sacrifice du peuple burkinabè, avant de demander une minute de silence pour tous ceux qui ont versé leur sang pour l’avènement de ce Burkina nouveau: «Leur sang versé a contribué à forger le destin du Burkina Faso pour le faire sortir de l’impasse dans laquelle certains esprits mal intentionnés voulaient le plonger à jamais».
Un premier engagement a été pris solennellement par le nouveau locataire de Kosyam: «Je prends ici l’engagement d’instaurer un dialogue social fécond avec tous les Burkinabè pour qu’ensemble nous brisions les chaînes de la misère pour construire, dans la tolérance et la discipline républicaine, une Nation forte, digne et respectée». Cela «signifie et impose(…) que nous reconnaissions à l’Etat sa place et son rôle prépondérant, dans la conduite des affaires publiques, son autorité, toute son autorité dans le fonctionnement harmonieux et régulier des institutions républicaines afin de garantir une bonne gouvernance au profit de l’ensemble des citoyens».
Pour le président du Faso, à fin de répondre à la quête de justice, de transparence, de démocratie et de prospérité partagée, «la réconciliation nationale en sera le socle; la paix, le moteur; la vérité, la justice et la transparence, les adjuvants essentiels, pour construire ensemble dans la durée une Nation forte, fière, prospère et intègre». Roch est resté donc ferme par rapport à l’incivisme qui a pris des galons.
Il a prévenu sur un ton de fermeté: «L’incivisme, la remise en cause de l’autorité de l’Etat, et d’une manière générale, le non-respect de la loi par les citoyens et les personnes morales doivent cesser immédiatement.
En tout état de cause, toutes les mesures seront étudiées et mises en œuvre pour que force reste à la loi. Partout, l’ordre et la discipline doivent régner, pour nous permettre, dans le dialogue et la concertation, de rechercher les solutions appropriées aux problèmes que vivent les Burkinabè». Le décor était ainsi campé. Le boulot peut commencer. Roch est le premier à savoir que ce ne sera pas facile, mais, dit-il , «c’est le prix à payer si nous ne voulons plus continuer à vivre dans un Burkina Faso à plusieurs vitesses, à l’avenir incertain, où le fossé s’agrandit chaque jour entre un nombre toujours plus restreint de nantis qui ont des droits et les larges masses populaires condamnées à la paupérisation et à l’exclusion».
Après ce discours qui campa le décor, Michel Kafando a été invité à aller féliciter son successeur. Puis, précisément à 13h59, Roch Kaboré raccompagna Michel Kafando hors de la salle avant d’y revenir pour recevoir les congratulations des convives. Fin définitive de la transition avec cet acte qui consacra la transmission du pouvoir au nouveau président élu.
Alexandre Le Grand ROUAMBA
Le président nigérien, la star
A l’occasion de l’investiture de Roch Marc Christian Kaboré, 9 chefs d’Etats étaient présents. Ce sont ceux du Sénégal, du Togo, du Bénin, du Gabon, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée, du Niger, du Ghana et du Mali. Les anciens chefs d’Etat du Ghana (Rawlings) et du Nigeria (Obasanjo) avaient fait également le déplacement. Les Premiers ministres du Maroc et du Liberia étaient également là, tout comme une délégation américaine conduite par le sous-secrétaire chargé des Affaires africaines.
Invités à aller féliciter le nouveau président du Faso à l’appel de leur nom, chacun des chefs d’Etat a eu son «applaudimètre». Si tout le monde s’attendait à ce que le président ivoirien soit timidement accueilli, il a été ovationné. Et un observateur de commenter: «Le peuple burkinabè est vraiment tolérant». Puis, des applaudissements timides pour Faure du Togo, beaucoup plus nourris pour l’ancien président Ghanéen, Rawlings.
La star du jour a été sans conteste le président Mahamadou Issoufou du Niger. Très ovationné, on pouvait sentir l’émotion dans sa démarche. Beaucoup se sont accordés à reconnaître qu’il l’a mérité pour son implication tranchée dans la résolution de la crise au Burkina.