Du 15 au 17 décembre dernier, s’est tenue la conférence annuelle de la Direction générale des impôts (DGI) sur le thème de la gestion des ressources humaines. Le Syndicat national des agents des impôts et des domaines (SNAID) y a pris part. Avec son secrétaire général, François D. Moyenga, L’Economiste du Faso revient sur le thème et surtout les attentes du syndicat pour une meilleure gestion des agents.
– L’Economiste du Faso : Le thème de la conférence annuelle est un vrai sujet de préoccupation pour votre organisation ?
François D. Moyenga, SG du SNAID: Lorsque l’administration nous a saisis par rapport à ce thème, nous étions très intéressés. La gestion des ressources humaines est le nœud gordien à la DGI. Depuis plus d’une décennie, les revendications du syndicat tournent autour de la résolution des problèmes liés à la gestion des ressources humaines. C’est donc une opportunité pour le syndicat de pouvoir participer aux échanges et de défendre son point de vue sur la gestion des carrières des agents.
– Justement, on parle d’un document de plan de carrière adopté depuis 2009 et qui serait resté lettres mortes. Pouvez-vous nous résumer son contenu et qu’est-ce qu’il devait changer dans le fonctionnement de la DG ?
En réalité, le plan de carrière date de 1996 et les différents directeurs généraux qui se sont succédé depuis lors n’ont jamais voulu le mettre en œuvre.
– Pourquoi ?
Parce que la mise en œuvre du plan de carrière heurte leurs intérêts. Le plan de carrière trace le cheminement d’un agent de la DGI dès sa prise de service, en termes de motivation, d’affectation, de nomination et de décoration. C’est un document paraphé par la direction générale et les représentants des travailleurs. Ce devait être un outil obligatoire pour l’ensemble des parties prenantes. Mais, l’administration n’a jamais joué son rôle. Prenons la question des nominations. On ne peut être nommé chef de service à Ouagadougou que si on a accompli 12 ans de service à la DGI dont 10 dans l’emploi des inspecteurs des impôts. Cela n’est pas respecté. Dans le plan de carrière, il existe un outil appelé collège de tri. Lorsqu’il y a un poste vacant, ce collège examine le profil des candidatures et fait des propositions à la direction générale. C’est dans ce lot que la direction générale fait son choix. Ce collège n’a jamais été mis sur pied.
– Ce collège ne remet-il pas en cause le pouvoir discrétionnaire du DG en termes de nominations ?
Non, absolument pas. Puisque c’est un travail technique préalable qui est fait. C’est pour éviter ce qui est fait aujourd’hui. Les nominations, c’est une affaire de copains et de coquins. C’est à cela que la mise en œuvre du plan de carrière veut mettre fin. C’est pour éviter que les nominations ne soient fondées sur des considérations partisanes ou d’affinités personnelles. Le syndicat se bat pour une administration républicaine.
– Vous attendez donc que la conférence annuelle décide de l’application de ce plan de carrière?
Tout à fait. Nous souhaitons même l’approfondir parce que nous voulons aller plus loin. C’est-à-dire: hiérarchiser les emplois. Par exemple, un inspecteur des impôts reste un inspecteur des impôts. Qu’il débute maintenant ou qu’il ait 20 ans de service. Le syndicat a proposé que l’on hiérarchise de cette façon: inspecteur divisionnaire, inspecteur principal, administrateur des services fiscaux adjoint, administrateur des services fiscaux. On mettra des balises de sorte que pour être nommé chef de service, il faut avoir le grade d’inspecteur principal et pour passer d’inspecteur divisionnaire a inspecteur principal, il faudra un concours professionnel ou de l’ancienneté. C’est un ensemble de choses que nous souhaitons voir mis en œuvre pour qu’il y ait un minimum d’objectivité dans la gestion des carrières des agents.
– La question des contractuels et des bénévoles aussi poserait des problèmes dans la gestion du personnel. De quoi s’agit –il ?
Il y a eu plusieurs étapes. Quand nous sommes arrivés à la tête du syndicat, il y avait ce qu’on appellait les journaliers. L’administration, en manque de personnel d’appui, puise sur les fonds d’équipements pour recruter ces travailleurs-là. Mais on s’est rendu compte que ce sont aux amis, aux parents et aux maitresses qu’on faisait bénéficier ce statut. On les payait autour de 30.000 F CFA. Le premier combat du syndicat, c’était de leur trouver un statut. Celui de contractuel à durée indéterminée, puisqu’on avait remarqué que certains étaient journaliers depuis 10 à 15 ans. On a réussi à leur trouver ce statut. Après cela, c’est le statut de contractuel de l’Etat que nous avons pu obtenir pour eux.
– Combien étaient-ils?
Au nombre d’une cinquantaine pour l’ensemble de la DGI.
– Mais le problème aujourd’hui est à quel niveau ?
En son temps, nous avions opposé comme condition que la direction mette fin à ce type de recrutement. Mais cela n’a pas été respecté. L’administration continue de recruter des contractuels à durée déterminée pour contourner la mesure. Pire, l’administration continue d’entretenir le système de bénévolat qui n’est même pas prévu par la loi… C’est totalement illégal. Aujourd’hui, ces bénévoles sont près d’une cinquantaine. Cela précarise non seulement les gens, mais pose aussi un problème de responsabilité, puisque le ministre en son temps avait pris une note visant à y mettre fin. Mais dans les localités, les services n’ont pas le personnel requis, ils prennent ces bénévoles qui n’ont pas de statut, mais sont soumis à un rythme de travail et qui font des sorties de terrain, alors qu’ils n’ont aucune qualité pour le faire. C’est très grave. Nous avons interpellé le ministre de tutelle actuel, mais rien de satisfaisant.
– Terminons avec la guéguerre au niveau des fonds communs. Au niveau des impôts, où en êtes-vous ?
Il y a beaucoup de choses qui sont dites dans la presse depuis un certains temps à ce sujet. Au niveau de notre syndicat, nous n’avons pas voulu en rajouter. Le problème est actuellement très mal posé dans le débat public. Au niveau de la DGI, le fonds commun existe depuis les temps coloniaux. Les recherches que nous avons faites font état de textes officiels depuis 1961. A notre niveau, le problème ne se pose pas en termes de réduction des écarts. Tout ce que les travailleurs ont obtenu jusque-là, c’est le fruit de leurs luttes. Si les autres travailleurs estiment qu’ils méritent plus, qu’ils engagent la lutte, nous les soutiendrons. Mais, que l’on évite les comparaisons qui sont sources de division des travailleurs. Aujourd’hui, au sein même de la DGI, le débat est en cours puisque certains estiment que les écarts sont grands entre les catégories. Le syndicat ne s’est pas encore prononcé officiellement sur le sujet. Nous attendons notre congrès pour le faire.
– Il est question de sécuriser le fonds commun également.
Oui, parce que nous voulons qu’il soit sécurisé par l’adoption d’une loi. Ce qui n’est pas le cas actuellement. Il faut reconnaitre cette prime-là aux agents des régies financières. Cette disposition va permettre de prévoir d’avance ses fonds-là. Actuellement, il est indexé sur les recouvrements.
Entretien réalisé par Abdoulaye TAO
La mise en œuvre des recommandations attendue
Le syndicat des impôts s’est réjoui du choix du thème qui est une vraie préoccupation des agents des impôts et des domaines. Ses représentants disent avoir pu exprimer leurs idées, mais attendent de voir la mise en œuvre effective des recommandations. Car c’est surtout à ce niveau que pêche l’administration. A l’ouverture de la conférence annuelle, le DG des impôts avait déclaré que la pyramide des emplois avait pris la forme d’un entonnoir au fil des ans. Trois recommandations relatives à ce sujet ont été prises par la conférence. Il s’agit de :
– La prise en compte effective des besoins réels exprimés par la DGI dans les processus de recrutement du personnel.
– La mise à la disposition de la DGI d’un personnel d’appui en qualité et en quantité
– L’érection du service des ressources humaines en direction, la création d’un service social rattaché.