La prophétie de Salif Diallo, 1er vice-président du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), s’est réalisée et en un seul tour: Roch Marc Christian Kaboré est le nouveau président du Burkina Faso avec 53,49% des suffrages exprimés.
Directeur général, ministre, Premier ministre, président de l’Assemblée nationale, il ne restait que la magistrature suprême pour compléter le CV de Roch Marc Christian Kaboré, seulement 24 mois après sa démission du CDP et la création de son parti. Il a obtenu au total 1.668.169 voix et jouit ainsi d’une grande légitimité. On se rappelle qu’en 2010, Blaise Compaoré avait obtenu 1.357.315 voix élection à laquelle avait pris part 7 candidats (contre 14 en 2015).
Le candidat du MPP succèdera donc à Michel Kafando comme président du Faso. Et voilà le 3e président civil après Maurice Yaméogo et Michel Kafando!
Une ère nouvelle s’ouvre pour le Burkina Faso. Le pays des Hommes intègres vient de traverser une zone de turbulences. Le peuple burkinabè vient d’embarquer dans un autre avion pour essayer de décoller et voler plus haut. Ce vol se doit d’atteindre rapidement sa vitesse de croisière tant les défis sont innombrables.
En attendant que le dernier mot ne revienne au Conseil constitutionnel qui dispose de 15 jours pour valider ces résultats, Roch et le MPP ont le triomphe humble: «Nous voulons promouvoir la démocratie et la liberté. Faire en sorte que la jeunesse ait des emplois et ait une certaine dignité». Et Salif Diallo, directeur de campagne du MPP, d’ajouter: «Tous les candidats sont à féliciter. Les élections ne sont qu’un moyen et non un but. Les défis sont nombreux. L’esprit de l’insurrection a soufflé sur ces élections. Il faut prendre cette victoire en toute humilité. C’est la victoire de tout le peuple burkinabè. Nous n’avons pas le choix que d’aller avec la jeunesse qui est l’avenir radieux de notre pays».
La pression sociale sera de retour et le nouveau pouvoir risque de ne pas avoir un délai de grâce. 46% de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté. Les défis sont donc énormes. Il faudra travailler avec toutes les structures.
Il faut des actes forts du nouveau président pour rassurer. Ceci passe entre autres par l’examen minutieux des recommandations contenues dans le rapport de la Commission de la réconciliation nationale et des réformes. La réconciliation des fils et filles du Burkina reste un gros chantier à défricher pour qui connaît l’histoire récente de ce pays. Donc, cette victoire, loin d’être un cadeau, est une charge, pour ne pas dire un fardeau sur les épaules du nouvel élu.
A l’analyse des résultats, l’on remarquera la baisse du candidat de l’UNIR/PS, Me Bénéwendé Sankara, qui totalise, après s’être présenté à trois reprises à la présidentielle, 2,77% des voix, alors qu’en 2010, il décrochait 6,34% des voix et que lors de sa première tentative en 2005, il arrivait deuxième après Blaise Compaoré avec 4,94%. Comme on le voit, Me Bénéwendé Sankara arrivait 2e en 2005, 3e en 2010 et 4e en 2015. Cette fois, il est coiffé à la 3e place par le jeune Tahirou Barry du PAREN.
Pour un premier essai, le candidat du PAREN ne devra pas rougir de son score (3,9%). Ablassé Ouédraogo, novice dans cette consultation présidentielle, se réjouit de son score (1,93%), score qui le positionne à la 5e place, devançant ainsi Ram Ouédraogo qui postulait pour la 3e fois et qui n’a récolté que 0,68%. Saran Sérémé peut également se réjouir pour cette première tentative, car arrivant juste derrière Ablassé Ouédraogo avec 1,73%.
D’autres nouveaux prétendants ont pu passer la barre de 1%, les confortant à mieux se préparer pour les prochaines fois: ce sont Victorien Tougouma (1,63%), Jean-Baptiste Natama (1,36%), Issaka Zampaligré (1,22%). Le temps de la campagne est passé. On peut regretter le fort taux d’abstention qui est de 40% tout en se félicitant du taux de participation qui est fixé à 60%. La Commission électorale nationale indépendante (CENI) aura relevé le défi de l’organisation de ces élections qui étaient loin d’être évidentes. Mieux, elle a gagné le pari de la proclamation des résultats à jour J+1.
L’heure est maintenant au travail. Déjà, les Burkinabè ont gagné l’organisation des élections sans accroc majeur, et cela doit être salué. Il appartient à tous de garder haut cette estime qui est désormais la marque déposée du pays des Hommes intègres, pour ne pas brader ce capital de confiance et de considération que le monde entier a placé en ce pays. Il y a eu des gestes qui augurent d’un Burkina vraiment nouveau où le perdant se déplace pour aller féliciter le vainqueur. En effet, chaque Burkinabè a pu saluer l’élégance de Zéphirin Diabré, challenger de Roch, qui s’est déplacé avant la proclamation des résultats au quartier général de ce dernier pour lui présenter ses félicitations. Roch Kaboré et Zéphirin Diabré se connaissent du reste très bien : le premier a fait du deuxième ministre de la République, puis ils se sont unis pour évincer Blaise Compaoré, leur ancien mentor.
Ce sont donc deux gentlemen politiques qui donnent ainsi un bel exemple indispensable à la paix et à la cohésion dans notre pays. D’autres candidats malheureux l’ont aussi fait. C’est le Burkina et sa démocratie qui en sortent gagnants. Si les nouveaux gouvernants se rappellent constamment d’où le Burkina (re)vient, on ne peut qu’espérer un Burkina nouveau.
Alexandre Le Grand ROUAMBA
Un destin tout tracé
Du haut de ses 58 ans, l’homme au tempérament calme et conciliateur est marié et père de trois enfants. Il va bientôt s’installer à Kosyam. Il a osé et y a cru, et se voit ainsi récompensé même si les 5 prochaines années vont se révéler un vrai chemin de croix pour lui et son équipe. A 27 ans, le nouveau président du Faso, était déjà Directeur général d’une banque. Roch Marc Christian Kaboré s’est installé progressivement dans l’entourage de Blaise Compaoré.
Ancien ministre des Transports, puis ministre chargé de la Coordination de l’action gouvernementale, le fils de Bila Kaboré (qui fut lui aussi ministre de la République) accède à la primature en 1994, après un détour au ministère des Finances où il occupa le fauteuil de l’argentier du Burkina. Son destin qui semblait tout tracé va l’emmener à occuper le fauteuil de président de l’Assemblée nationale de 2002 à 2012. Il fut du reste le seul à diriger le parlement pendant deux mandatures. Parallèlement à ces fonctions, il occupait le poste de secrétaire exécutif du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), l’ex-parti majoritaire, de 1999 à 2003, avant d’en être élu président de 2003 à 2012. Beaucoup voyaient en lui le dauphin désigné de Blaise Compaoré. Mais les relations entre ces deux vieux «amis» vont se détériorer. L’économiste sera progressivement écarté dès le début des années 2010. Assimi Kouanda, homme fidèle de Blaise Compaoré, lui succédera à la tête du parti en 2012.
Survient ensuite la question de l’article 37 de la Constitution qui amènera Roch Marc Christian Kaboré à basculer définitivement dans l’opposition en janvier 2014 avec des dinosaures comme Salif Diallo et Simon Compaoré, devenus respectivement 1er et 2e vice-présidents du nouveau parti, le MPP, créé le 25 janvier 2014. Dix mois après ces démissions et l’avènement de ce parti social-démocrate, une insurrection populaire à laquelle le MPP a activement pris part emporte le régime. Les élections du 29 novembre dernier installent finalement Roch au palais, moins de 2 ans après la création du parti.
Les priorités du président
Dans son programme politique, Roch Kaboré a tablé sur un développement du Burkina à travers 5 axes. Il s’agit de la réforme des institutions et de l’administration, de la mise en œuvre d’un nouveau modèle de développement, la promotion et la vulgarisation des TIC, la dynamisation du secteur privé et le partage des fruits de la croissance.