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Programmes politiques : La SCADD, l’oubliée de la campagne

Quelle soit relative ou radicale, tous les candidats en lice pour la présidentielle promettent une certaine «rupture» d’avec la vision et les pratiques sous le régime de Blaise Compaoré. «Le changement» est le maître-mot à tous les niveaux. Les programmes présidentiels, plus ou moins formalisés et plus ou moins lisibles essaient, chacun, de révéler le contour de ce changement envisagé. Mais l’une des questions importantes que l’on doit se poser aujourd’hui, sur le plan de l’applicabilité de ces programmes en promotion, c’est celle de leur cohérence avec les engagements déjà scellés avec les Partenaires techniques et financiers (PTF), les bailleurs de fonds extérieurs notamment.

Jusque-là, le Burkina a toujours sollicité l’accompagnement des PTF pour financer une partie de ses projets de développement. A titre d’exemple, le rapport 2015 sur la coopération, citant la Direction générale du budget (DGB), indique qu’en 2014, les dépenses d’investissement sur financement extérieur (prêts, subventions) s’élevaient à plus de 370 milliards de F CFA, soit près de 20% des dépenses totales. Ce chiffre donne une idée du poids de l’extérieur dans le financement du développement du Burkina.
Une dépendance que les candidats à cette présidentielle n’ont visiblement pas prévu de rompre. Même si certains envisagent de mettre l’accent sur une stratégie de mobilisation interne des ressources, aucun des prétendants à la magistrature suprême n’a formellement exclu de faire recours aux PTF dans le cadre du financement son programme de développement.
Se souviennent-ils alors qu’à ce jour le référentiel de développement sur lequel se base la communauté des bailleurs de fonds pour accompagner le Burkina est la Stratégie de croissance accélérée et de développement durable (SCADD) ? Cette stratégie que le gouvernement a adoptée comme cadre d’orientation du développement économique et social du Burkina Faso. Elle entre dans son deuxième cycle quinquennal à partir de 2016.
Le constat est que les candidats parlent très peu ou presque pas de la SCADD. Le leitmotiv de la plupart d’entre eux étant le changement, il va de soi que leurs programmes se démarquent également du format actuel de la SCADD, adopté en 2010 par le régime Compaoré. A priori, il y aura un décalage dans la vision.
Trois possibilités sont alors envisageables. Le futur président va-t-il se débarrasser du programme pour lequel il a été élu au profit de la SCADD ? Va-t-il supprimer la SCADD pour dérouler son programme ? La SCADD va-t-elle être adaptée au programme présidentiel ? Sur cette préoccupation, un expert ayant travaillé sur la SCADD explique que c’est la troisième éventualité qui parait la plus plausible.
«Les problèmes de développement du Burkina sont connus de tous. Ils ne devraient pas varier d’un président à un autre. Maintenant, il y a la définition des priorités et les schémas pour résoudre les différents problèmes», remarque-t-il. «La SCADD a déjà répertorié tous les secteurs prioritaires dans le développement du Burkina. Toutefois, que l’on soit un président qui prône une politique libérale ou un président tourné vers le social, on n’a pas la même façon de choisir les priorités», ajoute-t-il.
C’est dire donc qu’on s’achemine vers une redéfinition du contenu de la SCADD. Avec le futur président, le référentiel devrait tout au moins subir un coup de lifting qui l’adapterait au programme présidentiel du nouveau locataire du palais de Kosyam. Lorsque sous Blaise Compaoré les critiques des opposants ont indexé la SCADD comme «un prétexte qui masque l’absence d’un programme présidentiel», son Premier ministre Tiao avait répondu que «la SCADD est l’opérationnalisation du programme présidentiel». Avec le prochain président, on devrait également rester dans cette vision où la SCADD est une émanation du programme présidentiel.
«Il devrait nécessairement avoir un travail d’adaptation pour cela. Les bailleurs de fonds devraient aussi le comprendre car le président est élu sur la base de son programme et il a une légitimité pour imposer ses orientations», indique l’expert de la SCADD qui, par ailleurs, fait remarquer qu’au Sénégal, l’élection de Maky Sall a entrainé la révision et la réadaptation du «Plan Sénégal émergent», l’équivalent de la SCADD, adopté sous le président Abdoulaye Wade.
Karim GADIAGA


Quel est le sens de la SCADD ?

Adoptée en 2010, la SCADD est un cadre d’orientation du développement économique et social du Burkina Faso. On précise qu’elle «n’est ni un programme, ni un projet au sens strict». Elle fait suite «aux résultats insuffisants» obtenus par le Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP) de 2000 à 2010. Tout comme le CSLP, la SCADD a pour but «la réduction de la pauvreté, mais, par le développement des capacités productives de l’économie nationale, en concentrant les investissements publics dans les secteurs susceptibles de créer plus de richesses et d’emplois et d’améliorer les revenus des populations les plus pauvres pour leur permettre d’accéder aisément et durablement aux services sociaux».
La SCADD couvre en réalité l’horizon de la vision de développement à long terme du Burkina Faso, déclinée par l’Étude nationale prospective (ENP) Burkina 2025. Elle est mise en œuvre par cycles quinquennaux. Le premier couvre la période 2011-2015.
Les secteurs prioritaires d’intervention pour la période 2011-2015 sont: le secteur agricole, les mines, l’artisanat, les industries culturelles et touristiques, les Petites et moyennes entreprises et Petites et moyennes industries (PME/PMI).
Le coût global estimé de la SCADD est 7.500 milliards de F CFA environ. 63,3% de ce montant sont prévus pour être financés sur ressources propres, 34,5% sur ressources extérieures et 2,2% par la mobilisation de l’épargne nationale et sous-régionale, ainsi que par le mécanisme du Partenariat public-privé (PPP).

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