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Législatives: des candidats inéligibles

Depuis le 8 novembre dernier, les 14 candidats à l’élection présidentielle du 29 novembre prochain sont en pleine campagne électorale. A quelques jours du scrutin, le président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Me Barthelemy Kéré, se confie à votre journal. De l’histoire des fausses cartes d’électeur aux candidats inéligibles non remplacés jusqu’à la transparence du scrutin, il dit tout.

– L’Economiste du Faso : Tous les candidats déclarés inéligibles aux législatives ont-ils été remplacés à ce jour ?
Me Barthelemy Kéré (Président de la CENI) : Tous les candidats qui ont été déclarés inéligibles n’ont pas été remplacés. L’ensemble des candidats du CDP, de l’ADF/RDA, de l’UPR et celui de l’UBN n’ont pas été remplacés jusqu’à la date du 6 novembre 2015 (ndlr, au moment où nous bouclions cette édition).

– Quelle est la suite face à ce constat?
La CENI a informé les partis politiques qui étaient dans cette situation que le mandataire de la liste peut toujours procéder au remplacement ; mais le Code électoral explique que ce remplacement peut avoir lieu jusqu’à la veille du scrutin (ndlr, le 28 novembre) à 00h. Nous avons rappelé aux personnalités intéressées cette possibilité légale.

– Si les intéressés décident d’attendre le dernier moment pour satisfaire à cette disposition légale, cela ne vous dérangerait-il pas dans votre plan de travail ?
On a une sorte d’inconfort. Le Code électoral ne dit pas ce qu’on doit faire en pareille situation. La CENI ne peut que recevoir, s’il y a lieu, les déclarations complémentaires, les publier par voie de presse et en aviser le Conseil Constitutionnel. Lorsque vous recevez une telle déclaration la veille du scrutin, on peut certes en aviser le Conseil Constitutionnel, mais comment les publier par voie de presse le 28 novembre pour un scrutin du 29 novembre ? Tous les juristes sont d’accord qu’il y a un vide dans cette disposition du Code électoral qu’il va falloir combler. Il faudra que le législateur dise qui intervient dans ce dossier dans un tel cas de figure.

– Que se passera-t-il si les partis politiques concernés décident de ne pas remplacer les candidats inéligibles?
Le Code précise que toute liste incomplète est invalide. Si une liste est invalide, vous ne pouvez pas reporter des voix sur cette liste. En clair, si vous votez pour une liste invalide, vos voix sont nulles. Que va faire le Conseil Constitutionnel ? Je ne sais pas.

– Qu’est-ce qui fait dire que la CENI est fin prête pour les élections couplées du 29 novembre 2015?
Ce sont les dispositions matérielles qui sont en place. Nous avons déjà un fichier électoral qui était prêt pour les élections du 11 octobre dernier (ndlr, repoussées à cause du coup d’Etat manqué du 16 septembre).
Dans la perspective de l’élection reportée au 29 novembre prochain, avec l’avantage de la biométrie, nous avons identifié 4.100 nouveaux électeurs qui vont être majeurs à partir du 29 novembre. Nous avons, par arrêté, publié la liste des 4.100 nouveaux électeurs. Evidemment, le contentieux est ouvert.
Ce chiffre ramène le nombre total d’électeurs à 5.517.015 qui seront répartis dans 17.998 bureaux de vote.

– Vous manque-t-il quelque chose pour que le travail soit pleinement accompli ?
Le budget qui était prévu était de 54 milliards de F CFA. Depuis le mois de mars 2015, nous étions à un déficit de 12 milliards de F CFA. Nous ne sommes pas dérangés pour ce qui concerne les élections couplées de novembre dont le budget est bouclé.
Le budget des municipales fait 16 milliards de F CFA. Avec la situation du coup d’état manqué que nous avons connu, il y a une incidence. Les bulletins avaient été déjà imprimés. L’impression d’un certain nombre de listes électorales avait déjà été lancée. Il a fallu donc jeter tout ça et reprendre, et cela a un coût.

– Beaucoup de bonnes volontés ont tendu la main à la CENI. Quel est le point des dons qui ont été faits ?
L’USAID, l’Union européenne, le Luxembourg, le Danemark, l’Allemagne (qui a déjà donné une importante contribution pour les municipales), la France, la Chine Taïwan, le Japon, la Suède, le NED, la coopération suisse, le PNUD, la CEDEAO et l’Union africaine (pour laquelle nous attendons toujours le décaissement), le Nigeria (qui a offert 20 véhicules Pick up).
Nous sommes en discussion avec l’Egypte et la Tunisie qui sont en train de chercher à identifier la façon de nous accompagner. La contribution apportée de manière directe se chiffre à plus de 13 milliards de F CFA, sans compter les aides faites auprès de la société civile, des organes de presse, les ONG, etc.

– Combien d’observateurs nationaux et internationaux se sont-ils accrédités auprès de la CENI ?
Nous aurons au total plus de 16.000 observateurs dont 500 internationaux. L’ensemble des ambassadeurs accrédités au Burkina Faso souhaitent avoir la qualité d’invités et avoir la possibilité de se promener et parcourir les bureaux de vote.
Ce chiffre élevé s’explique par le fait que l’attente pour ce scrutin est grande. C’est un scrutin qui a des enjeux énormes, parce que venant après l’insurrection populaire de 2014. Pour beaucoup de gens, le Burkina apparaît comme un laboratoire. Personne donc ne veut se laisser conter l’événement.

– A quand véritablement la fin de la transition qui sera matérialisée par la passation du pouvoir aux nouvelles autorités ?
Le premier tour a lieu le 29 novembre. Les résultats provisoires seront disponibles le 30 novembre. Il y aura deux types de recours : le recours pour les candidats, de 48h pour l’ensemble des opérations électorales.
Il y a ensuite un recours de 7 jours qui est applicable à l’ensemble des citoyens pour la contestation des résultats provisoires. L’article 98 du Code électoral dit que le Conseil Constitutionnel a 15 jours pour donner les résultats définitifs.
On aura donc la proclamation des résultats définitifs du 1er tour le 22 décembre si tous les délais arrivent à leur terme. Si tout se joue au premier tour, c’est à cette date que le candidat élu sera connu.
S’il y a un second tour, il a lieu 15 jours après la proclamation des résultats définitifs. Cela nous amène au 6 janvier 2016 qui ne tombe pas un dimanche comme le veut notre pratique.
Alors, l’élection aura lieu le dimanche suivant cette date, c’est –à-dire le 10 janvier 2016. Si la CENI proclame les résultats provisoires à jour J+1, on les aura pour le 11 janvier. Les recours pour les candidats prennent 48h et 7 jours pour tous les citoyens, ils finissent donc le 18 janvier.
Si le Conseil Constitutionnel a 15 jours maximum pour proclamer les résultats définitifs, on aura les résultats définitifs du 2e tour le 2 février 2016. Mais s’il n’y a pas beaucoup de recours, les délais pourront être réduits.

– La rumeur des fausses cartes d’électeur saisies a défrayé la chronique. Finalement, le dossier est classé par la justice. Comment en est-on arrivé à une telle rumeur ?
Je ne sais vraiment pas comment on en est arrivé là. Lorsque j’ai été informé, j’ai été interpellé par certains de vos confrères qui me disaient qu’il semble qu’il y a une histoire de fausses cartes d’électeur.
Je leur ai dit que j’ai aussi lu cela sur Facebook. Puisque nous ne savions pas de quoi il s’agissait, nous avons interpellé la police et la gendarmerie qui gèrent le processus de sécurisation du scrutin, pour nous permettre d’être situés sur une telle affaire.
Certains de vos confrères n’ont pas craint d’aller écrire que le président de la CENI confirme qu’il y a des faussaires qui ont été interpellés et qu’il les a vus au commissariat de police de Ouaga 2000..

– Ce n’est pas ce que vous avez dit?
Je n’ai jamais dit cela. J’ai dit que j’en ai également entendu parler et j’ai demandé aux services compétents de procéder aux investigations. J’ai tenu à rassurer les acteurs du processus électoral que je ne sais pas ce qu’on fera de fausses cartes d’électeur et qu’il n’est pas possible, dans le dispositif de notre fichier électoral, qu’on puisse avec de fausses cartes d’électeur y insérer des électeurs. Mais il était important pour nous que les investigations soient menées pour savoir quel est le mode opératoire envisagé. Nous avons entendu des gens insinuer que la CENI serait en cause. Nous sommes restés sereins pendant toute cette période. Le parquet a tranché et tout le monde est situé puisque nulle part, personne n’a vu une seule fausse carte d’électeur. Il n’y a rien eu. Ni la police, ni la gendarmerie n’a pu identifier la moindre fausse carte d’électeur qui serait en circulation. Des gens ont créé une rumeur pour des raisons qui nous sont inconnues. J’ai été d’autant plus choqué lorsque l’argument de fausses cartes d’électeur a été employé par les putschistes qui ont dit qu’au titre de leurs motivations, les forces de défense et de sécurité ont mis la main sur plus de 5.000 cartes d’électeur et il fallait qu’ils interviennent pour sauver la population d’une gigantesque fraude électorale en préparation. Quand on dit ça et que certains partis politiques répercutent et rebondissent là-dessus en disant que la CENI et le Conseil Constitutionnel ne sont plus crédibles et que cela remet en cause la crédibilité de ces institutions, ça donne à réfléchir.

– La campagne bat son plein; quel appel avez-vous à lancer pour une campagne électorale et des élections apaisées ?
Je demande à la classe politique d’avoir la haute conscience de ce qu’elle doit participer à l’expression du suffrage dans les meilleures conditions. Cette classe a signé un Code de bonne conduite qui exprime de manière claire le rôle et la responsabilité de chacun pour que ce scrutin se passe dans de bonnes conditions. Notre souhait est que chacun se comporte en compétiteur loyal et respectueux des autres. Que chacun utilise les voies légales pour d’éventuelles contestations pour qu’à la fin, tout le monde puisse saluer le Burkina Faso pour avoir réussi à entrer dans la vie constitutionnelle normale après cette insurrection populaire.

Entretien réalisé par
Alexandre Le Grand ROUAMBA


Dans quel délai les résultats seront-ils proclamés ?

Le Code électoral donne à la CENI un délai de 7 jours, avec la possibilité de saisir le Conseil Constitutionnel pour pouvoir repousser ce délai jusqu’à 10 jours.
Mais, ensemble avec la classe politique et les partenaires internationaux, «nous avons fixé un défi qui est de pouvoir délivrer les résultats provisoires à jour J+1. Notre souhait est que le 30 novembre les résultats provisoires puissent être livrés. Bien entendu, il sera mis en place un dispositif organisationnel qui commence à partir du bureau de vote.
Nous mettons la transparence au centre de nos travaux et nous demandons à l’ensemble des partis politiques et aux candidats indépendants en compétition d’être présents dans les bureaux de vote pour que nous puissions travailler ensemble. Si le travail se fait de cette manière, tout sera transparent et on évitera les contestations».

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