DE l’eau potable extraite du brouillard dans un petit village du Maroc, le premier hôpital flottant du Bangladesh, des rats détecteurs de mines et de tuberculose (un rongeur peut inspecter 70 échantillons en 10 minutes, bien plus qu’un technicien en laboratoire!), l’orchestre des instruments recyclés né d’une décharge du Paraguay, des pylônes qui se transforment en pluviomètres au Burkina Faso,… ce sont 104 projets innovants à fort impact social qui racontent des histoires d’espoir publiées le même jour, le 20 juin, par 47 journaux leaders dans leur pays (35 partenaires en 2014 et 100 millions de lecteurs), du Maroc, de l’Algé-rie, du Liban, du Honduras, du Mexique, de l’Ouganda, du Japon, de Madagascar, de Russie, de Singapour, de Tunisie,… Avec à la clé, 120 millions de lecteurs et 22 millions de personnes sur les réseaux sociaux touchés… c’est l’aventure Impact Journalism Day, initiée depuis trois ans par l’entreprise sociale Sparknews et à laquelle L’Economiste et L’Economiste du Faso prennent part depuis deux ans.
Ce réseau international s’est retrouvé à Paris, dans les locaux de l’Agence France Presse, les 6 et 7 septembre dernier, pour un débriefing, sous la houlette de l’infatigable Christian de Boisredon, fondateur de Sparknews et auteur de «L’espérance autour du monde», un bestseller traduit en 7 langues. A travers son projet, le but est de créer un mouvement de décideurs du monde des médias au niveau international qui s’engagent à promouvoir l’information de solutions dans leur pays et à partager entre eux leurs contenus et best practices. Sparknews, plateforme de contenus, repère les initiatives les plus innovantes à travers le monde et coordonne l’ensemble du pro-jet avec ses partenaires médias, à travers
un supplément inédit. Toutes ces histoires racontées sont des projets concrets qui offrent déjà des solutions à de grandes problématiques actuelles, telles que la protection de l’environnement, l’éducation,
la santé,….«Cette opération unique a pris de plus en plus d’ampleur puisque le nombre de médias partenaires a doublé en deux ans», commente Christian de Boisredon. Le but de ce rassemblement à Paris a été d’échanger et de partager l’expérience de chacun et aussi de construire ensemble l’avenir du journalisme de solutions. Christian de Boisredon et son équipe y croient dur comme fer: le journalisme
de solutions relaie les initiatives positives, inspire et donne les moyens d’agir. L’idée est qu’en utilisant la puissance des médias (tous supports confondus), plus nombreux chaque année, les choses peuvent bouger et changer. Et c’est sur ces thèmes que se sont penchés les rédacteurs en chef partenaires de ce projet à Paris. Un brainstorming mondial au cours duquel il a été question de s’interroger sur les défis
à relever: comment, à partir de ce concept, peut-on étendre l’engagement communautaire? Quel impact pour les journaux partenaires? Comment pousser les médias à modifier leur manière d’informer?
Qu’est-ce que le journalisme de solutions? Pour beaucoup de rédacteurs, les bonnes nouvelles ne font pas vendre. Reste que le journalisme de solutions pousse à réfléchir et à changer son point de vue. Il met en lumière des histoires où l’espoir et la vie reprennent leur droit par la volonté de femmes et d’hommes qui
décident d’être des acteurs du changement. En racontant ces histoires, le journalisme peut ainsi modifier les choses et 2015s’ouvrir à de nouveaux territoires. «Le journaliste passif n’existe plus.
Nous avons aujourd’hui dans les médias une capacité à avoir un effet de levier, à aller chercher les bonnes histoires, à montrer que cela est possible et inciter à l’action en catalysant toutes les énergies pos-sibles», dira un rédacteur en chef parte-naire depuis le début de l’Impact Jour-nalism Day.C’est ce que défend Keith Hammons, président de l’organisation Solutions Journalism Network. Pour lui, le journa-lisme de solutions introduit des modèles de changement. «Il engage les lecteurs qui sont plus sensibilisés et plus enclins à partager les informations notamment sur les réseaux sociaux. Ils se disent plus op-timistes et plus susceptibles de s’impli-quer et à moins faire la sourde oreille».L’Impact Journalism Day a éga-lement un effet sur les projets relayés, explique pour sa part Christian de Bois-redon. Et ce, à travers des investisse-ments, dons, mécénat de compétences et «même réplication dans d’autres pays». Même si un journaliste n’a pas forcément conscience de l’impact de son article, «il suffit que plusieurs personnes s’en inspi-rent pour que des systèmes révolution-naires émergent», ajoute-t-il. Il citera à plusieurs reprises au cours du séminaire de Paris l’exemple de l’entrepreneur bangladais Muhammed Yunus qui a créé la première institution de microcrédit, la Grameen Bank, ce qui lui a valu le prix Nobel de la paix en 2006. Surnommé le «banquier des pauvres», il a réussi à créer 100.000 emplois avec sa banque de microcrédit. Non sans rêver, Christian de Boisredon espère que, avec l’Impact Journalim Day, les lecteurs deviendront des Yunus à leur tour. Aujourd’hui, face à la cascade de mauvaises nouvelles, le journalisme d’impact trouvera-t-il sa place? C’est le pari que se lance Sparknews depuis trois ans. Rendez-vous est pris pour la 4e édition de l’Impact Journalism Day en 2016 pour une nouvelle «révolution positive».
Meriem OUDGHIRI
Buzzer l’innovation
A l’issue du brainstorming parisien, une soirée dédiée au rôle des médias dans la construction d’un monde meilleur et équitable a été organisée le 8 sep-tembre dernier lors du Forum mondial Convergences au Palais Brongniart. Le thème: «Les médias qui changent le monde, de Tokyo à Rio en passant par Paris». Avec beaucoup d’émotion et de bonne humeur, les rédacteurs en chef , «coachés» par le pétillant journaliste Vincent Edin, ont témoigné de leur engagement devant une salle de plus de 1.200 invités. Un «SparkShow», concept lu-dique, a aussi été organisé et où les journalistes devaient être rapides pour buzzer les projets les plus innovants présentés lors de cette soirée.